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Histoires des luttes des femmes tunisiennes
Auditions publiques
Publié dans La Presse de Tunisie le 12 - 03 - 2017

Les témoignages de six victimes femmes — célébration du 8 mars oblige — présentés avant-hier lors des auditions publiques de l'Instance vérité et dignité (IVD), qui ont démarré en novembre dernier, ont encore une fois donné la mesure de la férocité d'un système fondé sur la peur et la répression contre toute voix dissonante
Victimes directes, lorsqu'elles ont été dans l'opposition politique, ou indirecte lorsqu'un conjoint, un fils ou un frère est l'objet de persécutions policières, la liste des violations subies par les femmes tunisiennes depuis près de quarante ans est très longue. Torture, viols, violences physiques, humiliations, arrestations arbitraires, incarcérations abusives, privation du droit au travail, du droit à la santé et du droit à l'éducation, harcèlement policier, contrôle administratif...rien n'arrête le pouvoir lorsqu'il s'agit de soumettre les femmes. Femmes de gauche, ou femmes islamistes, leurs émotions et leurs révoltes devant l'injustice qu'elles ont subies restent intactes plusieurs années après...
Le combat continue !
Raoudha Gharbi, militante des droits de l'Homme, n'a rien perdu de sa détermination et de sa verve de jeune étudiante syndicaliste dans l'âme. Elle fait partie du mouvement Perspectives qui a dominé l'université tunisienne de la fin des années 60, jusqu'à la moitié des années 70. Elle est membre actif de l'Uget (le syndicat estudiantin) au sein d'une université bouillonnante, le cœur battant à gauche, ouverte sur le monde et sur la chose publique. Elle est arrêtée une première fois en 1972 et interrogée par les services de la Sécurité de l'Etat. Elle est torturée en 1975 par les mêmes hommes dans le cadre des procès contre les perspectivistes. Son mari est incarcéré. Malgré le quadrillage policier de la Tunisie de Ben Ali, particulièrement, elle continue avec acharnement le combat pour les libertés publiques au sein de la Ligue des droits de l'homme et parmi le groupe fondateur de l'Association tunisienne des femmes démocrates (Atfd).
« Pendant des années, je suis restée figée dans le même grade au Centre de documentation national (CDN). Je voyais les autres évoluer, et moi je restais dans la même situation, sanctionnée pour mes activités associatives et pour mes convictions politiques », regrette, le sourire aux lèvres, Raoudha Gharbi.
Ahlem Belhaj, présidente à deux reprises de l'Atfd, créée en 1989, incarne une dimension majeure de l'histoire de la lutte des femmes tunisiennes pour les droits et les libertés. Car très vite les Femmes démocrates commencent à déranger le régime en exprimant haut et fort leur autonomie, en refusant le «féminisme d'Etat» et en se penchant sur des sujets tabous, dont la violence contre les femmes. Comme ses amies de l'association, elle est sous surveillance policière non-stop, ses proches sont empêchés de la visiter, son téléphone est sur écoute et son honneur est jeté aux orties à travers des campagnes de diffamation. Son mari, Jalel Ben Brick Zoghlami, est emprisonné et accusé pour douze affaires. A chaque demande de renouvellement de son passeport, elle affronte les mêmes tracasseries. A chaque activité de l'Atfd, le régime impose sa censure et ses moyens de répression des
Pas de droit à l'enfance
« Malgré tout, nous avons continué à résister en apportant notre solidarité aux femmes islamistes, aux syndicalistes du soulèvement de Gafsa en 2008 et aux révolutionnaires de décembre 2010. Aujourd'hui, le mouvement des femmes tunisiennes continue pour assurer une égalité totale entre les femmes et les hommes », insiste Ahlem Belhaj.
Mbarka Tounekti a eu 14 enfants, dont cinq incarcérés pour appartenance à la mouvance islamiste. Ils étaient encore mineurs, élèves du secondaire, lorsqu'ils ont commencé à être poursuivis par la police. Pour un temps, Fayçal, l'un des fils recherché au cours de l'année 1987, prend le chemin de la clandestinité. Ce qui entraîne des descentes policières chez les Tounekti d'escadrons bardés d'armes à n'importe quelle heure de la nuit. Les enfants sont terrifiés. Mais c'est la mère, qui dès le début des années 90 va subir le plus grand des fardeaux : faire le tour de cinq prisons, situées aux quatre coins de la République, au fil des jours de la semaine, pour distribuer les couffins à Fayçal, Raouf, Mehdi, Abdelmonem et Mounir. La paye très modeste de son mari, chauffeur de bus, permet à peine à sa famille de survivre. Comment trouver alors les ingrédients avec lesquels elle va préparer les plats destinés aux prisonniers ? Accompagnée de ses aînés, Mbarka fera alors le tour des marchés pour récolter les fruits et légumes jetés par les commerçants. C'est avec ses « trésors » des poubelles qu'elle va alimenter ses fils.
Des abus de la circulaire 108
Houda Tounekti, la fille de Mbarka, a présenté également son témoignage traversé de larmes et d'une longue complainte : « Nous n'avons pas eu droit à l'enfance ». Elle se rappelle à quel point le cérémonial du couffin était important pour toute la famille : « Il fallait montrer à nos frères qu'ils n'étaient pas seuls, que nous étions là, toujours présents, même si nous attendions des heures pour les voir et que la visite durait à peine quelques minutes ». Interdit de soins alors qu'il attrape une tuberculose en prison, Mehdi décède en 2011. Houda est expulsée de son lycée pour motif de port du voile. La mère souffre de dépression grave.
80 % des auditions privées des femmes à l'IVD et 16 000 dossiers de Tunisiennes concernent les abus de la « circulaire 108 », qui bannit le port du voile dans les lieux publics. Une disposition instituée pour harceler les femmes islamistes en leur interdisant l'accès au lycée, à l'université, à l'hôpital et à tout poste d'emploi dans le secteur public. Deux victimes, Ines Gelfaoui et Najet Ichaoui, ont abordé à travers leur histoire de vie toutes les contraintes qu'elles ont subies pour cause de cette circulaire. Ines Gelfaoui était une élève brillante ayant décroché son bac avec mention. En 2002, elle aborde confiante ses études à l'Institut supérieur de gestion...jusqu'à ce qu'elle décide de porter le voile en octobre 2002. Trois ans de suite, elle est interdite de passer ses examens malgré ses supplications. Au final, elle se voit expulsée de l'université, malgré sa passion des études et du savoir. La dépression est ici encore au rendez vous d'un destin non choisi.
« 14 ans durant, je n'ai pas arrêté de m'interroger : pourquoi Mme Fadhila, la secrétaire générale de l'ISG, s'était-elle autant acharnée sur moi ? Pour m'avoir couvert la tête, j'ai été traitée de tous les noms. Pourquoi ? Je suis devenue un paria, une menace pour la République. Méritais-je tout ce contrôle ? », avoue Ines Gelfaoui.
Najet Ichaoui a vécu la même stigmatisation à cause de son voile. Elle part poursuivre ses études supérieures en Mauritanie mais revient chaque été jusqu'à son arrestation en 1994 et son emprisonnement une année durant, après avoir été torturée, pour « appartenance à une organisation non autorisée ».
« Les femmes islamistes étaient les plus maltraitées en prison : on nous intégrait dans les chambres les plus difficiles, nous mêlant aux meurtrières et aux pires délinquantes. L'humiliation se poursuit après ma libération : je devais signer chaque jour, pendant des années, dans cinq postes de police », se rappelle Najet Ichaoui.


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