L'objectif est de lancer les projets rapidement grâce au travail d'un comité de suivi qui dispose de prérogatives exceptionnelles Les textes législatifs destinés à propulser l'investissement ne suffisent plus. Le climat des affaires, la paix sociale et la stabilité politique et financière sont nécessaires pour encourager aussi bien les investisseurs tunisiens qu'étrangers à créer des projets en Tunisie. C'est l'une des idées-forces qui se dégage du petit-déjeuner organisé hier à Tunis par le Centre des jeunes dirigeants d'entreprise (CJD) en collaboration avec Konrad Adenauer Stiftung. Mme Wafa Laamiri, présidente nationale du CJD, a focalisé son intervention sur le ralentissement des investissements, ce qui a eu un impact sur la création de nouveaux postes d'emploi. Créé en 2005, le bureau de Tataouine relevant de ce centre subit les effets néfastes des mouvements sociaux dans la mesure où plusieurs sociétés gérées par les jeunes sont fermées depuis un mois. « C'est une situation très délicate », remarque l'oratrice. Le glissement du dinar n'a pas arrangé les affaires de plusieurs exportateurs qui souffrent encore des effets négatifs de cette nouvelle donne. Se référant à un sondage effectué, Mme Laarimi a indiqué que 16% des jeunes entrepreneurs n'ont pas une idée sur les réformes engagées, 45% considèrent que le rythme de la réforme économique est lent et 25% estiment qu'il est très lent. Aussi, 50% des personnes interrogées pensent que la relance économique n'a pas pu se faire à cause des lourdeurs administratives tandis que 48% sont peu confiants en cette relance et 34% imputent cet état de fait au climat de confiance ou des affaires. De son côté, M. Holger Dix, représentant résident de Konard Adenauer Stiftung, a mis en exergue l'importance du débat entre les décideurs et les jeunes dirigeants, soulignant que plusieurs jeunes diplômés n'ont pas trouvé un travail, ce qui constitue un signe grave. Il a rappelé que la situation économique de l'Allemagne était difficile en 2003 et les médias considéraient que «le pays est le malade de l'Europe ». D'où l'intervention du chancelier qui a lancé un projet ambitieux capable de faire travailler plusieurs jeunes. Des mesures audacieuses ont été prises en essayant de convaincre les syndicalistes et le patronat. Une volonté politique exceptionnelle est donc nécessaire pour sortir de la léthargie. Lors du panel de discussion, M. Eymen Raïes, conseiller auprès du ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, a rappelé que le projet de l'urgence économique a été déposé en septembre à l'assemblée des représentants du peuple (ARP). Cette loi comporte un volet consacré aux marchés publics. Généralement, les procédures durent deux ans pour le lancement du projet même si le financement est disponible. A la faveur de ce projet de loi, un comité de suivi siège à la présidence du gouvernement pour faciliter les procédures et les raccourcir en vue de relancer la réalisation des projets. L'autorisation pour un investisseur qui veut créer un projet dans une région tunisienne peut ainsi être accordée en un minimum de temps (2 mois par exemple) au lieu de deux ans. L'objectif est de lancer les projets rapidement sous la tutelle du chef du gouvernement et grâce au travail du comité de suivi qui dispose de prérogatives exceptionnelles. Evidemment, les activités de ce comité sont auditées et contrôlées par le Parlement. Relancer l'investissement Dans le même ordre d'idées, M. Hakim Ben Hammouda, économiste et ancien ministre de l'Economie et des Finances, a souligné qu'il existe un déficit d'actions en matière de prise de décision et d'exécution des projets. La réforme bancaire a été, certes, engagée. La loi organique du budget était prête en 2014. Mais on a constaté que plusieurs projets n'ont pas été exécutés même si le pouvoir législatif a donné son autorisation à lancer ces projets qui ont été approuvés. Il est urgent d'accélérer le rythme des investissements, qui sont la meilleure source de la croissance. La loi sur l'investissement qui est entré en vigueur récemment n'est pas suffisante à elle seule pour impulser l'investissement. L'orateur a appelé l'Etat à prévoir des projets structurants pour le long terme à l'instar de ce qui a été fait au Maroc et en Egypte qui ont mis en place une stratégie de 2020-2030, et ce, pour relancer l'investissement et la croissance. Il faut avoir une conception claire de la Tunisie à l'horizon 2020 et arrêter une liste de projets structurants en matière d'infrastructure de base, de technologies de communication. C'est à ce moment que l'on a besoin d'une loi d'urgence économique. Des actions urgentes doivent également être menées pour relancer l'investissement. M. Fadhel Ben Omrane, député (membre de la commission des finances à l'ARP), financier et politicien a rappelé que le projet de loi d'urgence économique a été présenté à l'Assemblée en 2016 et comporte un certain nombre de dispositions relatives aux marchés publics (appels d'offres et concessions). Il vise essentiellement à accélérer les procédures pour lancer les projets privés. L'investisseur qui veut créer un projet à l'intérieur du pays d'une valeur allant, par exemple, de 50 à 100 MD peut bénéficier des facilités. Le code de l'investissement contient aussi plusieurs avantages et prévoit un comité de l'investissement pour traiter les différents dossiers. « Actuellement, on a besoin de travail sur le terrain et non pas de loi », soutient l'orateur. Une importance capitale doit être donnée également à la gouvernance. Plusieurs fonctionnaires de l'Administration ne veulent plus s'engager pour signer certains documents de peur d'être poursuivis en justice un jour. Cela a été à l'origine d'un manque de rendement en son sein. D'où la nécessité de fournir toutes les conditions propices à ces fonctionnaires pour qu'ils s'acquittent convenablement de leur mission dans un climat certes détendu.