L'artiste a choisi de représenter la misère humaine, l'homme face aux ténèbres, mais a réussi à en faire une œuvre esthétiquement réussie. Ils viennent de nulle part, et s'en vont ailleurs. Béchir, Mohamed, Slim, Hsouna, Alaâ ou Zakaria ont émergé un temps du néant sous le focus de Douraïd Souissi et y retourneront sitôt le projecteur éteint. L'objectif du photographe les a figés dans le temps et l'espace le laps d'une éternité, leur offrant l'unité d'un même format, d'un même non-lieu, d'un même huis clos. Dans un environnement qui doit certainement représenter une performance technique, dans une densité qui appartient à un autre monde, dans une opacité sans espoir, ces personnages anonymes qu'il baptise pour les faire exister sont confrontés aux ténèbres d'une destinée. Tous ont le regard caché, le visage occulté, le dos tourné. A quoi, si ce n'est à la vie, à l'espoir, à la lumière, à la joie ? Les épaules basses, la nuque tombante ne laissent aucune ambiguïté, aucun recours. L'artiste a choisi de représenter la misère humaine, l'homme face aux ténèbres, mais a réussi à en faire une œuvre esthétiquement réussie. «Les corps démunis, les profils dénués, les auras dépouillées, ces portraits de prostrés, par les pesanteurs d'un réel, l'évitent, dans un inachèvement, dans un quelque part où l'instant de l'abandon d'une lumière d'âme est presque entrevu par l'œil du photographe, élucidant pour nos regards le corps désormais lourd du poids de l'absence d'une âme, d'un homme, d'un homme...», écrit Mohamed Ali Berrhouma. Le tout pour nous spectateur étant de savoir si nous souhaitons partager ce «quelque part».