«Gunfactory», un titre digne d'un film d'action américain, programmé au 4e Art, un samedi soir... Effets 3D saisissants, sonorisation à vous faire dresser les cheveux sur la tête, des acteurs en mouvement qui ne cessent de se dédoubler... sur scène, apparitions et disparitions, diverses, rapides, brusques. Les spectateurs venaient d'assister, ébahit, au dernier show de Jean-Michel d'Hoop, directeur d'une troupe professionnelle de théâtre belge, plus connue sous le nom de la «Cie Point Zéro». Une découverte inédite qui traite une thématique plus que jamais d'actualité : celle du trafic ou du commerce des armes à l'échelle mondiale. La création d'Hoop, présentée pour la première fois en Tunisie, avec le soutien de Walloni-Bruxelles International et d'autres partenaires tunisiens, est ce qu'on pourrait associer au «théâtre de zapping» par excellence. C'est ce qu'on pourrait également appeler un «docu-théâtre» où on tente de mettre la lumière sur ce fléau, qui ronge le monde entier en posant plus de questions, sans vraiment apporter de réponses claires, précises au public, fortement absorbé par une mise en scène particulièrement attrayante, où le réel et le virtuel fusionnent : chiffres, pourcentages et vidéos archivées ou récents défilent afin d'informer, éveiller les consciences, choquer, sensibiliser l'opinion publique en dévoilant cette vérité acerbe et les ravages causés par l'armement, des Etats puissants, des particuliers qui jouissent du port d'armes en toute légalité en Chine, en Russie ou aux Etats-Unis, ou cette rétrospective sur les conflits qui sévissent, à travers le monde, depuis des décennies. L'intro, insolite, faite par une jeune actrice rappelle que les scènes qui vont être jouées sont à ne pas confondre avec la réalité, que les armes qu'on verra ne sont pas bien évidemment, réelles, que des bruits d'explosion et de balles peuvent survenir et que certaines scènes peuvent heurter la sensibilité du public...ou la troubler, comme la présence soudaine d'un militaire, camouflé et armé de la tête au pied, parmi les spectateurs. L'énumération spectaculaire des chiffres qui a suivi par la suite, hypnotise le spectateur et capte son attention jusqu'à la fin : «Le total des dépenses militaires mondiales en 2014 s'élève à près de 1.337 milliards d'euros. Ou encore : les 5 plus gros exportateurs d'armes sur les dix dernières années totalisent à eux seuls 74% des exportations mondiales, nombre de morts par seconde, sous l'impact des balles dans le monde...», Etc Pour ne citer que cet extrait. Une mise en scène, changeante, plurielle, interactive : les acteurs monopolisent toute la salle et font participer le public. Tandis que sur scène s'entremêlent jeux vidéo, théâtre, vidéos filmées, art de la marionnette, effets 3D... Le tout alimenté par le docu-théâtre, ce genre très peu exploité ou présenté en Tunisie : il ne dévoile pas forcément des réponses, mais pousse à la réflexion et, dans le cas de Gunfactory, retourne le spectateur dans tous les sens. Et on n'en sort pas indemne !