Hommage à Hassib Ben Ammar, père fondateur de la Ligue, «cette lampe scintillante qui nous montrait le chemin» La Ligue tunisienne de défene des droits de l'Homme, Ltdh, organise son septième congrès, le deuxième après la révolution. Hier, au palais des congrès à Tunis s'est tenue la cérémonie d'ouverture. Une cérémonie en grande pompe à laquelle le président de la République, Béji Caïd Essebssi a tenu à être présent, ainsi que le président de l'Assemblée des représentants du peuple, Mohamed Ennaceur. Houcine Abassi, secrétaire général de l'Ugtt était à la tribune avec le reste des représentants du Dialogue national ; l'Ordre des avocats et l'Utica, la Ltdh étant membres du Quartette nobelisé. Les congressistes sont venus en force de toutes les sections régionales pour tenir leurs assises à Hammamet jusqu'au 2 octobre. Objectif : réélire les membres des structures ainsi que le président. Des militants historiques des droits de l'Homme, des hommes politiques, des chefs de parti, des députés, des syndicalistes et quelques ambassadeurs ont fait le déplacement. Les retrouvailles semblent être cordiales, malgré les désaccords et les brouilles oubliés le temps d'un après-midi. Abdessatar Ben Moussa a déclaré solennellement, un brin fier, qu'il ne se porte pas candidat ni pour la présidence ni même pour être membre du comité directeur, tout comme il a été bâtonnier de l'Ordre des avocats une seule fois. C'est l'homme d'un seul mandat, prend-il soin de rappeler. Certes, mais pour plusieurs mandats différents, soit dit en passant. La promesse est un engagement Il a rendu hommage à tous les organismes nationaux et internationaux qui ont épaulé l'action de la Ligue et ses combats, et soutenu ses militants dans les moments difficiles. En rappelant au passage les principes fondateurs, défendre les droits de l'Homme, tous les droits, a-t-il insisté, civils, politiques, sociaux, culturels et économiques ainsi que les libertés, en faisant abstraction des idéologies et autres sensibilités politiques. Ne perdant par le nord, malgré son émotion apparente, M. Ben Moussa prévient que la Ligue s'est trouvée astreinte de puiser dans l'argent du prix Nobel pour couvrir les frais du congrès, en attendant la subvention promise par le gouvernement pour payer le loyer du siège. Et se tournant vers le président de la République avec un regard entendu, il luit lance : «La promesse d'un homme d'honneur fait office d'engagement». Joignant le geste à la parole, l'orateur déplie un prospectus immobilier pour la salle, histoire de rassurer peut-être des militants impatients. Certaines voix se sont élevées pendant les discours, chacune pour réclamer quelque chose, et «nous voulons un siège» faisait partie des revendications hurlées. La ligue, une pionnière Abdessatar Ben Moussa a relevé la portée novatrice de ce congrès électif. Un rendez-vous attendu pour organiser la maison, féminiser et rajeunir les nouvelles structures qui seront élues. Il a défendu son bilan, les choix de la Ligue, étant d'abord une force de proposition ensuite de pression pour devenir, faute de résultats, un support de contestations. L'ambiance est montée d'un cran, lorsque les noms des deux dirigeants palestiniens sont cités Ahmed Saadât et Marouane Bargouthi dont l'épouse était présente en tant qu'invitée d'honneur. Le syndicat des journalistes égyptiens a été également honoré, mais pour avoir été dans l'incapacité de venir à Tunis, son homologue tunisien l'a représenté. C'est le président de la République qui a pris la parole, optant cette fois-ci et prudemment pour une intervention écrite. Il a remercié le maître d'hôte Abdessatar Ben Moussa pour les relents historiques. Béji Caïd Essebsi étant un des rédacteurs du journal dissident « Erraï » et quelque part et à sa manière un défenseur des libertés, c'est ce que Ben Moussa a tenu à rappeler. Le président a célébré les quatre décennies depuis la création de La ligue durant lesquelles celle-ci s'est efforcée de défendre les valeurs et les libertés. Hassib Ben Ammar, le père fondateur, « cette lampe scintillante qui nous montrait le chemin», a été célébré sous les applaudissements. La Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme, fondée en 1976 par Hassib Ben Ammar, l'homme politique et le défenseur des droits de l'Homme, a été présidée par le professeur Saâdeddine Zmerli. C'est une ligue pionnière dans le monde arabe et en Afrique, rappellera le président de la République. Il a tenu à souligner, au passage, que le temps des conflits est révolu. Et que tout comme le Dialogue national a été reconnu et célébré par la communauté internationale, il faudra refonder un contrat social qui s'appuie sur les droits et les valeurs sans exclusion aucune mais également sur les devoirs. Une vocation première La ligue est, in fine, un monument, participe à l'identité nationale et pour tout dire à notre exception tunisienne, aime-t-on à se le rappeler. Malgré le plaidoyer de Abdessatar Ben Moussa, il est un fait établi que ces dernières années, sur des combats fondamentaux qui touchent les acquis des Tunisiens et Tunisiennes, la ligue est restée bien silencieuse, peut-être enlisée qu'elle était dans des luttes fratricides. Ensuite, elle a choisi comme politique de se fondre dans la masse des associations et organismes dont les intérêts comme les objectifs divergent pour se limiter à parapher des communiqués. Alors que la ligue est censée être chef de file. C'est sa vocation, ce pourquoi elle a été créée. Un passage du livre de feu Mohamed Charfi, «Mon combat pour les lumières», qui, ministre de l'Education, a continué à défendre la maison, l'illustre bien. «Au début de 1992 est présenté au Conseil des ministres un projet de loi tendant à forcer les portes de la Ligue pour permettre aux rcdistes de la contrôler ou de la détruire de l'intérieur. Le projet, prétendument de réorganisation des statuts des associations, est cousu de fil blanc. Je suis fou de rage. Je réussis tout de même à me calmer et à m'opposer au projet dans des termes corrects mais francs et directs. J'invoque la Constitution, la liberté d'association, le droit de la Ligue, son prestige et la nécessité politique de la préserver. On m'écoute. Silence de mort». Espérons qu'après ce congrès la ligue retrouvera son impact et son aura. Béji Caïd Essebsi : «La liberté d'expression est garante de la stabilité du pouvoir» «Exprimer un point de vue différent de l'opinion officielle n'est, en aucun cas, une action destructive ni un complot contre la sûreté de l'Etat», a souligné hier le président de la République, Béji Caïd Essebsi. Dans son allocution à l'ouverture des travaux du 7e congrès de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme (Ltdh), Caïd Essebsi a ajouté que la liberté d'expression est garante de la stabilité du pouvoir, estimant que la Tunisie jouit actuellement d'un climat de liberté. Le chef de l'Etat a précisé que le parachèvement du projet de l'Etat moderne consiste à respecter les droits de l'Homme et le pluralisme, faisant remarquer que l'attribution du prix Nobel au Quartette du dialogue national est une reconnaissance de la communauté internationale à l'inscription des droits et des libertés dans la Constitution tunisienne de 2014. De son côté, Houcine Abassi, secrétaire général de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt), a souligné l'importance de la poursuite du dialogue dans le cadre du respect mutuel du droit à la différence et à la diversité afin de promouvoir l'esprit de la citoyenneté. «De nombreux défis restent encore à relever et nécessitent une grande vigilance et une mobilisation ainsi qu'une approche globale et multisectorielle pour faire prévaloir la souveraineté de la loi et des droits de l'Homme», a-t-il dit. Il a ajouté que la lutte contre la corruption et la défense des droits de l'Homme sont une priorité absolue et il convient de coordonner les efforts avec tous les pays du monde. «Il est aussi urgent de permettre au peuple palestinien d'édifier un Etat indépendant dont la capitale est Al Qods», a-t-il ajouté, soulignant son soutien, en tant que membre du Quartette du dialogue national, à la candidature du détenu de la liberté Marouane Barghouthi pour l'octroi du prix Nobel de la Paix. Pour sa part, Fraj Fennich, du Haut-commissariat des droits de l'Homme, a appelé les autorités tunisiennes à collaborer avec les organisations nationales pour consacrer un climat de liberté. «La Tunisie a aujourd'hui besoin des efforts de toutes les parties pour réaliser le progrès et consacrer les droits économiques et sociaux dans un climat de liberté», a-t-il ajouté. Il a, en outre, souligné la nécessité d'élaborer de nouvelles stratégies basées sur le renforcement du rôle des femmes et de la jeunesse, la consécration des droits et la promotion de l'investissement, notamment dans les régions intérieures. Dans son intervention, Maryse Artiguelong, de la Fédération internationale des droits de l'Homme (Fidh), a souligné que le combat des organisations de la société civile est encore long pour adapter la législation à la Constitution et consacrer l'égalité homme-femme, le respect des droits économiques et sociaux et l'abolition de la torture et de l'homophobie. L'intervenante a indiqué que la Fidh continuera à soutenir la Ltdh dans son combat visant à faire valoir tous les droits sans exclusion ni distinction. La garantie du droit au travail pour tous et des droits de la femme dont l'égalité dans l'héritage ainsi que le renforcement de sa participation à la vie politique, outre la promotion des droits économiques et l'encouragement à l'investissement ont été les principales revendications de plusieurs représentants des organisations de la société civile lors de la cérémonie d'ouverture du congrès. A la fin des travaux de la première journée du congrès, un hommage a été rendu à l'épouse du prisonnier palestinien Marouane Barghouthi ainsi qu'au syndicat des journalistes égyptiens.