Ce sera le 17 décembre 2017. «En l'absence d'un accord, nous avons décidé de prendre nos responsabilités» (Chafik Sarsar) Malgré la réserve de plusieurs associations de la société civile et en dépit des profonds désaccords entre les partis politiques autour de la date des élections, l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a décidé, conformément à ses prérogatives, de fixer un rendez-vous pour les élections municipales : le 17 décembre 2017. «Nous avions fait une tentative pour que toutes les parties se mettent d'accord sur une date, mais en l'absence d'accord, nous avons décidé de prendre nos responsabilités. Je vous rappelle que l'Isie est seule apte à déterminer une date pour ces élections», a déclaré le président de l'Isie, Chafik Sarsar. Selon lui, il était important que le «processus» ne soit pas freiné. L'Isie compte donc bien y aller même en l'absence, critiquée, d'un Code des collectivités locales (CCL), qui consacre la décentralisation prévue par le septième chapitre de la constitution. «Nous ne pouvions pas lier la date des élections à une autre date incertaine, celle de l'adoption du CCL», estime Sarsar qui, dans le même temps, «lance un appel» pour hâter l'adoption de ce texte avant la fin du mois d'août. «De toute les manières, il vaut mieux être administré par des élus locaux que par des délégués qui, eux, représentent l'Etat déconcentré», ajoute-t-il. Si le CCL n'est pas adopté à temps, les candidats aux élections municipales devront faire campagne sur la base de la loi organique des communes promulguée le 14 mai 1975. Date précipitée ? Il semble cependant que malgré l'impression d'une décision unanime des membres de l'instance, certains pensent qu'elle est précipitée. «Il ne s'agit pas de faire des élections pour les élections, il faut que celles-ci se déroulent dans des conditions propices», nous confie l'un des membres de l'Instance qui n'a pas caché son inquiétude. «Je n'ai jamais autant eu peur d'une élection», dit-il, estimant que plusieurs obstacles restent à surmonter, dont principalement le découpage électoral. En effet, s'il est vrai que le gouvernement a créé 86 nouvelles municipalités, il n'en a pas, jusqu'à aujourd'hui, dessiné avec précision les contours. «Lorsqu'on parle d'élections municipales, il est important que nous sachions avec exactitude à quelle circonscription électorale appartient telle ruelle ou telle impasse», nous dit-il. Quoi qu'il en soit, le président de l'Isie se dit prêt, avec toute son équipe, à assurer le bon déroulement des élections et commencer dans 53 jours, dès le 19 juin 2017, l'enregistrement de 400.000 nouveaux électeurs (ayant atteint la majorité) qui viendront s'ajouter aux 5,3 millions d'électeurs déjà inscrits (avec bien sûr certaines mises à jour). L'Isie a par ailleurs publié le calendrier final pour les élections municipales. Selon ce calendrier, la convocation des électeurs devrait se faire au plus tard le 18 septembre 2017. Dissolution des délégations spéciales Toutefois, dans le communiqué lu par le président de l'Instance, l'Isie précise que le gouvernement devra respecter ses engagements relatifs à la dissolution des délégations spéciales, mettre à la disposition de l'Instance le découpage final des circonscriptions électorales, débloquer le budget alloué aux élections, l'activation du décret de mise à disposition, publier le décret relatif au plafond de dépenses de campagne ainsi que la neutralité des cadres locaux. Ces engagements vont devoir s'ajouter à la nécessité de débloquer un budget pour la création des tribunaux administratifs dans les régions, de recruter des magistrats supplémentaires et «de mettre à disposition tous les moyens logistiques et financiers pour l'organisation des élections». L'Isie assure néanmoins que le gouvernement a d'ores et déjà commencé les mettre en place. La date des élections convient aux deux principaux partis au pouvoir, Ennahdha et Nida Tounès, qui ont exprimé leur souhait de voir les élections se dérouler avant la fin de 2017. « Nous souhaitons la tenue des élections au plus vite, avant la fin de 2017, mais évidemment sans précipitation, nous voulons que le scrutin se déroule dans de bonnes conditions», précise à La Presse Adel Ben Amor, membre du Conseil de la choura d'Ennahdha. Même position du côté de Nida Tounès dirigé par Hafedh Caïd Essebsi qui estime que les élections peuvent se tenir en décembre. Le bureau exécutif de Machrou Tounès devait se réunir hier dans la soirée, dans la foulée de la décision de l'Isie, en vue de s'accorder sur une position. Certains partis, comme Al-Jomhouri, ont fait savoir que pour ,eux, la meilleure date est mars 2018. «Si nous dépassons 2017, nous aurons dépassé quatre ans depuis la promulgation de la constitution, sans aucune application du chapitre 7 de la Constitution», tranche Sarsar.