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De la rationalité certes, mais plus de solidarité pour un monde meilleur
Le mensuel de La Presse : Automnes… Le chemin des rentrées - Réflexions
Publié dans La Presse de Tunisie le 11 - 09 - 2010

Par Pr Mohamed Frioui (Faculté des Sciences économiques de Tunis)
Faire le bilan de la crise qui a secoué le monde dernièrement semble trop précipité car certains dégâts n'ont pas encore été observés. Pourtant, les leçons à tirer de cette secousse ne tarissent pas et ceux qui croyaient dur comme fer au système reposant sur les instruments traditionnels de la politique économique sont désavoués face à leur impuissance à maîtriser ce qui semblait maîtrisable. Les défis et les enjeux actuels imposent le changement. C'est, d'ailleurs, tout l'intérêt de cet entretien qui offre quelques réflexions sur l'avenir du monde et les perspectives de l'économie mondiale.
Entretien conduit par Sana Bouajila.
L'une des plus grandes questions soulevées par la crise mondiale concerne l'accent mis sur la nécessité de créer un nouveau modèle de croissance. Comment envisagez-vous la croissance de demain‑?
Il faut souligner que la croissance suppose la combinaison des facteurs de production traditionnels en vue de créer de la valeur économique, c'est-à-dire des biens et des services pour le consommateur. La croissance suppose donc la consommation d'input (matière première, matière consommable…) en vue de fournir un output en utilisant une technologie appropriée. Le vrai problème qui se pose est le suivant : quel type d'input faut-il consommer pour éviter les nuisances‑? C'est-à-dire, les possibilités de générer des produits qui limitent les effets négatifs sur l'atmosphère, sur la vie et le bien-être en général. Par ailleurs, nous vivons dans un monde de rareté où les ressources disponibles ne sont pas en quantités abondantes. Il faut donc opérer un choix. Or tout choix implique un sacrifice. Il faut donc appliquer la règle sacrée de l'économie selon laquelle l'avantage doit l'emporter sur le coût ou l'utilité sur la frustration. C'est dire que les ressources sont épuisables. Il faut donc penser à la substitution, autrement dit des ressources de remplacement. Il faut aussi penser aux droits des différentes générations. Nous consommons ce que nos ancêtres ont produit et nous produisons ce que les générations futures vont consommer. Ce lien doit être sauvegardé.
C'est là tout l'intérêt du développement durable...
En effet, cela nous mène à dire que le développement doit être durable. Les deux impératifs qu'il faut envisager sont les suivants : l'épuisement des ressources et la qualité des produits offerts pour éviter des coûts supplémentaires (nuisances…).
Louis De Broglie disait que toute augmentation de notre pouvoir de satisfaction augmenterait sans cesse notre pouvoir de nuire. La rationalité implique que le premier pouvoir l'emporte sur le second pour qu'il y ait pérennité de la vie et, donc, le bien-être.
Dans la réalité, cette équation n'est pas toujours satisfaite. C'est pourquoi nous parlons aujourd'hui d'économie verte, c'est-à-dire utiliser des ressources qui ne dégagent pas de sous-produits nuisibles à la santé des individus et à la pérennité de la vie en général. C'est une trajectoire à creuser pour réaliser la croissance. L'autre impératif de l'épuisement des ressources suppose la recherche continue d'input de substitution, autrement dit, envisager la diversité des ressources susceptibles d'offrir le même output (produit de biens et de services). Ces ressources de substitution sont les énergies renouvelables, les produits de grande consommation, les matières premières à usages multiples (exemple : le maïs utilisé pour la fabrication de pétrole). Il faut peut-être aussi penser à une révolution alimentaire. C'est-à-dire que les biens de consommation nécessaires à la régénération de la vie humaine devraient faire l'objet d'études pour centrer sur les produits d'économie verte, non consommateurs de produits nuisibles. Pour fabriquer des produits à la consommation, on doit privilégier les produits à économie verte et les input non nocifs. C'est une perspective et une potentialité à valoriser. Cela ne veut, cependant, pas dire qu'il faut remettre totalement en cause le système existant. Il faut penser à réationaliser.
Après la crise qui a secoué le monde de plein fouet et remis en question l'idéologie en vigueur, pensez-vous que le bonheur est, encore, dans le libéralisme et le capitalisme ?
Pour répondre à cette question, une autre question se pose : quel est le meilleur régime susceptible d'assurer le plaisir, la satisfaction, voire le bonheur de l'humanité ?
Dans ce cas, trois réponses d'ordre matériel sont envisageables. On peut opter pour le régime qui utilise les produits naturels non nocifs et qui donnent des produits de consommation courante pouvant procurer le plaisir et le bien-être. L'autre réponse consiste à minimiser le coût ou l'usage des produits nuisibles faute de mieux. C'est ce qu'on appelle le passage obligé. Une autre alternative consiste à engager la recherche en vue de réduire les coûts, trouver les éventails de remplacement et apporter des produits nouveaux, quitte à changer le modèle de consommation et le régime alimentaire en vue de garantir le bien-être matériel. Sur le plan moral, François Peroux disait qu'il faut «promouvoir l'homme et tout l'homme». Il y a donc les conditions physiques et morales. Il faut consacrer les valeurs telles que la liberté, l'altruisme, l'honnêteté, l'intégrité ainsi que l'équité et satisfaire les normes telles que la régularité, la justice, l'égalité de traitement, le respect de la personne humaine et la dignité.
Il convient aussi de développer les usages, c'est-à-dire les traditions, les croyances et les coutumes qui facilitent la vie. La réunion des ces trois composantes (valeurs, normes et traditions) à dosages différentiels aboutit à une seule notion: l'éthique.
La coordination entre l'élément matériel et l'élément moral constitue la fonction de préférence voire l'échelle de valeurs pour pouvoir engager un système de vie serein, générateur de plaisir et de satisfaction, qui apaise la peine de l'Homme.
Pensez-vous que le capitalisme est susceptible de répondre, un jour, à cet objectif ou faut-il envisager un autre modèle ?
L'humanité a expérimenté les trois grandes idéologies du monde qui se résument très succinctement à travers ces deux éléments (moral et matériel) : à chacun selon son revenu, à chacun selon son travail ou à chacun selon son besoin. La vie en communauté implique la définition de la fonction de préférence vitale, à savoir la combinaison entre l'intérêt personnel et l'intérêt collectif. Or, comme disait Montaigne, «il faut vivre entre les vivants». Cela veut dire qu'il faut chercher une certaine commodité, une viabilité, un échange de connotations émotionnelles, ce qui implique le choix d'un système de vie qui coordonne entre l'intérêt personnel et collectif. Les régimes économiques expérimentés par l'humanité reposent sur ce choix à méditer…
Il y a quelque temps, la globalisation était notre univers de réflexion et notre sphère de projections. Or, depuis le déclenchement de la crise mondiale, les choses semblent avoir changé et le discours entourant la globalisation se fait moins accrocheur. Ajouté à cela cette atmosphère de morosité et de scepticisme qui règne actuellement. Peut-on appréhender le phénomène de «déglobalisation» développé par le sociologue Walden Bell?
La globalisation signifiait à l'origine un espace sans entraves de circulation des facteurs de production selon la règle du rendement, du coût, de l'efficacité voire de l'efficience. Ce fut donc le «laissez-faire, laissez-passer» et chacun doit tirer son épingle du jeu selon ses compétences distinctives, et par conséquent, son avantage comparatif. Ce système n'est pas contrôlé. Il est laissé au réflexe de l'offre et de la demande selon le différentiel comparatif. L'absence de balise de contrôle, de moyens de régulation a conduit à des situations de blocages et de crises. Il fallait donc un organe de régulation qui veille à la maîtrise du système et à éviter les excès. Faut-il rappeler que tous les excès, quelles ques soient leurs natures, ne sont pas bons. Les mesures prises sur le plan international visent à «moraliser le capitalisme», à «humaniser le libéralisme» et constituent, en cela, une orientation salutaire. Le G20 ou l'OMC ou toute autre institution qui devraient veiller à cette coordination, doivent jouer un rôle essentiel dans cette phase de l'économie. Ces mesures visent à corriger la globalisation et non à annoncer sa fin. Il est, d'ailleurs, trop tard pour faire marche arrière.
Quelles sont, donc, les leçons à tirer de cette crise ?
La crise signifie un blocage, un excès, une absence de régulation, de contraintes et de maîtrise. C'est la conséquence du comportement de réflexes. Le gain facile attire les spéculateurs. Les excès et les coûts sont à envisager. La régulation suppose la réduction voire l'élimination des coûts et assurer la viabilité du système voire sa pérennité. La création de richesses devrait permettre la satisfaction des besoins des différents ayants droit à doses variables mais acceptables.
On parle actuellement d'un nouveau mode de gouvernance, d'un souhait plus concret de transparence, d'une tendance vers l'équité et d'une gestion plus appropriée des intérêts. Peut-on s'attendre à un nouveau modèle de développement ou est-ce juste pour éviter une autre crise ?
En parlant de gestion, cette dernière suppose une allocation optimale des ressources, une minimisation des coûts, une maximisation des rendements et une répartition équitable des fruits de la croissance.
La performance économique peut se mesurer par le résultat réalisé (matériel ou immatériel), l'effort fourni (permanant ou provisoire) et le comportement adopté (diligent ou négligent). L'important est de savoir rallier les intérêts en présence, éviter les conflits, engager les forces vives, impliquer les différents acteurs, motiver les travailleurs et donner du pouvoir aux réalisateurs. Ce qui suppose une participation collégiale à l'effort de production pour bénéficier de la part du revenu (output). La gouvernance en tant que système de gestion suppose, quant à elle, la satisfaction d'un certain nombre de principes qui sont admis un peu partout. Tout d'abord, la responsabilité pour permettre à ceux qui travaillent d'endosser les conséquences de leurs actes. Puis, la transparence qui se traduit par le respect des règles humainement admises pour présenter des données relatives à la réalité économique et juridique de la situation. Ensuite, l'équité ou encore la possibilité de traiter de manière identique les ayants droit, quels que soient leurs niveaux. Ce principe permet de donner beaucoup plus de valeur à la personne humaine qu'au capital et de garantir un traitement égalitaire aux actionnaires minoritaires. D'autre part, la redevabilité ou «accountability» implique de rendre compte à celui qui a donné mandat de gestion.
La coordination entre ces quatre principes permet à tout système de gestion créateur de richesses d'éviter les conflits et d'assurer sa viabilité au niveau de l'entreprise nationale et multinationale, des Etats et de l'économie mondiale. Le rôle de l'Etat se valorise en sa qualité de régulateur, de gérant des intérêts en assurant la satisfaction de l'équation de préférence, combinaison des intérêts personnels et collectifs. C'est donc une réaffirmation de principes qui existaient déjà.
Depuis le début de la crise, on parle beaucoup de gouvernance. Pourtant, ce n'est pas une notion récente…
En effet, la crise a tout simplement valorisé la possibilité de coordination entre les différents éléments déjà cités et la consécration du principe de gouvernance. Cela requiert plus d'engagement et d'implication pour un meilleur bien-être collectif.
Pour finir, quelles sont, selon vous, les perspectives de la participation des pays émergents à l'œuvre de développement et à la prise de décision au niveau mondial ?
La gouvernance suppose une coordination entre les intérêts en jeu, une implication des acteurs, une responsabilisation des opérateurs afin d'éviter les excès, créer de la richesse et satisfaire les intérêts en présence. Sur le plan international, l'économie mondiale suppose une coordination des actions entre les grandes puissances. Rappelons que les Etats-Unis et l'Union européenne détiennent chacun environ 40% du PIB mondial alors que l'Asie possède le reste. Le G20 tente en composant avec les pays émergents (Inde et Brésil) d'assurer la pérennité du système mondial, d'éviter les excès et les crises, de corriger les réflexes pour un minimum de réflexions, préserver l'intérêt général et assurer la viabilité de l'économie mondiale. Ces objectifs ultimes sont recherchés par tout le monde. Il faut donc associer les uns et les autres à la décision de production et de distribution des richesses. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'enjeu mérite réflexion.


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