A force de restructurations et de gains de productivité, les compagnies traditionnelles ont comblé l'écart de rentabilité avec les low cost et les modèles se sont diversifiés Et si la distinction entre les compagnies traditionnelles et les low cost était désormais dépassée ? La question n'est pas nouvelle, mais cette fois, c'est la très traditionnelle association du transport aérien internationale (Iata) qui l'affirme. Une association d'autant moins suspecte de complaisance vis-à-vis des low cost qu'elle ne compte aucune low cost majeure parmi ses quelque 230 membres. Rompant avec le schéma de lecture habituel, l'économiste en chef de Iata, Brian Pearce, a, en effet, tenté une nouvelle classification des entreprises du secteur, basée non plus sur leur mode d'exploitation, mais sur la rentabilité des capitaux employés. Un critère utilisé par les financiers pour comparer les performances des entreprises sur différents secteurs, et qui prend aujourd'hui tout son sens. Pour la troisième année d'affilée, le transport aérien est, en fait, suffisamment rentable pour couvrir le coût du capital . Le modèle Pfizer contre le modèle Walmart « Le transport aérien présente aujourd'hui une large variété de modèles économiques, mais d'une manière générale, on peut distinguer les compagnies qui génèrent une marge opérationnelle élevée, selon l'exemple du laboratoire pharmaceutique Pfizer et celles qui privilégient une forte productivité du capital investi, à l'instar de Walmart », a expliqué Brian Pearce, lors d'une rencontre avec la presse , en fin de semaine dernière. Le résultat est un tableau du transport aérien beaucoup plus diversifié qu'attendu, où Easyjet apparaît beaucoup plus proche de Lufthansa et d'Air France-KLM, du côté de Walmart, que de Ryanair, plus proche d'un Pfizer. « Des compagnies comme Ryanair et Spring (la première low cost chinoise Ndlr) parviennent à générer de très fortes marges d'exploitation, mais ne sont pas aussi performantes en termes de recette générée par dollar investi. Certaines comme Allegiant (une compagnie ultra-low cost américaine Ndlr) sont performantes dans les deux domaines ». Air France-KLM plus proche de Walmart que de Pfizer Ainsi, même si Air France n'a pas — et de loin — la même rentabilité que Ryanair, sa recette par siège reste beaucoup plus élevée que celle de Ryanair. Pour un même type d'appareil, la compagnie française parvient à générer un chiffre d'affaires plus important que Ryanair, même si cette dernière en tirera des profits bien plus importants. Air France continue, en effet, de bénéficier d'un « premium » de prix, y compris sur les vols courts et moyen-courriers, liée à la réputation de la marque, du service, mais aussi à une gestion plus fine de ses classes de réservation. Toutefois, cet écart est aujourd'hui plus faible avec une low cost comme Easyjet, ayant fait le pari de la montée en gamme, qu'avec les compagnies traditionnelles américaines, American, United et Delta. Ces dernières se retrouvent dans le même périmètre que la low cost Southwest ou sa concurrente Jetblue. « La majorité des compagnies américaines et européennes se situent plutôt du côté de Walmart et s'efforcent de générer le maximum de recettes de leurs actifs, à travers la densification des appareils, le développement des recettes annexes et l'allongement de la durée de vie des avions, résume Brian Pearce. Toutefois, ce n'est pas vrai pour toutes. Mais ce qui est clair, c'est que la distinction habituelle entre les compagnies traditionnelles et les low cost est aujourd'hui dépassée ». Coûts fixes contre coûts variables Cette évolution a été favorisée par la baisse du prix du pétrole, qui a permis de ramener de 36 % à 21 % la part du carburant dans les coûts des compagnies aériennes, renforçant ainsi le poids des coûts fixes par rapport aux coûts variables. Mais d'autres nouveautés devraient également y contribuer, comme le développement du low cost long-courrier pour lequel la réduction des coûts fixes et l'optimisation des recettes sont des leviers plus importants que l'augmentation du nombre d'heures de vols, propre au modèle low cost moyen-courrier.