L'émission a été assortie d'un coupon de 5,625% l'an, soit un taux inférieur à celui pratiqué sur les obligations émises en 2015, de l'ordre de 5,75, et au taux de 7,35% contracté lors de la sortie sur les marchés internationaux, en 2005, quand la Tunisie était classée «Invest Grade» Les béquilles ne remplacent guère la validité de l'être. Sans aucune garantie de pays tiers, la Tunisie a réussi à lever 850 millions d'euros (2 milliards de dinars) à un taux de 5,625% et une maturité de sept ans, lors de sa dernière sortie, tant attendue, sur le marché financier européen. Le montage financier a été conclu à la suite d'un Road Show piloté par la ministre des Finances, Lamia Zribi, et le Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Chedly Ayari, dans les principales capitales financières du Vieux continent, Londres, Frankfurt et Paris. La philosophie derrière cette épreuve économique grandeur nature est de montrer aux investisseurs que la Tunisie est capable de mobiliser des fonds à l'international et que le coupon Tunisie est attractif. Dans la foulée, les pays qui rechignent à donner, ou redonner, leurs garanties à la Tunisie pour sortir sur les marchés financiers n'auraient vraisemblablement plus d'arguments probants. Sur un autre plan, c'est une première en Tunisie et dans le monde arabe qu'une femme ministre pilote une telle opération financière d'envergure internationale. Cette sortie « hasardeuse et à haut risque », selon des experts qui tablaient sur des taux avoisinant les 8%, a été programmée pour le troisième trimestre de l'année écoulée, mais les concepteurs de la politique budgétaire et monétaire ont jugé que ce n'était pas le moment opportun pour une levée de fonds. La forte volatilité des marchés a perduré à cause du feuilleton des élections américaines et des chapitres du Brexit. Parallèlement, des pays émergents, mieux notés que la Tunisie, s'apprêtaient à lancer des emprunts obligataires, ce qui risquait de détourner l'attention des investisseurs vers les obligations de ces pays, notamment le géant de l'Amérique Latine, le Brésil, qui envisageait une grande opération de privatisation des entreprises publiques. Mieux encore, les débuts de l'année sont généralement marqués par des accalmies et une abondance des liquidités. Une période favorable pour négocier avec les investisseurs. Le taux n'est pas exorbitant Le risque Tunisie est assez élevé, au vu des dégradations en cascade de son rating. Moody's a classé la Tunisie parmi les pays à risque avec des perspectives négatives. Fitch Rating a dégradé la notation de la Tunisie de « BB » avec perspectives « négatives » à « B+ » avec perspectives « stables ». Et les autres agences rejoindront le peloton. Les investisseurs sont très regardants sur ces ratings et adaptent leurs portefeuilles à la lumières des rapports de ces agences. Malgré ce bulletin de notes peu reluisant, le taux contracté est appliqué pour des pays dont la situation économique et le rating sont bien meilleurs que ceux de la Tunisie. De même, ce taux est bien inférieur à celui pratiqué sur les bons du Trésor émis par l'Egypte, et au taux de 7,35% contracté lors de la sortie sur les marchés internationaux, en 2005, quand la Tunisie était classée «Invest Grade». Pour ce qui est de la maturité de sept ans, il s'agit du délai le plus long, puisque la majorité des émissions d'obligations se négocient pour un terme de cinq à sept ans. Les porte-drapeaux de la Tunisie avaient sans doute mis en exergue la réussite de la conférence sur l'investissement pour négocier les taux. Par ailleurs, c'est la réalité économique qui dicte le recours à l'endettement. Le volume de la dette est assez conséquent, de l'ordre de 8,5 milliards de dinars. Comparée à celles des exercices précédents, cette enveloppe est bien lourde et les marges de manœuvre sont en conséquence relativement limitées. En somme, les gaps enregistrés entre le niveau d'épargne et les besoins d'investissements, les ressources budgétaires propres et les dépenses publiques ainsi que le déficit commercial ne laissent aucune marge de manœuvre aux dirigeants. Il convient, alors, de diversifier les sources de financements pour mobiliser les ressources nécessaires sans tomber dans la dépendance à n'importe quel bailleur de fonds. Et pour limiter le recours à l'endettement, il faut produire, exporter et épargner.