La chambre pénale du tribunal de première instance de Tunis a examiné un dossier majeur portant sur des soupçons de corruption financière au sein de la société Al-Karama Holding, chargée de la gestion et de la commercialisation des biens confisqués à la famille de l'ancien président Zine El Abidine Ben Ali et à ses proches. Le procès a été reporté suite à une demande de l'avocat d'un des prévenus, qui a sollicité un délai supplémentaire afin de consulter le dossier et préparer sa défense. Les investigations portent sur plusieurs hauts responsables, notamment des magistrats ayant présidé la commission de gestion des biens confisqués, ainsi que d'anciens dirigeants d'Al-Karama Holding. Ces derniers sont soupçonnés d'avoir participé à des malversations lors de la gestion de ces biens. Précédemment, le juge d'instruction principal du tribunal de Tunis avait émis un mandat de dépôt contre un ancien directeur général de la société ainsi qu'un tiers lié contractuellement à l'entreprise. Selon le dossier, les magistrats mis en cause font l'objet d'une procédure déclenchée par le Conseil de l'Instance Vérité et Dignité (IVD), sur la base d'un rapport de la Cour des comptes publié en mai 2017 et d'un second rapport de la Haute Autorité de Contrôle Administratif et Financier, daté de février 2018. Les irrégularités détectées vont jusqu'à la cession illégale de biens confisqués à Al-Karama Holding sans autorisation officielle. Le rapport de la Cour des comptes souligne une absence flagrante de contrôle interne : jusqu'en août 2014, aucune structure dédiée à la supervision de la gestion ni cellule d'audit interne n'avait été mise en place. Par ailleurs, la commission des confiscations n'a pas achevé, fin février 2016, l'inventaire des biens concernés. Le rapport met également en évidence des pertes conséquentes, notamment la non-exploitation de 20 exploitations agricoles entre 2011 et 2015, ainsi que la dépréciation de plusieurs véhicules confisqués, estimée à 768 000 dinars, due à un défaut d'entretien. Sur le plan financier, l'enquête révèle que la direction d'Al-Karama Holding a accordé des avantages indus, notamment via une commission composée de membres du conseil d'administration qui a fixé un salaire annuel du directeur général oscillant entre 59 000 et 156 000 dinars — soit près du double du salaire le plus élevé des directeurs des établissements bancaires publics. En outre, les administrateurs représentant l'Etat au sein du conseil ont perçu des indemnités de présence qui ont été centralisées dans les comptes de la société avant d'être redistribuées à leur profit.