La soirée du 10 août 2025, dans l'écrin du Centre culturel international de Hammamet (CCIH), a pris des allures de road movie à travers le temps avec la dernière création de l'homme de théâtre Fadhel Jaziri. Avec Au Violon, il a offert bien plus qu'une pièce : une fresque vivante et bouleversante, un récit lyrique et vibrant qui parle autant au cœur qu'à la mémoire collective. Présentée en avant-première lors de la 25e édition des Journées théâtrales de Carthage (JTC 2024), l'œuvre a évolué au fil des représentations pour arriver, dans sa nouvelle version, au Festival international de Hammamet dans le cadre de sa 59e édition. Mêlant théâtre et musique, acteurs et musiciens, Au Violon raconte une histoire qui oscille entre l'intime et le collectif, entre le destin d'un homme et celui d'une patrie. À la fois récit personnel et témoignage historique, la création tisse un lien fort entre mémoire individuelle et histoire nationale. Dans un décor épuré, Fadhel Jaziri met en scène un violoniste âgé, ancien membre de l'orchestre national, qui replonge dans les grandes heures de sa carrière musicale, traversée d'espoirs, de désillusions et de fragments de mémoire. Personnage fictif, à la fois éclatant et profondément humain, il devient le miroir d'une Tunisie en perpétuelle mutation, marquée par les bouleversements politiques, sociaux et artistiques. Le récit se nourrit des interventions d'un luthiste et de deux violonistes, dont l'un partage sa vie avec une célèbre chanteuse imaginaire. La bande sonore est riche et évocatrice : elle s'ouvre sur Shéhérazade de Rimski-Korsakov, puis enchaîne avec des classiques d'Oum Kalthoum, Mohamed Abdelwahab, Naâma ou Leila Mourad. Les souvenirs du protagoniste le ramènent au Conservatoire de Tunis, alors dirigé par Ahmed Achour, à l'institution El Rachidia, et à un professeur tchèque qui lui fit découvrir Clair de Lune de Beethoven. La nostalgie prend corps dans une vaste fresque retraçant soixante ans d'histoire tunisienne et de figures marquantes : Mohamed Driss et Mourad III, Habib Boularès, Fredj Chouchane, Ridha Kalai, Zoubeir Turki, Adriano Celentano, Hédi Jouini... sans oublier les passages légendaires d'Oum Kalthoum, Sabah et Abdel Halim Hafez à la Coupole d'El Menzah. Porté par Ichraq Matar, Slim Dhib, Ilyes Blagui, Mahdi Dhaker, Lotfi Safi et Ghaith Nafati, le spectacle rend aussi hommage aux grandes pages du théâtre tunisien, avec des œuvres telles que Arab, El Awada, El Hadhra ou encore Nouba. Cette soirée intense s'est achevée pour céder la scène, ce soir, à une escale musicale aux couleurs du Mali, avec le chanteur iconique Bassekou Kouyaté et son groupe Ngoni Ba.