L'expérience canadienne à l'honneur Au parlement canadien, pour enrayer un tant soit peu les conflits d'ordre relationnel entre les députés et les journalistes, un espace informel est dédié à l'intérieur de la chambre des représentants. Hier s'est tenue au centre de la capitale une journée d'échange et de réflexion sur le journalisme parlementaire, sous le slogan « Partenaires au service du droit à l'information de la population». Une rencontre organisée par l'Institut national démocratique, NDI Tunisie. Objectif : mettre en relation les trois parties prenantes de ce journalisme spécialisé, à savoir l'Assemblée en tant qu'institution, les députés d'un côté, et les journalistes de l'autre. L'interaction entre ces trois entités, «piliers», a été revue sous toutes les coutures, associée à une question essentielle, comment l'optimiser ? Mme Sheila Copps, qui a été vice-Premier ministre du Canada, députée pendant vingt-trois ans, et qui a fait ses premières armes en tant que journaliste parlementaire, en est l'invitée d'honneur. Munie de sa triple casquette, elle s'est adressée au public tunisien pour évoquer tour à tour son parcours personnel et des aspects du fonctionnement du système parlementaire canadien. Mme Copps n'a pas manqué de féliciter les Tunisiens pour «leur exemple qui inspire le monde», en les mettant en garde contre un éventuel échec des députés qui signifiera ni plus ni moins «l'échec de la révolution». A ses côtés, M. Daniel Deizainde, analyste politique, spécialiste des questions de communication, a joué le rôle de modérateur, ainsi que Mme Marie-Eve Bilodeau, directrice de NDI Tunisie. De par sa connaissance de la réalité tunisienne, Mme Bilodeau a tôt fait d'insister sur certains éléments qui requièrent davantage d'efforts dans l'immédiat, tels que l'accréditation des journalistes parlementaires et la professionnalisation du métier, en insistant sur la prise d'initiative des concernés eux-mêmes. Toute nouvelle action devra émaner du corps des journalistes, a-t-elle martelé. Personne n'est content Cette rencontre fait suite à une journée porte ouverte co-organisée par le département communication de l'ARP et NDI, le 20 mai dernier. Avec le recul, cette journée a été fructueuse à plus d'un titre. Puisque parmi ses retombées positives, l'envoi systématique, par le centre média de l'ARP, des prévisions des travaux parlementaires aux journalistes, munies des textes de loi qui seront débattus le lendemain. M. Harbaoui, Assesseur auprès du président de l'Assemblée chargé de la communication, était à la tribune en tant que paneliste également. Il a défendu les choix du parlement en matière de communication, alerté sur le manque de moyens permettant d'investir comme il se doit dans les outils de communication et de formation, mais informé, tout de même, que le Bardo sera muni d'un service interne de retransmission des plénières. Des postes de télévision seront installés au palais au cours de la future session ordinaire 2017. Au fil d'un débat interactif et spontané, toutes les questions touchant tant au fonctionnement de l'ARP, qu'aux couvertures des plénières et commissions, ainsi qu'aux rapports entre les journalistes et les élus, ont été évoquées. Un des députés présents a fait remarquer que finalement personne n'est content, et de renchérir. «Certains journalistes se concentrent sur les futilités pour créer le buzz en laissant de côté l'essentiel». D'autres élus ont regretté l'esprit sélectif des journalistes pour ne pas dire leur favoritisme en donnant la parole toujours aux mêmes et pénalisant de facto un grand nombre de représentants du peuple restés anonymes pour la population. Off the record Mme Sheila a évoqué certains aspects de la relation à la fois difficile mais essentielle qui lie les journalistes aux députés. Au parlement canadien par exemple, pour enrayer un tant soit peu les conflits d'ordre relationnel entre les deux groupes, un espace informel leur est dédié à l'intérieur de la chambre des représentants. C'est un espace, toutefois, régi sous le mode du «off the record», a-t-elle pris soin de préciser. Ainsi rien de ce qui se dit ne devra être divulgué, sauf à la demande de l'intéressé, mais lors d'une rencontre plus officielle comme une interview, apprend-on encore. 2% du budget de l'Etat canadien est consacré au parlement, 1% pour les traitements des salaires et 1% réservé aux activités neutres, tels que les outils de communication ou encore la rémunération des 300 chercheurs affectés à la bibliothèque. « Nous ne pouvons comparer l'incomparable, relève à cet effet M. Harbaoui, le budget dérisoire du parlement tunisien nous interdit de penser à optimiser comme il se doit les instruments de communication, nous ne pouvons pas, par exemple, et compte tenu des moyens actuels, penser à créer une chaîne parlementaire, regrette-t-il. Les journalistes, de leur côté, ont récusé ce rôle de faire-valoir que veulent leur imposer des députés, «notre rôle est d'informer l'opinion publique», rappelle-t-on encore une fois !