Au sein de Nida Tounès, les fondateurs se rebiffent et comptent se mobiliser pour récupérer le parti et lui rendre sa crédibilité L'idée d'une instance de réconciliation nationale fait son chemin Au moment où la Tunisie célèbre le 61e anniversaire de son indépendance en regardant le chef de son gouvernement d'union nationale, Youssef Chahed, inaugurer la Place du Drapeau au Belvédère, comportant un drapeau de 300 m2 confectionné en Turquie «parce que les confectionneurs tunisiens ne peuvent pas le faire» et au moment où Mejda Erroumi chante l'indépendance et ses vertus alors que les chanteurs tunisiens ruminent leur colère et leur déception, Nida Tounès, le parti qui a gagné les législatives du 26 octobre 2014 et a décidé de partager le pouvoir avec Ennahdha, continue à s'enliser dans une crise qui, semble-t-il, n'a plus de fin. Hafedh Caïd Essebsi, le directeur exécutif du parti et le signataire du Document de Carthage au nom du même parti (officiellement, le gouvernement traite toujours avec Hafedh Caïd Essebsi comme étant le représentant du parti et n'accorde aucun crédit à Ridha Belhaj et à son comité de sauvetage du parti) annonce recruter quarante personnalités qu'il présente comme faisant partie de la fine fleur de la classe politique pour renforcer Nida Tounès et lui donner un nouveau souffle en prévision des élections municipales programmées pour fin 2017. Sauf que le mercato printanier qu'il vient de réaliser ne semble pas avoir répondu aux attentes de beaucoup de nidaïstes, plus particulièrement les fondateurs du parti, qui dénoncent «une opération médiatique d'apparat qui discréditera encore plus le parti». Hier, Lazhar Akremi, l'un des douze fondateurs de Nida Tounès, l'ancien ministre chargé des relations avec le parlement à l'époque du gouvernement Habib Essid et actuellement électron libre ou messager officieux au nom du président Béji Caïd Essebsi auprès du parti (il multiplie les rencontres avec le chef de l'Etat sur ce qui se passe au parti mais il est empêché d'accéder au siège de Nida), n'a pas mâché ses mots pour dire que Maher Ben Dhia, Mohsen Hassen, Ferid El Béji et Borhène Bessaïes que Hafedh Caïd Essebsi annonce avoir recrutés pour redorer le blason du parti «sont justement ceux qui vont creuser sa tombe et signer sa perte définitive». «Mais, ajoute-t-il, les fondateurs du parti, ceux qui ont réussi à ce qu'il remporte 86 sièges au parlement et à faire accéder Si El Béji au palais de Carthage ne jetteront jamais l'éponge face aux usurpateurs et aux seconds voire troisièmes, couteaux qui faisaient les coursiers quand nous étions au commandement et qui agissent aujourd'hui comme les patrons du parti alors qu'ils sont compromis dans des affaires de corruption en cours d'examen par-devant les tribunaux». Il ajoute : «Nous avons décidé, nous les fondateurs du parti, d'entreprendre une action qui nous permettra de récupérer notre parti et de lui rendre la crédibilité dont il bénéficiait sur la scène nationale». Lazhar Akremi refuse de livrer davantage de précisions sur la nature de l'initiative qui sauvera le parti et ne dit pas si le président Béji Caïd Essebsi est au courant de l'initiative et s'il lui a donné son aval. Mais à écouter Lazhar Akremi parler avec autant de certitude et à recouper ses déclarations avec l'affirmation du chef de l'Etat dans son interview lundi 20 mars à Al Watania I, «je n'interviens pas dans les affaires des partis, sauf en cas de danger grave où l'intérêt national est menacé», on ne peut pas accepter le fait que le président d'honneur de Nida Tounès soit resté insensible à ce qui s'y passe. Et quand Leïla Chettaoui, la députée nidaïste accusée d'être la taupe du parti, crie détenir des données qui menacent la sécurité nationale et affirme qu'elle les a soumises au chef du gouvernement, il devient très difficile d'admettre que Béji Caïd Essebsi n'a pas décidé de siffler la fin de la récréation et de faire le ménage au sein de Nida Tounès. D'ailleurs, beaucoup d'observateurs s'attendaient à ce qu'il annonce dans son interview télévisée une initiative de nature à sauver le parti. Il ne l'a pas fait mais rien ne l'empêche de réagir à l'avenir si la crise continue au sein du parti. Pourquoi pas une instance de réconciliation nationale Et quand Nida Tounès consomme l'énergie de ses compétences dans les tiraillements quotidiens et dans les petites phrases assassines ainsi que l'échange d'accusations bas de gamme, Mohsen Marzouk prend la relève et aligne les initiatives que beaucoup attendent, à l'instar de ce qu'il faut faire pour éviter que les hauts cadres de l'Etat payent pour les fautes commises par Ben Ali et les membres des familles Ben Ali et Trabelsi. Ainsi, Marzouk propose-t-il la création d'une instance de réconciliation nationale qui aura pour mission de sauver de la prison ceux qui ont appliqué les mauvais ordres mais n'ont rien empoché pour eux-mêmes. L'ensemble des partis politiques, dont en premier lieu Ennahdha et Nida Tounès, sont favorables à l'initiative et considèrent que par le dialogue, on peut trouver les solutions qu'il faut à tous les problèmes quelles que soient leur acuité ou leur complexité. Il reste, toutefois, que beaucoup d'observateurs se posent la question suivante: comment Youssef Chahed va-t-il réagir à une initiative qui semble recueillir l'adhésion générale (à l'exception du Front populaire et de Tunisie Al Irada, attachés qu'ils sont à ce que l'IVD traite le dossier) mais qui provient d'un parti politique qui a retiré son soutien au gouvernement d'union nationale et qui s'apprête à lancer le 2 avril prochain «le Front du salut» en partenariat avec l'UPL, le Parti socialiste et Al Watan Al Mouahhad (dirigé par Mohamed Jegham à la suite de son récent divorce avec Kamel Morjane).