Le jury de la Critique africaine décerne son prix au film «Les hommes d'argile» du Marocain Mourad Boucif. Tandis que nos festivals sont en train de perdre leur identité et de remettre en question même leur périodicité, d'autres naissent ici et ailleurs, initiés par des individus portés sur les bonnes causes. Au Maroc, ce pays qui est devenu un modèle, pour les cinéphiles tunisiens, en matière d'activités, d'événements et d'organisation de la production, les festivals évoluent et se multiplient pour affirmer le spectacle cinématographique, en tant que noble distraction et en tant que pratique culturelle. Nous citons, à titre d'exemple, le Festival international du film transsaharien créé en mai 2004 et organisé par l'association Zagora du Film transsaharien, dont la 13e édition a eu lieu du 22 au 26 du mois courant à Zagora ou Tazgurt, une ville située dans la région de Drâa-Tafilalet du sud marocain. Ce festival a pour objectifs la promotion de toute innovation artistique, technique ou au niveau de la gestion du film, et la création d'un espace événementiel de rencontre entre les professionnels et les intervenants dans le secteur. L'édition de cette année, organisée sur le thème «La critique, composante majeure de l'industrie du cinéma», a rendu hommage au réalisateur marocain Mohamed Abderrahmane Tazi, auteur de «Badis» (1981) et de la célèbre comédie «A la recherche du mari de ma femme» (1993). Au programme de cette édition, également, figurent une compétition officielle de longs métrages et un concours de scénarios. Outre le Maroc, plusieurs pays ont été représentés, dont la Tunisie, Les Emirats Arabes Unis, Malte, la France, l'Irak, l'Iran, la Turquie, la Tchéquie et la Belgique. Le scénariste marocain, Mohamed Arious, a animé un master class sur l'analyse filmique et l'écriture du scénario, et des jeunes ont participé à un atelier de formation sur le reportage audiovisuel. On nous informe que le jury de la Critique africaine, instauré par la Fédération africaine de la critique cinématographique (F.A.C.C) et composé par les critiques Fatou Kiné Sene (Sénégal), Abraham Bayili (Burkina Faso) et Rachid Naim (Maroc), a décerné son prix au film marocain de Mourad Boucif intitulé «Les hommes d'argile». Le jury a salué la poésie des images, la force du propos et le puissant lyrisme dont ce long métrage a fait preuve. «Les hommes d'argile» rend hommage aux milliers d'hommes marocains enrôlés de force dans l'armée française lors de la Deuxième Guerre mondiale. Il raconte ce passé douloureux à travers Souleimane, un jeune montagnard qui vivait en parfaite harmonie avec la nature avant qu'on l'enrôle de force dans l'armée française. Se retrouvant plongé dans les atrocités de la guerre, Souleimane a décidé d'atteindre une certaine humanité, que ce soit dans la destinée de ce contingent de soldats marocains embarqués malgré eux dans un conflit qui, au départ, ne les concernait guère, ou chez leurs coreligionnaires français parfois méprisants, ou même chez l'ennemi allemand, aussi invisible qu'effrayant. «Mais comment espérer réconcilier ce qui ne peut plus l'être?», écrit-on dans la synopsis. Comment imaginer que la beauté de la nature, de l'univers, puisse encore sublimer et transcender un tel Monde qui arrive à ses limites et qui finit par s'essouffler ? «Les hommes d'argile» rappelle fort ce qui se passe aujourd'hui, et au-delà d'un film de guerre, il est, avant tout, une fable sur la condition humaine. Le propos de ce film primé par les critiques africains semble être en accord avec les principes du festival. D'ailleurs, l'Association organisatrice a l'ambition de faire de Zagora la cité des valeurs culturelles et humaines, d'innovation, d'ouverture, de dialogue et de tolérance. Encore un modèle à suivre.