A Dar Edhiafa, Youssef Chahed, le chef du gouvernement désigné, rencontre les acteurs du paysage politique et civil. Il écoute les propositions et enregistre les critiques et les demandes Comme prévu, hier, Youssef Chahed, le chef du gouvernement désigné, s'est levé de bonne heure pour s'installer à Dar Edhiafa à Carthage et entamer ses consultations en vue de la formation du gouvernement d'union nationale que certains observateurs pressentent pour le 13 août (encore une date symbole : la proclamation du Code du statut personnel le 13 août 1956 et la création de l'Union nationale de la femme tunisienne) alors que, selon la Constitution, il dispose d'un délai d'un mois pour rendre sa copie et proposer à la confiance des députés la liste des ministres qui l'épauleront dans l'application du programme commun contenu dans le Pacte de Carthage. Hier, à huit heures piles du matin, a commencé le défilé des personnalités politiques que Youssef Chahed devait rencontrer. Et c'est à Néjib Chebbi, l'homme à tout faire et à tout décider au sein d'Al Joumhouri sans y occuper un poste officiel (il est actuellement président d'un centre de réflexion), d'ouvrir le bal. Au sortir de sa rencontre avec Youssef Chahed, on apprend qu'il a développé, de nouveau, son approche déjà annoncée, celle de créer trois grands pôles ministériels : un superministère qui s'attaquera au développement, un deuxième superministère qui regroupera l'éducation, l'enseignement supérieur et la formation professionnelle, et, enfin, un troisième superministère à caractère économique et financier. A-t-il soufflé des noms au chef du gouvernement désigné ? A ses dires, il ne l'a pas fait puisque Al Joumhouri, Achaâb et Al Massar tenaient le jour même au siège du journal Al Mawkef (qui ne paraît plus depuis 2013) une conférence de presse commune pour expliquer les raisons qui les ont poussés à contester la nomination de Youssef Chahed au palais de La Kasbah et pour dire ce qu'ils vont entreprendre maintenant que les dés sont jetés et que Youssef Chahed a déjà entamé ses consultations (voir l'article de Nizar Hajbi rendant compte de la conférence de presse commune). Al Moubadara proposera ses candidats Et avant d'aller rejoindre leurs camarades à la rue Yves-Nohel, Samir Taieb, secrétaire général d'Al Massar, et Zouheir Maghzaoui, secrétaire général d'Achaâb, sont allés à la rencontre de Youssef Chahed. Ils ont répété à leur sortie du palais Edhiafa : «Youssef Chahed n'est pas l'homme de l'étape. Nous ne participerons pas au gouvernement qu'il va former». Ils ajoutent : «Nous appuyerons toute initiative visant à appliquer convenablement l'accord de Carthage. Et nous tiendrons le gouvernement à l'œil pour voir comment ses ministres vont se comporter». Et comme à son habitude, Samir Taieb glisse ses bons conseils à Youssef Chahed en soulignant : «Le nouveau chef du gouvernement doit se tenir à égale distance de tous les partis politiques». Quant à Kamel Morjane, président d‘Al Moubadara, il semble qu'il a pris la décision de tout faire afin que les destouriens ne se retrouvent pas, encore une fois, sur la touche comme ce fut le cas lors de la formation du premier gouvernement de Habib Essid fin 2014. «Nous sommes prêts à participer au gouvernement d'union nationale et nous allons proposer un certain nombre de candidats à des postes ministériels», a souligné, hier, le président d'Al Moubadara, après avoir rencontré Youssef Chahed. Dans les sphères d'Al Moubadara, il existe «un sentiment d'injustice de la part de Nida Tounès à l'égard des destouriens. Il est temps de réparer l'erreur de fin 2014 quand on nous a promis des ministères pour se rétracter à la dernière minute. Et pourtant, nous n'avons pas tenu rancune au parti de Si El Béji et nos trois députés viennent de rejoindre le groupe parlementaire nidaïste dans l'espoir qu'il retrouve sa place de première force politique au Parlement. Aujourd'hui, Youssef Chahed promet qu'il y aura beaucoup de jeunes au sein de son équipe ministérielle. Au sein d'Al Moubadara, nous disposons de plusieurs jeunes compétences qui ne veulent que servir leur pays», confie à La Presse, l'un des universitaires fondateurs du parti. L'Ugtt attend pour proposer ses candidats Hier, dans l'après-midi, au moment où le présent article était rédigé, Youssef Chahed devait rencontrer Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, Houcine Abassi, S.G. de l'Ugtt, Wided Bouchamaoui, présidente de l'Utica, et Abdelmajid Ezzar, président de l'Utap. Du côté de Montplaisir, les nahdhaouis tiennent toujours le même discours : «Le pays a besoin de consensus. Nous avons réussi la première étape sur la voie de la concrétisation de l'initiative présidentielle. Nous avons un chef de gouvernement désigné et nous avons le devoir de le laisser choisir ses ministres loin de toute sorte de pression ou de conseil amical. Il demeure, toutefois, que notre parti se doit d'y être représenté à la mesure de son poids réel». A la place Mohamed-Ali, on s'accroche toujours à l'idée que «l'Ugtt n'a pas à participer au gouvernement mais elle se préserve le droit de veiller à ce que l'accord de Carthage soit strictement respecté». Les syndicalistes refusent de révéler qu'ils ont des candidats qu'ils verraient bien occuper certains fauteuils ministériels. Sauf qu'on ne peut pas empêcher les habitués d'El Batha et des cafés environnants de parler de candidats potentiels «proches de l'Ugtt et qui remplissent les conditions exigées par la feuille de route du palais de Carthage».