Le chef du gouvernement a remporté, hier, une première grande épreuve : l'augmentation des salaires des travailleurs du secteur privé. Aujourd'hui, il rencontre les signataires du Document de Carthage pour les convaincre de maintenir leur soutien à son gouvernement d'union nationale La semaine qui tire à sa fin aujourd'hui aura été prolifique en événements dont chacun revêt une importance particulière et montre que la vie politique dans la Tunisie post-révolution et les acteurs politiques ou sociaux qui s'y activent sont en train de se débarrasser lentement mais sûrement de l'uniformisme qui a longtemps marqué la scène politique nationale et a fini par imposer certains comportements qui, le moins qu'on puisse dire, ne cadrent pas avec une vie démocratique ordinaire. Ainsi, nous a-t-on habitués bien avant la révolution, et le phénomène s'est accentué après le 14 janvier 2011, que s'il survient un conflit entre le gouvernement et l'Ugtt ou entre l'Ugtt et l'Utica ou entre une corporation quelconque et le ministère dont elle relève, à ce que la dynamique de développement se grippe et à ce que l'on devait attendre que les revendications des instituteurs, à titre d'exemple, soient satisfaites pour pouvoir trouver une solution acceptable pour les ministres de Ben Ali qui sont jetés en prison parce qu'ils ont appliqué les ordres d'en haut sans avoir empoché un millime dans les affaires de corruption intentées aux membres des familles Ben Ali et Trabelsi. La semaine qui s'écoule a montré, de par les événements qui l'ont jalonnée, que dans un régime démocratique, on peut traiter en parallèle les affaires en cours et qu'on peut trouver les solutions aux problèmes en suspens sans pour autant négliger ceux qui demandent davantage d'examen et de dialogue approfondi, tout en préservant les portes de la négociation et de la concertation largement ouvertes. Hier, au palais du gouvernement à La Kasbah, a été signé l'accord d'augmentation des salaires dans le secteur privé entre l'Ugtt et l'Utica, pour le compte des années 2016 et 2017, avec effet rétroactif à partir du mois d'août 2016. La signature de l'accord s'est déroulée en présence de Youssef Chahed, chef du gouvernement, Noureddine Taboubi, secrétaire général de l'Ugtt, et Wided Bouchamaoui, présidente de l'Utica. Les travailleurs du secteur privé verront leurs salaires de base majorés de 6%, outre l'augmentation aussi des primes de transport et de présence. Par la même occasion, le chef du gouvernement devait annoncer, hier, après concertation avec une délégation syndicale conduite par Noureddine Taboubi, l'augmentation du salaire minimum industriel garanti (Smig) et du salaire minimum agricole garanti (Smag). Ainsi, le gouvernement, l'Ugtt et l'Utica ont-ils réglé le problème des majorations salariales dans le secteur privé jusqu'au mois de mai 2017 qui verra la reprise des négociations en vue d'une nouvelle augmentation dite celle de 2018 et qui couvrira la période juin 2017-mai 2018. Faut-il estimer pour autant que les rapports sont désormais au beau fixe entre le gouvernement et l'Ugtt qui a réussi, l'espace de moins d'une semaine, à obtenir que les demandes des instituteurs soient satisfaites et que les salariés du secteur privé soient augmentés ? «A première vue, Youssef Chahed et son ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi, le syndicaliste qui a une solution pour chaque contestataire, semblent avoir amadoué les syndicalistes mais pas pour longtemps dans la mesure où les instituteurs sont toujours déterminés à obtenir le départ du ministre de l'Education et le 18 mars ils tiendront une commission administrative sectorielle pour arrêter définitivement leur décision. C'est le cas aussi pour les enseignants du secondaire qui disent ne plus avoir de revendications matérielles, leur seul objectif maintenant est que Néji Jalloul plie bagage», confie à La Presse un observateur qui suit à la loupe ce qui se passe à la Place Mohamed-Ali. Il ajoute : «La réunion que tient aujourd'hui Youssef Chahed avec les signataires du Document de Carthage sera déterminante à plus d'un titre pour ce qui est de l'avenir de la coalition des partis et des organisations qui soutiennent encore le gouvernement d'union nationale. On parlera sûrement de la nécessité pour Youssef Chahed de consulter ses partenaires avant de révoquer tel ou tel ministres, on évoquera aussi le retour de la coordination des partis au pouvoir, sans oublier aussi la réforme des caisses de sécurité sociale, des initiatives législatives proposées par certains groupes parlementaires comme celle relative à la réconciliation politique en attendant la redynamisation de la réconciliation économique et financière, comme la veut le président Béji Caïd Essebsi dans son projet de loi qui dort toujours dans les tiroirs de Mohamed Ennaceur, président du Parlement». La question qu'on se pose aujourd'hui est la suivante: Quelle réponse donnera, ce matin, Youssef Chahed à ses partenaires politiques et sociaux qui ont eux aussi des comptes à rendre à leurs bases ?