Le 15 septembre 2025, l'euro s'est échangé à 3,414 dinars tunisiens, contre 2,910 dinars pour le dollar, marquant une nouvelle étape dans la dépréciation de la monnaie nationale. Cette évolution interroge alors même que l'économie tunisienne a enregistré une croissance de 3,2 % au deuxième trimestre. Selon l'économiste tunisien basé en Australie, Arbi Ben Bouhali, plusieurs facteurs structurels expliquent cette perte de valeur. D'abord, la Tunisie souffre d'un déficit commercial chronique, en particulier énergétique, qui a atteint 14 640 millions de dinars au cours des huit premiers mois de l'année. Les exportations stagnent, reculant de 0,43 % du PIB au T2, ce qui réduit l'apport de devises étrangères à la Banque centrale. Parallèlement, l'inflation en Tunisie (5,2 %) reste nettement plus élevée que celle de la zone euro (2,2 %), accentuant l'érosion du pouvoir d'achat du dinar. Fitch prévoit en outre un déficit courant de 2,2 % en 2025 et 2,8 % en 2026, ce qui accroît la demande en devises étrangères et réduit l'attrait du dinar. L'economiste ajoute que la pression s'accentue également avec la hausse de la valeur de la Bourse de Tunis (+24 % en huit mois). Environ 20 % du capital des sociétés cotées étant détenu par des étrangers, une partie des dividendes est transférée à l'étranger, alimentant la demande d'euros et de dollars. Les exportations traditionnelles, comme l'huile d'olive (-29 % en valeur) et les dattes (-6 %), reculent aussi, aggravant la balance commerciale. Par ailleurs, les réserves de change ont baissé à 109 jours d'importations, contre 121 un an plus tôt, réduisant la capacité de la Banque centrale à stabiliser le dinar. Enfin, le recours massif de l'Etat au financement interne — 14 000 millions de dinars injectés par la BCT et 21 000 millions prêtés par les banques — contribue à une surliquidité monétaire, qui finit par peser sur la valeur de la devise nationale. Pour Arbi Ben Bouhali, la conclusion est claire : la dépendance aux importations, la faiblesse des exportations et le financement des déficits par création monétaire expliquent la fragilité du dinar. « La croissance ne rime pas nécessairement avec une monnaie forte », souligne-t-il, rappelant que la consommation des ménages représente 77 % du PIB et repose essentiellement sur des biens importés.