Noureddine Taboubi appelle à l'accélération du vote de la loi portant création du Conseil national de dialogue social. Mohamed Trabelsi : «Le 1er mai, c'est justement une occasion pour évaluer les politiques publiques en matière d'emploi, il faut savoir pourquoi certains projets dans les régions n'ont pas réussi à aller jusqu'au bout». Malgré l'ambiance festive hier au palais des congrès et la présence des trois présidents à la cérémonie officielle marquant la célébration du 1er mai, le cœur n'y était pas. En pleine crise sociale et en raison du retour improvisé des agitations sociales dans les régions pour réclamer de l'emploi et du développement, la célébration de la Journée internationale du travail avait cette année un goût d'inachevé. Depuis plus de 6 ans et en dépit des tentatives tantôt artificielles tantôt volontaristes des gouvernements successifs, la courbe du chômage n'a pu être inversée. Le taux de chômage a même augmenté pour s'établir autour de 15.5%, tandis que le chômage chez les diplômés du supérieur avoisine les 31%. « Le 1er mai, c'est justement une occasion pour évaluer les politiques publiques en matière d'emploi, il faut savoir pourquoi certains projets dans les régions n'ont pas réussi à aller jusqu'au bout», concède volontiers Mohamed Trabelsi, ministre des Affaires sociales. Selon lui, il est vrai que le contexte actuel est bien particulier, caractérisé par la recrudescence des mouvements sociaux dont les revendications sont pleinement légitimes. « Le gouvernement d'union nationale fait de son mieux pour trouver des solutions, déclare-t-il à La Presse. Nous avons réussi à résoudre beaucoup de problèmes, à mettre sur pied des mécanismes à même de répondre aux revendications sociales dans plusieurs régions à l'instar de Sfax, de Medenine, du Kef, mais il reste évidemment beaucoup à faire. Et là, le chef du gouvernement réunira des conseils ministériels pour tous les gouvernorats, avec la coopération des partenaires sociaux ». Cependant, Mohamed Trabelsi insiste sur le fait que sans le retour d'une croissance économique « normale », il n'est pas possible d'avancer dans la lutte contre le chômage. Pour sa part, la secrétaire d'Etat à la Formation professionnelle chargée de l'Initiative privée, Sayda Ounissi, note que la notion d'emploi est elle-même en train d'évoluer et que le défi majeur entrepris par le gouvernement actuel est de quitter la solution de facilité du travail précaire que représentent les « Aliyat » (mécanismes précaires d'emploi). « Notre programme pour l'emploi, nous avons mis du temps à le concevoir, car il était important pour nous que les travailleurs aient une couverture sociale décente ». D'un autre côté, elle tient à signaler l'évolution du secteur privé, qui devrait, dans les prochaines années, constituer le pilier de l'emploi, en lieu et place de la fonction publique. « Certains secteurs doivent devenir de vraies locomotives pour l'emploi », déclare-t-elle. Parmi ces secteurs, Omar El Behi, secrétaire d'Etat à la production agricole, tout comme le président de l'Utap, Abdelmajid Ezzar, pensent que le secteur agricole, s'il est correctement géré, peut permettre une meilleure employabilité des jeunes, et spécialement des jeunes diplômés. « Le potentiel de l'agriculture en termes d'emploi est grand, mais il est, à mon sens, sous-évalué, nous explique-t-il. A travers de nouveaux projets d'investissement, le secteur pourrait permettre aux jeunes diplômés de trouver de l'emploi, surtout dans l'agroalimentaire, que ce soit au niveau de la transformation de l'huile d'olive, des dattes, du lait, de la viande, etc. L'un des problèmes de l'agriculture est, en fait, le faible taux d'encadrement qui est d'uniquement 3%, si ce taux venait à augmenter, il y aurait un recrutement massif de jeunes diplômés ». Dialogue social A la tribune, les discours se succèdent, et chacun, gouvernement et partenaires sociaux, se félicitent des fructueux dialogues sociaux de ces derniers mois qui ont abouti à des accords, dans le calme et la sérénité, comme cela a été le cas entre l'Ugtt et l'Utica lors des négociations sur les augmentations salariales du secteur privé. Dans leurs discours ils ne manquent toutefois pas de rappeler que le climat social reste tendu malgré tout. « Les négociations dans les secteurs des banques et des assurances au titre de 2016 et 2017 ont été un succès, en attendant l'aboutissement des négociations dans le secteur touristique », a déclaré Noureddine Taboubi, secrétaire général de l'Ugtt. Des accords qui ont été possibles, notamment grâce au « pacte social », signé en 2013, et qui donne aujourd'hui ses fruits, selon le ministre des Affaires sociales. Mohamed Trabelsi a annoncé à cet effet que dans le cadre de ce pacte, le dialogue social sera institutionnalisé. Sauf que le secrétaire général de l'Ugtt veut du concret et appelle à l'accélération du vote de la loi portant création du conseil national de dialogue social. Mais tout n'est pas aussi rose. La présidente de l'Utica, Wided Bouchamaoui, a rappelé qu'en dépit des nombreux appels, le secteur informel qui emploie des citoyens ne bénéficiant ni de sécurité sociale ni de caisse de retraite, continue à prospérer « au moment même où nous parlons ». Un secteur qui menace désormais les entreprises travaillant dans la légalité. Un autre problème agite et préoccupe les partenaires sociaux en ce 1er mai, c'est celui de la nécessaire réforme des caisses sociales qui souffrent d'un énorme déséquilibre. Un dialogue tripartite a d'ailleurs été initié par le ministère des Affaires sociales dans le but de trouver une solution à la difficile équation des caisses. « Je salue nos partenaires sociaux pour leur sens des responsabilité et leur conscience de la nécessité d'un consensus pour réformer les systèmes de protection sociale et pour limiter les pressions financières que subissent les systèmes de retraite dans les secteurs public et privé », souligne Mohamed Trabelsi qui ajoute qu'un projet de réforme sera déposé à l'ARP au cours de l'été. Sur un tout autre plan, le secrétaire général de l'Ugtt, Noureddine Taboubi, a estimé qu'il faut éviter la précipitation en ce qui concerne la loi sur la réconciliation économique et donner du temps au débat.