La polémique enfle de jour en jour à propos du décès du nourrisson à l'hôpital Farhat-Hached à Sousse. La femme-médecin accusée de négligence est libérée. Mais l'enquête se poursuit pour découvrir qui a fauté. Les blouses blanches en grève aujourd'hui en signe de protestation contre la campagne de dénigrement dont ils s'estiment l'objet Que retenir de l'affaire de la mort du nourrisson à l'hôpital Farhat-Hached à Sousse : une femme-médecin arrêtée pour présomption d'erreur médicale puis remise en liberté provisoire en attendant la clôture définitive de l'enquête; le père du nourrisson décédé qui se déplace de plateau en plateau TV pour accuser tout le personnel de l'hôpital de négligence ayant causé la mort de son petit bébé et menacer de poursuivre tout le monde par-devant la justice; la ministre de la Santé, médecin elle aussi, qui donne une conférence de presse pour innocenter les médecins traitants et assurer que l'enquête a prouvé qu'il n'y a pas eu d'erreur médicale ou de négligence, mais elle conclut que «l'enquête va se poursuivre pour délimiter les responsabilités et sanctionner les fautifs»; des médecins exerçant dans les hôpitaux publics qui confirment sur le plateau de la TV n°1 du pays que «les bébés mort-nés ou décédés quelques heures après leur naissance sont, en effet, remis à leurs parents dans des cartons pour les enterrer». Et ils ajoutent: «C'est une pratique courante que nous combattons depuis des années sans que personne n'accorde de réponse à nos doléances». Pour compléter le décor ainsi planté, les médecins, les dentistes, les pharmaciens hospitalo-universitaires décident une grève illimitée en signe de protestation contre l'arrestation de la femme-médecin à Sousse, et d'un autre praticien déjà emprisonné à Gabès. Ainsi, le début de la semaine en cours remet-il sur le tapis, avec l'affaire du nourrisson décédé à Sousse, le dossier épineux de l'hôpital public qui souffre de difficultés récurrentes, difficultés que tous les ministres installés à Bab Saâdoun depuis la révolution n'ont pas réussi à affronter avec l'efficience requise et l'efficacité escomptée. Les syndicalistes du secteur n'y vont pas par quatre chemins et déclarent crûment : «Il existe une volonté affirmée de tuer l'hôpital public et ouvrir la voie aux cliniques privées et en finir avec les soins gratuits. La situation dans laquelle se débattent les hôpitaux La Rabta, Aziza-Othmana dans la capitale et celle dans laquelle se trouve l'hôpital Habib-Bourguiba à Sfax montrent que la décision est déjà prise pour se débarrasser de l'hôpital public». Qui a fauté, qui n'a pas fauté ? Mais bien avant d'arriver aux conclusions exprimées par les syndicalistes, il faudrait voir comment les médecins ont réagi aux accusations portées à l'encontre de leurs deux collègues à Sousse et à Gabès. Le Dr Habiba Mizouni, secrétaire général du Syndicat des médecins, pharmaciens et médecins-dentistes hospitalo-universitaires, s'indigne de «la défaillance administrative» constatée lors de la conservation du corps du bébé décédé. «Ça ne relève pas de la compétence du médecin résident», souligne-t-elle. «Les praticiens, ajoute-t-elle, ont accompli au mieux leur travail. Et il n'est pas de leur faute si les corps des bébés décédés sont livrés à leurs parents dans des cartons». Aujourd'hui, mercredi 8 février, les médecins protesteront, en portant leurs blouses blanches, devant le siège du gouvernement à La Kasbah et les sièges de gouvernorat dans les régions pour dénoncer vigoureusement «ce cadre juridique obsolète, archaïque et inadéquat au régime de la responsabilité médicale». En plus clair, ce que les blouses blanches réclament, c'est bien de «définir clairement l'erreur médicale. La législation tunisienne ne l'a pas fait. Aujourd'hui, c'est au médecin de prouver qu'il n'a pas commis d'erreur médicale», fait savoir Me Saber Ben Ammar, avocat spécialisé dans les affaires de droit médical. Se pose, avec insistance, l'arrestation des deux médecins de Sousse et de Gabès. «Personne n'est au-dessus de la loi. Le médecin n'est pas infaillible et il peut commettre des fautes comme tout le monde. Sauf qu'il peut être jugé en état de liberté», précise Faouzi Charfi, S.G. de l'Union des médecins spécialistes libéraux (Umsl). Ce que Faouzi Charfi ne dit pas clairement, c'est qu'il est inacceptable d'envoyer en prison un médecin avant que sa culpabilité ne soit prouvée et quand il est libéré comme c'est le cas du Dr Abir Omrane, le médecin de Sousse, qui a été relâché lundi 6 février, sa crédibilité et son image se trouvent obligatoirement entachées devant ses patients et ses parents.