Malgré ou à cause, on ne sait pas trop, d'une absence de 30 ans, le public ne s'est pas déplacé, vendredi dernier, au concert du compositeur Abdelkarim S'habou programmé dans le cadre de la 52e édition du Festival de Hammamet. Les organisateurs ont ramené par bus des jeunes des régions voisines : Korba, Nabeul, Béni Khaled, etc. pour remplir les gradins. Sonia M'barek, ministre de la Culture, Mehdi Jomaâ, ex-chef du gouvernement et Mourad Sakli, musicologue et ex-ministre de la Culture, étaient présents à cet hommage consacré à l'un des plus importants compositeurs ayant connu ses heures de gloire dans les années 80. Compositeur prolifique, Abdelkarim S'habou a dominé la scène artistique dans les années 80 après un vide laissé suite à la disparition ou la retraite de certains noms comme Hédi Jouini, Mohamed Triki, Sadok Thraya, Salah Mehdi et d'autres. Mais S'habou n'était pas seul à avoir régné dans le secteur de la musique comme ont tendance à le dire certains, il y avait Abderahmane Ayadi, Adnen Chaouachi, Samir Agrebi pour ne citer que ceux-là qui avaient du talent et de la présence. Mais lui, il produisait fréquemment des mélodies légères qu'il confiait à de jeunes voix à l'instar de Najet Attia, Saoussen Hammami, Soundes Taga, Monia Bejaoui, Nawel Ghachem. Celles-ci ont fait long feu. Elles chantaient une ou deux chansons de sa composition et disparaissaient de la scène artistique. Ses relations avec les artistes femmes ont toujours été mouvementées, lui-même n'arrive pas en expliquer les raisons. D'ailleurs, pour ce come-back de Hammamet, il n'a pu faire appel à aucune de ses chanteuses. Par contre, il a gardé un bon contact avec les artistes hommes tels que Abdelwaheb Hanachi, Chokri Bouzaiane et Chedly Hajji qui ont répondu présent au concert. Un concert dont le programme n'était pas bien étudié. Accompagné de l'excellent orchestre national de musique sous la baguette de Mohamed Lassoued, Abdelkarim S'habou a chanté lui-même le tube de Monia Bejaoui « Hams el Mouj » qu'il fallait sans doute laisser à la fin du spectacle comme le clou de la soirée. Puis, il a cédé la place à la jeune artiste montante Asma Ben Ahmed, qui a chanté trois titres « Malou Lhamem », « Aoudatni Al ouid » et « Damaâ Damaâ ». Le hic, c'est qu'elle ne connaissait pas les textes par cœur et était concentrée sur le pupitre. Ce qui démontre le manque de sérieux de la chanteuse, qui a certes chanté correctement mais sans âme. Puis place a été faite à Abdelwaheb Hanachi, qui a interprété ses tubes : « Win ya Gharami », « Sabrek Maktoub » et « Ya ness ma Tloumou Galbi » que le public a entonnés avec lui. Faisant montre de son professionnalisme et sa présence sur scène, bien qu'un peu essoufflé, il a pu s'en sortir à bon compte. Puis retour de S'habou, qui a tenu à interpréter « Houwa Sahih » d'Oum Kalthoum qu'il a chantée lors de sa première apparition à la télévision nationale. Avec sa voix rocailleuse et cassée comme la plupart des compositeurs, il a rendu hommage à la diva qui reste indétrônable jusqu'à nos jours. Comme il ne restait plus beaucoup de temps, Chokri Bouzaiane n'a proposé qu'un refrain « Wa laou ya Habibi » et Chedly Hajji son célèbre « Ghadar » précédé d'un « Mawel ». Au cours de la dernière partie du concert, Abdelkarim S'habou a pris les commandes de l'orchestre et c'est au tour de Maherzia Touil de présenter les chansons de Najet Attia « Nadou Maâya essaber » et « Chems Ennahar » ainsi que « Kanek Mgahreb » de Soundès Taga. Abdelkarim S'habou a voulu montrer les différentes facettes de son talent de compositeur, chanteur et chef d'orchestre. Pas de nouveautés en perspective. S'en tiendra-t-il à ce concert ou ira-t-il de l'avant? Une chose est sûre, c'est que le public l'a oublié après tant d'années d'éloignement. Ceci étant dit, les spectateurs présents ont passé une agréable soirée marquée par la nostalgie et qui a fait revivre la chanson tunisienne des années 80.