Un programme dense et varié à travers lequel des chercheurs de tous bords débattront, dès aujourd'hui à Hammamet, de la question du tabou dans l'art contemporain. Si les événements du 14 janvier 2011 ont constitué un tournant décisif dans l'Histoire de notre pays, s'ils ont engendré des soubresauts politiques, sociaux, économiques sans pareils, ils n'ont point été enfantés ni soutenus, en amont, par une révolution culturelle comme il est admis dans chaque révolution. Bien au contraire, ce n'est qu'en aval que ce fait de l'Histoire a été «capté» artistiquement. Les querelles idéologiques, la confrontation entre différents modèles sociétaux, la quête de scandales et de surenchères,...ont constitué la matière première de prédilection — et de récupération — dans la production artistique post-janvier 2011. Plusieurs artistes sont, en effet, entrés dans un processus de « rattrapage révolutionnaire » et surfé sur cette vague, profitant de la marge de liberté d'expression dont ils disposent désormais. Cette nouvelle mouvance artistique est largement marquée par les tabous. Transgresser les limites du représentable, jouer sur le sensationnel, pousser la provocation, bousculer les interdits, toucher au sacré, etc. sont parmi les recettes qui font actuellement fureur. En ces temps, la bravade du tabou est en phase de devenir une formule esthétique consacrée ! Au nom du militantisme politique et social, au nom de la liberté d'expression, des propositions artistiques, nouvelles ou « recyclées », font jour, collant à la mode de la transgression de l'interdit et à l'esthétique du choc. Elles ont suscité des débats conflictuels, nourri des polémiques intenses et réactivé des questionnements divers. Toutefois, au-delà de leur valeur esthétique, au-delà de leur probable portée tendancieuse idéologique ou marchande, ces pratiques artistiques ont valeur de symptôme qu'il est impératif d'analyser. Dans ce sens, l'unité de recherche Pratiques artistiques modernes en Tunisie, l'école doctorale Art et Culture et l'Institut supérieur des Beaux-arts de Tunis (Isbat) organisent les 21,22 et 23 avril à Hammamet, un colloque international intitulé « Pratiques artistiques et tabous ». Certes, le tabou dans l'Art est l'une des questions les plus fréquentes, voire des plus classiques. Néanmoins, elle ne fait pas moins partie des polémiques contemporaines. Elle est, même, comme nous venons de le dire, tendance. Ainsi, plasticiens, designers et théoriciens entre esthètes et historiens de l'art, s'interrogeront, à travers une trentaine de communications, sur la question du tabou dans l'art contemporain et sur certaines formes esthétiques qui sont venues irriguer le champ de la création, adoptant l'une des valeurs dominantes de l'air du temps. Une occasion pour élargir le champ à des réflexions théoriques et, éventuellement, à la formulation de pistes nouvelles. Ces chercheurs venant de différentes universités de Tunisie, mais également de France et de Belgique, iront à la rencontre du moralement interdit et déclineront le tabou sous ses multiples formes et expressions, dans des domaines artistiques différents (peinture, musique, publicité, graffiti,...). Un programme très dense et non moins intéressant ; de quoi nourrir le débat et lui donner, surtout, des soubassements scientifiques. Le colloque sera ouvert par les allocutions de Habib Bida, directeur de l'Isbat et de Nadia Jelassi, directrice de l'unité de recherche et de l'école doctorale. Une conférence inaugurale sera, par ailleurs, donnée à 14h, par Yves Michaud qui a présenté hier, à Tunis, une intervention à l'intention des étudiants de l'Isbat.