La Tunisie enregistre une avancée notable dans sa transition énergétique, se hissant à la deuxième place africaine dans l'édition 2025 de l'Energy Transition Index (ETI), publié par le Forum économique mondial en partenariat avec Accenture. Classée 62e sur 118 pays, avec un score de 54,6, elle gagne ainsi trois rangs sur le continent par rapport à l'année précédente. Ce résultat traduit des efforts réels engagés depuis 2015, date à laquelle la stratégie nationale en matière d'énergies renouvelables a véritablement pris son envol. Intervenant sur les ondes radiophoniques d'Express FM, le 26 juin 2025, Chekib Ben Mustapha, consultant en énergie, salue cette performance comme un « excellent indicateur », tout en rappelant que la Tunisie ne dépasse pas encore les 5 % d'énergies renouvelables dans son mix. Le Maroc, avec 21 gigawatts de capacité installée, et l'Egypte, engagée dans des partenariats stratégiques à grande échelle, affichent des performances supérieures. La Tunisie, quant à elle, ne compte que 5 gigawatts, avec un mix dominé par le photovoltaïque et un éolien encore marginal. Cette dynamique s'appuie néanmoins sur des initiatives pionnières comme le programme PROSOL, lancé dès 2008. Ce dispositif innovant permet aux particuliers d'installer des panneaux solaires sur leur toit, en bénéficiant d'un financement bancaire étalé sur sept ans et intégré à leur facture d'électricité. Ce système, très utilisé dans le secteur agricole pour le pompage solaire, a contribué à démocratiser l'accès à l'énergie renouvelable. À ce jour, 6 000 foyers modestes ont été équipés gratuitement, réduisant leur facture de plus de 80 %. Des ambitions élevées face à des contraintes structurelles
La Tunisie vise un objectif ambitieux de 35 % d'énergies renouvelables dans son mix énergétique, soit environ 4 850 mégawatts installés. Cet objectif soulève cependant de nombreuses questions techniques. Chekib Ben Mustapha rappelle que même des pays ayant dépassé les 20 % rencontrent déjà des difficultés de gestion du réseau. La production solaire, par nature intermittente, impose une adaptation rapide des infrastructures électriques. Des pays comme l'Espagne et le Portugal en ont récemment fait l'expérience avec des coupures majeures liées à la saturation du réseau en pleine journée. Dans ce contexte, la signature récente d'un accord entre les secteurs public et privé pour le développement de 700 mégawatts constitue une étape importante. Ces projets sont déjà financés, sans recours au crédit international, et concernent principalement l'autoconsommation industrielle. Plus de 200 mégawatts supplémentaires sont également à l'étude. Toutefois, les grands projets restent confrontés à la volatilité du dinar tunisien, qui décourage les investisseurs étrangers en raison des clauses de réévaluation tarifaire. La réglementation actuelle freine également le développement. Les entreprises ne peuvent injecter dans le réseau que 30 % de leur production excédentaire, ce qui limite la rentabilité des installations à grande échelle. Ce plafonnement devient problématique alors que la capacité solaire pourrait bientôt excéder largement la demande nationale, estimée à seulement 1 200 mégawatts. Moderniser le cadre et mobiliser les financements Outre les contraintes techniques, la Tunisie se heurte à des obstacles réglementaires et financiers. Le pays dispose certes d'interconnexions électriques avec l'Algérie et la Libye, et prépare une liaison avec l'Italie prévue pour 2027, mais ces infrastructures doivent être accompagnées de réformes profondes pour faciliter la circulation de l'énergie et l'investissement privé. Le manque de coordination entre les autorités et la saturation ponctuelle du réseau ralentissent la délivrance des autorisations. Le secteur éolien reste en friche, avec des installations datant de 2010, concentrées à Bizerte et Hawaria. À l'inverse, le Maroc affiche 11 % d'éolien dans son mix, renforcé par des technologies de concentration solaire. La Tunisie, elle, mise presque exclusivement sur le photovoltaïque, qui ne représente que 1 % du mix marocain. Face à ces constats, Chekib Ben Mustapha plaide pour une actualisation de la stratégie énergétique. Il appelle à prendre en compte les réalités techniques du réseau, les besoins en financement, notamment international, et les adaptations réglementaires nécessaires pour stimuler le secteur. Il reste modérément optimiste quant à une amélioration d'ici la fin de 2025, mais prévient que l'atteinte de 35 % d'énergies renouvelables ne sera possible qu'au prix de lourds investissements et de réformes structurelles décisives.