Le docteur Ahmed Hedhiri, chercheur et enseignant à la faculté des Lettres et des Sciences humaines de Sousse, n'a pas opté pour la facilité en choisissant le thème de sa thèse de doctorat, éditée chez Karem Cherif. En effet, il s'est intéressé dans ses travaux à un sujet sensible et épineux : les coptes et leurs relations avec les musulmans durant le XXe siècle. Le terme «copte» est dérivé du grec et signifie «égyptien». Les coptes sont les chrétiens d'Egypte. Ils sont une minorité, mais leurs origines au pays du Nil sont très anciennes. Elles datent du Ier siècle. Leur histoire a connu son premier rebondissement avec les conquêtes islamiques survenues au XIIe siècle. Depuis, et jusqu'à nos jours, leur situation et leurs relations avec les musulmans d'Egypte connaissent des hauts et des bas, marqués tantôt par la discorde, tantôt par l'union de la croix et du croissant. La thèse d'Ahmed Hedhiri laboure un large champ de recherches et d'investigations pour mettre en évidence les traits caractéristiques de la relation coptes-musulmans, et son évolution tout au long du XXe siècle. Le chercheur ne s'arrête pas là. Le véritable apport de son ouvrage est une analyse en profondeur de la situation dans toute sa complexité, afin de faire ressortir les raisons qui ont fait que les choses ont été ainsi, entre les deux camps, dans différentes périodes allant de 1908 à 1990. De même, les relations des coptes avec les musulmans ne se limitent pas au XXe siècle. Sa première partie (chapitre I) est consacrée à l'histoire et aux origines des coptes, à leur organisation patriarcale et à leurs différentes doctrines. Ce dernier élément est d'une grande importance. Il y est question des relations des coptes entre eux et avec les autres chrétiens. Le livre de Ahmed Hedhiri nous révèle, entre autres, que les coptes ont toujours tenu à garder leur indépendance par rapport au christianisme européen et au Vatican. Ce constat mène l'auteur à poser des questions sur lesquelles il se base dans ses hypothèses de recherche. Ces questions concernent l'indépendance des chrétiens arabes par rapport au reste du monde arabe et jusqu'à quel point ils se sentent appartenir à ce monde avec lequel ils partagent la terre et la langue. L'exemple des coptes revêt le plus de particularités aux yeux du chercheur qui arrive à tirer la conclusion que «la question copte» n'est pas exclusivement une question égyptienne, mais elle occupe aussi une place dans la situation au Proche-Orient. Pour arriver à cette conclusion, Ahmed Hedhiri passe par un parcours exhaustif de l'histoire des coptes et, au-delà, de l'histoire de l'Egypte entre 1908, année symbolique, car elle coïncide avec la nomination de Boutros Ghali comme premier ministre, et 1990, au moment où la tension entre musulmans et coptes a connu son apogée et où l'extrémisme religieux exercé contre ces derniers était le plus fort. La longue liste de références bibliographiques, qui sont une richesse de plus dans cet ouvrage, témoigne d'un travail colossal de recherche et de documentation. Un tel effort trouve son écho dans les différents chapitres des coptes et leurs relations avec les musulmans où on expose, en détail, les circonstances sociales, politiques et religieuses par lesquelles passe le pays et qui régissent, par conséquent, la nature des relations entre les coptes et les musulmans, où les intérêts des uns et des autres sont souvent en opposition. Durant la monarchie, le système colonial anglais a pu séparer les musulmans et les coptes, qui étaient arrivés à se réunir sous le Parti national (1907) de Mustapha Kamel, dont le principal souci était d'obtenir l'indépendance du pays. L'effet de la révolution de 1919 qui réunit la croix et le croissant s'estompa avec «la contestation religieuse», dans les années 30, qui s'est traduite par l'apparition d'abord des frères musulmans et, ensuite et en réponse, du parti copte. Les coptes ont été presque écartés de la révolution d'octobre 1952 qui a aboli la monarchie en faveur de la République. Les répercussions de cette situation se sont transformées en tensions pendant les mandats de Anouar El Sadat. Ce fut un héritage lourd à gérer pour Hosni Moubarak, qui lui succéda après son assassinat en 1981. Etant à la base une thèse de doctorat, Les coptes et leurs relations avec les musulmans affiche un style qui en fait un livre très instructif, précis et facile à lire, surtout pour les habitués des ouvrages scientifiques. Il offre ce que tout travail de recherche a de mieux à offrir : l'information et la réflexion.