«Quand le pays s'arrête, l'Union se lève», c'est la traduction d'une phrase prononcée par Houcine Abassi, secrétaire général de l'Ugtt, fin 2012 quand la Tunisie, gouvernée à l'époque par la Troïka, était au bord du gouffre et risquait de sombrer dans le chaos et l'inconnu. C'était aussi au début de l'apparition de l'idée du dialogue national qui allait finir par faire tomber le gouvernement de la Troïka II dirigé par Ali Laârayedh et imposer celui des compétences apolitiques dirigé par Mehdi Jomaâ. Et bien avant que l'Utica, l'Ordre des avocats et la Ligue des droits de l'Homme ne rejoignent l'Ugtt pour former le Quartette du Dialogue national, l'on se demandait à quoi jouait la centrale syndicale ouvrière et que voulait réellement Houcine Abassi en s'engageant dans un processus de participation irréversible à la vie politique nationale même si tous les syndicalistes, les membres du bureau exécutif de l'Ugtt en premier lieu, continuent à crier : «L'Union n'a aucun rapport avec la vie politique nationale et traite avec tous les partis à égale distance. Les syndicalistes n'abandonnent jamais leur vocation de défenseurs des droits des travailleurs pour occuper un poste ministériel quelconque où ils seront opposés à leurs anciens camarades». La rhétorique est séduisante et trouve un écho favorable auprès de ceux qui ont la conviction que la politique ne pourra jamais s'incruster dans la maison du grand Farhat Hached et que ses disciples, même s'ils proviennent de plusieurs partis présents sur la scène, sauront préserver Echqaf (la barque) contre les dangers de la politisation. Sauf que ce discours qui passait il n'y a pas longtemps n'est plus d'actualité aujourd'hui et il n'est pas sorcier de découvrir que la maison de Hached à la Place Mohamed-Ali est devenue un Ksar Dhiafa bis où Houcine Abassi consulte, écoute ses visiteurs et note leurs doléances comme le fait Youssef Chahed quelques kilomètres plus loin à Carthage, à Ksar Dhiafa aussi. A «El Batha», les langues se délient facilement et il n'est pas difficile pour les journalistes de se ressourcer en informations utiles auprès des attroupements des syndicalistes qui suivent à la loupe ce que leur patron est en train de concocter quotidiennement. Après avoir coopté officiellement le choix de Youssef Chahed en tant que chef du gouvernement d'union nationale, l'Ugtt pense sérieusement aux candidats à fibre syndicaliste qui pourraient participer au gouvernement et qui défendraient les orientations ugétistes mais en tant que personnalités nationales. Pour le moment, deux noms émergent du lot. D'abord, Mohamed Trabelsi, ancien membre du bureau exécutif et ancien patron des instituteurs. Il revient d'une expérience syndicale réussie au Caire, il dispose d'une petite entrée auprès de Nida Tounès en la personne de sa belle-fille Ons Hattab, la députée nidaïste qui monte ces dernières semaines et est pressentie elle aussi pour un ministère parmi ceux qui seront réservés aux jeunes et aux femmes. Ensuite, Abid Briki qui a pris lui aussi de l'envergure en Jordanie où il est allé initier nos frères du Golfe à la création et à la gestion des syndicats. Les mordus des plateaux TV se rappellent encore ses performances lors des premiers mois de la révolution quand il a réussi à redorer le blason du B.E de Abdessalem Jerad, accusé d'avoir soutenu jusqu'au 13 janvier 2011 l'ancien président Ben Ali.