Par Abdelhamid Gmati La visite de la chancelière allemande, Angela Merkel, vendredi dernier, a été, indéniablement, positive et considérée comme un succès par les deux pays. Après l'attentat de Berlin, en décembre dernier, faisant 12 morts et 56 blessés, les Allemands ont été choqués, voire fortement courroucés. La nationalité de l'auteur, révélée a jeté un froid sur les relations tuniso- allemandes. D'autant qu'une certaine presse française malintentionnée n'hésitait pas à qualifier la Tunisie comme «vivier du terrorisme». Du coup, les autorités allemandes ont réagi et se sont intéressées de près aux étrangers se trouvant en Allemagne. Et, identifiant les «demandeurs d'asile» sans papiers, deux ministres allemands ont exigé leur renvoi, menaçant que si leur pays d'origine ne les recueillait pas, l'aide au développement allemande serait suspendue. La chancelière est arrivée à Tunis pour une visite d'une journée. Premier message, elle était accompagnée par une douzaine d'hommes d'affaires parmi les plus importants et surtout par le ministre allemand de la Coopération économique et du Développement, Gerd Müller, qui, prenant le contrepied de ses collègues de l'Intérieur et de la Justice, estimait qu'au contraire, il fallait que « la coopération dans le domaine du développement en Afrique du nord signifie créer des opportunités de formation professionnelle, soutenir des communautés autrement abandonnées et promouvoir l'agriculture. Il est tout à fait crucial que les pays du Maghreb réalisent leur stabilité économique et politique. Si nous ne faisons pas cela, la pression de la crise des réfugiés n'en sera que plus forte ». Et cela s'est concrétisé par un accord portant sur le rapatriement de quelque 1.500 migrants vers la Tunisie, à charge pour les autorités tunisiennes d'identifier les concernés. Entretemps, une aide de 250 millions d'euros, sera destinée au développement et la création d'un centre de formation financé par l'Allemagne et qui doit permettre aux jeunes expulsés d'Europe et à ceux qui seraient tentés par l'émigration de s'insérer plus rapidement et plus efficacement dans le circuit économique. Rappelant que les 250 entreprises allemandes basées en Tunisie emploient 55 000 personnes, la chancelière a estimé que «ce doit être un partenariat gagnant-gagnant». Aux députés de l'ARP, Angela Merkel a loué le chemin parcouru par la Tunisie pour parachever sa transition démocratique « moderne », un chemin «parsemé d'embûches mais qui a débouché sur des élections libres et l'élaboration d'une Constitution». Elle a exprimé sa sollicitude et son «émerveillement» pour les acquis tunisiens, notamment le prix Nobel de la paix octroyé au Quartette du Dialogue national. Pour elle, «la Tunisie est le phare de l'espoir ! On ne peut nier les avancées réalisées par la Tunisie depuis la révolution de 2011 et l'Allemagne, en tant que pays frère, veut vous accompagner sur cette voie». Vient alors son deuxième message : « M'Union européenne (EU) considère la Tunisie comme un partenaire privilégié, et l'UE préfère traiter avec un gouvernement tunisien fort. Les entreprises allemandes préfèrent, elles aussi, s'associer à un partenaire fiable : la Tunisie peut devenir ce partenaire ». Cela indique qu'elle sait que notre gouvernement n'est pas fort et qu'il ne maîtrise pas la situation, notamment cette multitude de mouvements sociaux et ces grèves à répétition qui nuisent aux entreprises et à l'économie et dissuadent les investisseurs, nationaux et étrangers. C'est lors de sa rencontre avec les chefs d'entreprise allemands et tunisiens, organisée par l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica) et la Chambre tuniso-allemande de l'industrie et du commerce (AHK Tunisie), que la chancelière a livré son troisième message. Après avoir écouté les uns et les autres, elle a conclu : «Nous nous sommes tout dit; le temps est maintenant à l'action». On ne peut plus clair. Si le premier était de confirmer le soutien de l'Allemagne à la Tunisie, les deux autres sont un appel aux Tunisiens pour qu'ils se reprennent en main et soient des partenaires fiables. A.G.