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«Il y a un intérêt stratégique à réformer le secteur bancaire»
Entretien avec Lotfi Bensassi, Conseiller économique auprès du chef du gouvernement
Publié dans La Presse de Tunisie le 26 - 02 - 2017

Le taux de pénétration du crédit est de 79%, soit inférieur de 10 points par rapport à des pays comparables au nôtre. Rattraper ce retard générera des investissements de 19 milliards de dinars et créera 137.000 emplois.
Jeune conseiller économique auprès du chef du gouvernement, Lotfi Bensassi fait un bilan technique de la réalité de l'économie tunisienne. N'étant pas un politique, il se permet quelques critiques vis-à-vis de l'environnement économique et aussi vis-à-vis du plan quinquennal 2016-2020. Au sujet des banques publiques, il dévoile, dans cet entretien, la stratégie du gouvernement. Il évoque notamment le cas de la Banque de l'Habitat, qui, pour lui, est aujourd'hui prête à être privatisée.
La dette publique pèse toujours aussi lourd sur les finances de l'Etat et la Tunisie semble encore avoir besoin de financer son économie, le gouvernement a-t-il trouvé solution à cette équation ?
Ce qu'il faut noter c'est qu'il y a effectivement une aggravation du ratio de la dette ramenée au PIB, surtout sur les cinq dernières années. Nous étions à 40%, nous sommes passés à 61% et peut-être, fin 2017, nous serons à 63%. Cela dit, il faut être prudent, certains disent que nous prenons le chemin de la Grèce, mais ce n'est pas vrai. Aujourd'hui, la dette grecque se situe aux alentours de 180% de son PIB. Et il faut également comprendre que la dette n'est pas une mauvaise chose en soi.
Certaines économies sont à 100% et se portent tout à fait bien et je pense là notamment à l'Allemagne, à la France ou à l'Italie. La dette peut être un levier si nous arrivons à en maîtriser la trajectoire. A ce titre, il faut faire attention à deux choses importantes qui doivent être stabilisées. D'abord, le cadrage macroéconomique qui permet d'anticiper l'évolution des indicateurs, et nous le faisons. Ensuite, et là presque personne n'en parle alors qu'on identifie une vraie vulnérabilité : c'est le ratio d'endettement extérieur, c'est-à-dire la dette en devises, Euro, Dollar et Yen, qui représente à peu près deux tiers de la dette totale, c'est un ratio relativement élevé comparé à des économies comme le Maroc qui est à 20% ou l'Egypte à 30%.
Que faut-il faire pour maîtriser, justement, la trajectoire de la dette ?
Alors c'est simple, il y a les recettes et les dépenses. Du côté des recettes, il faut travailler sur la fiscalité dans son ensemble : équité, recouvrement, élargissement de l'assiette fiscale, etc. Il faut également que les entreprises publiques génèrent de l'argent et que le phosphate recouvre la santé. Du côté des dépenses, bien évidemment il faut arriver à les maîtriser. Il y a pratiquement trois grands postes de dépenses. D'abord la masse salariale : le seul pays au monde dont le ratio de masse salariale est supérieur à la Tunisie, c'est le Royaume du Lesotho (deux millions d'habitants), limitrophe de l'Afrique du sud, il possède un ratio de 16%, nous sommes à 14.4%. Ce n'est vraiment pas flatteur. Ensuite, la problématique des caisses sociales qui alourdissent le budget de l'Etat qui leur consacre une enveloppe de 500 millions de dinars, il faut donc engager les réformes. Enfin, il y a bien évidemment la question des subventions et des caisses de compensation. Nous avons instauré l'ajustement automatique pour les prix des hydrocarbures, pour le reste, il faudrait effectivement faire un effort. En ce qui concerne les dépenses en investissement public, il faudrait les augmenter, parce que c'est important pour la croissance, puisque l'Etat reste le plus grand investisseur.
Mais certains libéraux pensent que pour avoir un environnement économique sain, il faut réduire les dépenses publiques et aussi se désengager des secteurs concurrentiels, est-ce que le gouvernement a pris ce cap ?
Je crois que l'Etat doit continuer à jouer son rôle social dans certains secteurs clés. Mais, l'Etat n'a pas vocation à participer à des secteurs extrêmement compétitifs. Là où l'Etat est appelé à intervenir, c'est là où il y a de la fragilité sociale. Pour moi, l'Etat est une autorité de régulation et non pas un acteur du marché. Même dans les pays les plus libéraux du monde comme les Etats-Unis, après la crise dite des « subprimes », c'est l'Etat keynésien qui est intervenu pour éviter le scénario de la déflation. Il ne faut donc pas avoir des préjugés idéologiques en étant catégorique. Donc, pour les services de première nécessité comme la santé, le transport, l'éducation, il n'est pas envisageable que l'Etat se désengage. En ce qui concerne, par exemple, le transport aérien, qui souffre, dans le monde entier, nous nous dirigeons vers l'Open Sky, nous n'allons pas revenir dessus. Par contre, nous allons protéger l'aéroport Tunis-Carthage pendant 5 ans.
Le gouvernement a déjà fait savoir qu'il gelait les recrutements dans la fonction publique, compte-t-il aller plus loin en admettant que les entreprises publiques et les structures publiques souffrent de sureffectif et qu'à un moment ou un autre il faudrait penser à alléger les effectifs ?
Tout à fait, il y a deux options : le plan de départ à la retraite anticipée, tout en gardant les mêmes avantages qu'une retraite classique, et nous sommes en train de finaliser cette offre pour les salariés de la fonction publique âgés de 57 à 59 ans et c'est une mesure qui concerne les 630.000 fonctionnaires. Sinon, il y a aussi des réflexions engagées sur des départs volontaires avec une indemnité ou des congés sans solde qui peuvent aller jusqu'à 5 ans et qui permettraient aux fonctionnaires d'aller dans le secteur privé, ou de monter leurs start-up. Nous sommes en revanche fermes concernant le gel des recrutements, pour maîtriser les effectifs. Je pense également aux promotions dans la fonction publique, devenues automatiques, sans lien avec le mérite. Il faudrait mettre de l'ordre dans tout cela.
En 2015, les trois banques publiques ont été recapitalisées à hauteur de 1.300 millions de dinars, leur restructuration prend néanmoins du retard et celles-ci pourraient encore une fois demander l'aide publique, la situation est-elle encore tenable ? Ces banques peuvent-elle continuer à vivre sous perfusion ?
Sue ces 1.300 millions de dinars, seuls 647 millions de dinars ont été utilisés par les banques publiques, soit 50% de l'enveloppe totale. Ce qu'il faut savoir c'est que les trois banques publiques ont fait des progrès remarquables, une banque comme la Banque de l'Habitat fait un chiffre d'affaires intéressant, le taux des créances douteuses a nettement baissé et elle a réalisé à peu près 50% de son business plan. C'est pareil pour la BNA qui se porte relativement bien.
Nous avons 5 banques publiques (BNA, BH, STB, BTS et Bfpme) et une participation dans 7 banques mixtes, qui, ensemble, représentent moins de 2.75% du total des crédits. Il y a même des banques qui ont moins de 30.000 clients. Pour ces dernières, je crois qu'elles doivent changer carrément de vocation, puisque déjà au début, elles ont été créées par décision politique. Il faudrait qu'elles deviennent des fonds d'investissement ou un bras financier pour des coopérations économiques entre pays.
Pourquoi, il est important de réformer le secteur bancaire ? D'abord commençons par la perception du citoyen : les banques privées réalisent des bénéfices énormes dans une économie molle et anémique. Ensuite, ni les banques privées ni les banques publiques ne sont en train de financer la PME tunisienne qui représente le gros du tissu économique. La part des PME dans les portefeuilles de crédit des banques représente autour de 16% alors qu'au Maroc ce taux est de 30%. Le citoyen veut aussi savoir où est passé l'argent qu'il a consenti à donner pour la recapitalisation, c'est aussi simple que cela. Maintenant, c'est important de noter que le taux de pénétration du crédit, c'est-à-dire le ratio du crédit privé ramené au PIB, est de 79%, 10 points inférieur à des pays comparable au nôtre comme la Jordanie ou le Maroc. Un économiste tunisien a d'ailleurs démontré que ces 10 points de retard auraient pu permettre de générer des investissements de 19 milliards de dinars, créer de la croissance et, par conséquent, créer 137.000 emplois. Il y a donc un intérêt stratégique à rattraper ce retard. Ça c'est d'un point de vue quantitatif.
D'un point de vue qualitatif, je vais vous donner des chiffres édifiants : les créances douteuses du secteur bancaire sont autour de 16%. Pour les banques publiques, ce taux peut atteindre 30%, c'est 5 fois plus que dans des pays comparables au nôtre. Nous avons 23 banques et pourtant c'est un secteur parmi les moins concurrentiels, c'est la concurrence monopolistique, c'est-à-dire une situation à mi-chemin entre la concurrence parfaite et le monopole. La raison à tout cela, c'est essentiellement la faiblesse de l'infrastructure bancaire en Tunisie. Pour le crédit, il y a tout l'environnement qu'il faut réformer, à savoir le régime des faillites, qui fera l'objet prochainement d'un décret-loi dans l'optique de permettre aux banques de négocier des rééchelonnements de dettes, ce qu'on appelle le régime des collatéraux (le système de l'hypothèque) et l'information sur les risques du crédit, et là, il faudrait penser à créer des « bureaux de crédit » afin de permettre une évaluation plus juste des risques liés aux crédits.
Est-ce que l'idée d'une fusion des trois banques publiques a été complétement abandonnée ?
Il y avait effectivement trois possibilités, celle de la fusion, de la privatisation pure et simple, ou à travers un partenaire stratégique minoritaire, qui soit institutionnel, la Bird par exemple. Clairement, pour la BNA, qui se porte très bien, c'est la deuxième banque du pays, nous comptons la garder pour financer notre économie, elle sera l'arme financière de l'Etat. Pour la BH, qui se porte également bien, nous pensons qu'elle est prête à aller vers la privatisation. Tous ses ratios sont en train de grimper, elle s'apprête donc bien à une cession. Aujourd'hui, ses indicateurs sont au vert et l'Etat y est un investisseur silencieux, elle est déjà gérée comme une banque privée. Du coup, l'Etat n'a pas vocation à garder cette banque, elle n'a pas d'intérêt stratégique pour l'Etat.
Qu'en est-il de la STB ?
Pour la STB, c'est un peu plus compliqué. Il persiste des zones d'ombre qui planent sur les comptes consolidés. Tout le monde connaît le problème de la Banque franco-tunisienne (BFT) qui constitue un risque, même s'il y a la garantie de l'Etat. Aujourd'hui, s'il y a un jugement dans cette affaire, c'est l'Etat qui est concerné, la STB n'étant pas partie prenante du procès. Structurellement, il y a encore des manques en termes de systèmes d'information, de rating interne, de gestion des recouvrements, etc. Pour l'instant, nous voulons accélérer la restructuration et l'assainissement de la STB et, éventuellement, préparer à moyen terme l'entrée d'un partenaire stratégique. Pour la Bfpme, la BTS et la Sotugar, nous réfléchissons à les fusionner pour la création d'une banque de développement régional qui aura pour vocation d'accompagner l'investissement dans les régions.
La BFT fait l'objet d'un litige entre ses investisseurs historiques et l'Etat. Le Cirdi devrait rendre son verdict courant 2017. Le FMI a demandé à l'Etat tunisien de provisionner 400 millions de dinars pour couvrir une première tranche du risque. Quelle est la stratégie de l'Etat devant le risque de condamnation par le Cirdi ?
Le jugement est imminent, nous ne connaissons pas la tournure que cela va prendre, c'est un vrai risque qui plane au-dessus de nos têtes et il faudra faire face une fois le jugement rendu.
Ce qu'il y a à dire c'est par rapport au bilan : la BFT coûte 60.000 dinars par jour à la STB, c'est dire à quel point cela plombe les finances de la STB. Une fois le jugement prononcé, nous allons réfléchir à réaffecter le personnel de cette banque, de toutes les manières elle sera amenée à être ou absorbée par la STB ou mise en faillite.
Le plan de développement quinquennal 2016-2020 est en discussion à l'Assemblée, alors que nous sommes déjà en 2017, certains ne croient pas à sa viabilité, a-t-il de l'avenir ce plan ?
L'ancien ministre du Développement et de l'Investissement Yassine Brahim a fait un travail extraordinaire. Maintenant le reproche que je fais, ce n'est pas tant les chiffres avancés, mais de ne pas avoir prévu de plan directeur pour les régions qui permettrait de répondre aux besoins locaux. L'impression que j'ai et le feedback que je reçois, c'est que les gens n'ont pas forcément été consultés.
Prenons le cas de Sfax, j'ai l'impression que le plan n'amène rien de nouveau, il n'y a pas cette vision stratégique pour la ville. A Sfax, il y a des projets importants comme celui de Taparura ou la restructuration du site de la Siape. Or les sfaxiens ne voient pas cela dans le plan. Pour Kasserine, un camion de Kasserine à Tunis coûte environ 1.300 dinars, c'est énorme. On peut continuer à mentir aux gens en leur disant nous allons vous construire des usines, ou on peut leur dire la vérité, à savoir que le coût de la logistique, même avec toutes les incitations, reste élevé. Mais il y a d'autres alternatives, comme l'agriculture, le marbre et l'alfa, mais je pense surtout à l'agriculture. Alors on nous dit qu'il y a un problème de pompage de l'eau, mais la solution est là, il faut penser à faire fonctionner tout cela avec l'énergie solaire. On valide donc ce plan sur le principe, on le fait voter mais il faut y apporter beaucoup de bon sens.


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