Par Frank La Rue * Au cours de la dernière décennie, plus de 800 journalistes ont été tués dans l'exercice de leur métier, et seulement 8% de ces cas ont été élucidés. Il s'agit ici des chiffres de la Directrice générale de l'Unesco, une organisation comptant 195 Etats membres. Les 92% des cas non élucidés disent au public que la liberté d'expression n'est pas protégée. Ils leur disent que la société ne peut garantir leur droit à l'information. C'est pourquoi chaque gouvernement doit assumer sa responsabilité d'enquêter sur les crimes commis contre des journalistes. Chaque gouvernement doit intervenir de manière efficace et en temps opportun, s'il veut créer un précédent pour les autres cas. Si nous tolérons toute forme de violence à l'encontre des journalistes, nous laissons régner l'impunité. L'impunité, c'est l'absence de justice et lorsque l'impunité prévaut dans des cas de violences aussi bien contre des journalistes que contre les défenseurs des droits de l'Homme, c'est une invitation pour que survienne, non pas un seul, mais beaucoup plus d'autres cas de violences. C'est le message que nous diffusons le 2 novembre, la Journée internationale de la fin de l'impunité pour les crimes commis contre des journalistes. C'est une journée importante, non seulement pour commémorer et honorer tous ceux qui ont trouvé la mort dans l'exercice de leurs fonctions, mais aussi pour lancer un appel pour la justice dans des cas de violence et de harcèlement contre des journalistes. Le harcèlement contre des journalistes sous toutes ses formes doit être rejeté, y compris les arrestations arbitraires et l'intimidation verbale. Mettre fin à l'impunité portant sur tous ces actes constitue le pas le plus important pour assurer la sécurité des journalistes. Protéger les journalistes et garantir une presse libre est essentiel pour le développement des sociétés et important pour permettre à chaque femme et homme d'exercer leur droit d'accès à l'information, leur droit de participer en tant que citoyens en démocratie, et de travailler pour le droit au développement. Ceci est important parce que nous avons besoin de la liberté d'expression, de la démocratie et de l'accès à l'information pour réaliser un développement durable plus inclusif. Voilà pourquoi les Objectifs de développement durable, convenus l'année passée par tous les Etats aux Nations unies, ont consacré en l'objectif 16.10 la nécessité de garantir l'« accès du public à l'information » pour garantir l'atteinte des 17 objectifs. Le journalisme, c'est ce qui permet aux citoyens d'exercer leur droit de s'informer, leur droit de savoir et leur droit de s'assurer de l'obligation de leurs dirigeants à rendre des comptes. Chaque fois qu'un journaliste fait l'objet d'une agression, menace, harcèlement ou assassinat et qu'il n'y a pas d'investigation, c'est une invitation à davantage de violences. Chaque fois que la justice n'est pas rendue pour un journaliste qui a été victime, cela enhardit les agresseurs à continuer. La date du 2 novembre est l'anniversaire du meurtre de deux journalistes français au Mali en 2013. Quatre ans plus tôt, plus de 30 journalistes avaient été assassinés dans le massacre de Maguindanao aux Philippines, l'attaque en une seule journée la plus meurtrière contre des journalistes jusqu'à présent. Aucun des deux cas n'a été encore élucidé. Pour aider à obtenir la justice pour les journalistes, l'UNESCO travaille avec les systèmes judiciaires à travers le monde, en vue de les sensibiliser à l'importance des cas liés aux meurtres de journalistes. L'Unesco s'associe également à des médias, des gouvernements et des groupes de la société civile pour renforcer la sensibilisation à ce sujet. Cette action est portée par le Plan d'action des Nations unies sur la sécurité des journalistes et la question de l'impunité, qui appelle à des partenariats élargis entre parties prenantes et a été salué par la Résolution de l'Assemblée Générale des Nations unies du 18 décembre 2013. Le 2 novembre est un jour pour lancer un appel pour la justice, pour lutter pour la sécurité des journalistes et pour mettre fin à l'impunité. En cette journée, il est important d'inviter les gouvernements à agir contre les cas de journalistes tués, et d'encourager les systèmes judiciaires à mener des enquêtes rapides et efficaces sur les crimes commis contre des journalistes. Eradiquer l'impunité des attaques des journalistes est fondamental pour la liberté, les droits de l'Homme et l'accès du public à l'information. Tout le monde devrait se joindre à cet appel. * Sous-directeur général de l'Unesco pour la communication et l'information