Le secteur des TIC a permis de créer 6.200 emplois en 2015 avec l'ambition d'atteindre 80 mille en 2020. La valeur ajoutée du secteur est estimée à environ 4 MDT en 2015 avec un objectif de 13,5 MDT en 2020. Anouar Maarouf, ministre des Technologies de la Communication et de l'Economie numérique, a annoncé le 2 février lors d'un point de presse, l'approbation par le Conseil stratégique de l'économie numérique et par le chef du gouvernement, Youssef Chahed, de la création d'une nouvelle structure qui sera chargée de la mise en œuvre des programmes numériques stratégiques, le soutien et l'accompagnement des nouveaux projets et la promotion de la transformation digitale au sein de l'administration tunisienne et auprès du secteur privé. Une décision qui a été prise lors d'une réunion tenue le 1er février 2017, en présence de représentants du secteur privé et de la société civile. Une bonne nouvelle pour un secteur qui contribue de 7% dans le PIB national. Selon les chiffres du ministère des Technologies de la Communication et de l'Economie numérique, repris de l'Institut National de la Statistique (INS), le secteur des TIC a permis de créer 6.200 emplois en 2015 avec l'ambition d'atteindre 80 mille en 2020. La valeur ajoutée du secteur est estimée à environ 4 MDT en 2015 avec un objectif de 13,5 MDT en 2020. La valeur des exportations est de 910 MDT en 2014 et 2015. D'ailleurs, M. Maarouf indique que près de 50% des entreprises offshore en Tunisie sont spécialisées dans les TIC. «Cela montre le grand potentiel que le secteur présente dans l'économie nationale», affirme-t-il. Evaluation Mais disons que d'autres indicateurs montrent des insuffisances importantes. On souligne que le pourcentage des ménages ayant accès à Internet est de 31% en 2015. En ce qui concerne le positionnement numérique de la Tunisie en 2015, bien qu'elle se positionne assez en avance dans le continent africain, à la 3e place, et parmi les pays arabes à la 8e place, elle est en retard à l'échelle internationale, 81e place. Des insuffisances qui trouvent leur origine dans plusieurs freins dont souffre ce secteur stratégique pour le développement économique du pays. Ces freins touchent aussi bien la gouvernance que la disponibilité des ressources financières et la faible capacité d'exécution. Trois facteurs qui pèsent très lourd sur la bonne conduite d'une stratégie nationale de l'économie numérique. La réflexion sur cette stratégie a été bien lancée depuis 2012 par un dialogue public/privé pour aboutir à une vision et des orientations stratégiques en 2013, à une feuille de route "Tunisie digitale 2018" en 2014 et enfin à l'élaboration d'un plan quinquennal en 2015. Suite à cette démarche assez longue pour un processus censé être un accélérateur de projets, il a fallu effectuer un alignement stratégique par rapport au plan quinquennal, qui a duré un an entier. Selon M. Maarouf, l'évaluation de la démarche a montré un faible avancement des projets concoctés par "Tunisie digitale 2018". «Le verdict s'est montré très sévère. Il y avait des problèmes de mise en œuvre et on devait trouver des solutions», précise M. Maarouf. Freins S'agissant de l'axe de la gouvernance, la problématique réside dans l'absence d'une autorité horizontale du ministère des Technologies de la Communication et de l'Economie numérique sur les autres départements ministériels, d'où des difficultés d'implémentation des projets numériques. Pour l'axe de disponibilité des ressources financières, il s'avère que le processus du fonds dédié aux TIC est inadapté. Ce fonds recueille les 5% de la redevance télécom payée par les Tunisiens sur leur consommation téléphonique et Internet, pour servir théoriquement au développement des projets TIC. Mais en réalité, le fait qu'il soit alloué au ministère des Finances complique les procédures d'octroi, aussi bien au niveau des délais que dans la gestion. A noter que le fonds recueille chaque année 200 MDT. Une somme très importante qui reste mal utilisée malgré sa portée pour le développement de l'innovation en TIC. Concernant l'axe des capacités d'exécution, le ministre souligne que les compétences restent non corrélées aux exigences, ajouton-y les lourdeurs administratives des recrutements, le processus inadapté des marchés publics et la faible attractivité pour les talents. Nouvelle approche Face à ces freins et insuffisances, M. Maarouf explique que la nouvelle structure proposée par son équipe serait une réponse adéquate. Cette structure aura un rôle transversal de maître d'ouvrage, une sorte de chef de file pour la mise en œuvre des projets. Ses atouts seront l'agilité et l'autonomie financière. Cette autonomie sera assurée par le versement de la redevance télécom, impliquant automatiquement la suppression du fonds dédié aux TIC, et par la réception de dons et la contraction de prêts directement, le tout pour financer les projets numériques nationaux. Au niveau des ressources humaines, le ministre précise que cette structure ne sera pas soumise aux lois sur la fonction publique. Une approche qui vise à attirer les meilleures compétences dans le secteur numérique et à renforcer l'efficacité d'exécution de ses objectifs. Comme tutelle, M. Maarouf indique que le ministère des Technologies de la Communication et de l'Economie numérique devrait être l'autorité supervisant cette nouvelle structure, indiquant qu'elle sera une entité publique, vu qu'elle reçoit des fonds publics et exécute des projets numériques de portée nationale. Après l'approbation du chef du gouvernement, la seconde étape serait de proposer la forme juridique pour cette nouvelle structure et de préparer le projet de loi stipulant ses missions et ses prérogatives, qui sera présenté à l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). Un travail qu'on espère voir entamé le plus vite possible pour que le secteur des TIC jouisse finalement de l'intérêt qu'il mérite. L'ère du numérique est une révolution pour laquelle il faut préparer tous les outils nécessaires pour pouvoir s'y adapter et s'y intégrer. Malheureusement, l'administration tunisienne reste encore en déphasage avec cette transformation, risquant de retarder aussi le développement économique, puisque la transformation digitale est aussi un vecteur d'attractivité pour l'investissement et un conducteur de croissance. De même pour le secteur privé qui doit être un acteur principal pour s'intégrer à cette ère digitale. La société civile a également son rôle à jouer pour suivre l'exécution de la stratégie nationale numérique du gouvernement. La création de la nouvelle structure est une occasion en or pour qu'elle assume un rôle actif dans la définition de ses prérogatives et dans le suivi de ses missions.