• Si Carthage a nourri l'imaginaire tunisien au point de devenir l'élément fondamental de son identité, les hautes steppes du Centre-Ouest incarnent l'autre versant d'une même Tunisie, riche et féconde en témoignages archéologiques. La Tunisie du Centre-Ouest, les Hautes Steppes est le titre de l'ouvrage de Fathi Béjaoui, publié cette année par les soins de l'Agence de mise en valeur du patrimoine et de la promotion culturelle. Partant du principe essentiel et évident que c'est aux Tunisiens d'écrire leur propre histoire (axiome cher au Professeur M'hamed Hassine Fantar), Fathi Béjaoui a brossé un tableau et dépeint à grands traits cette Tunisie centrale, communément désignée par Hautes Steppes. Cet exposé archéologique ne reflète qu'une infime partie de la densité réelle des sites et des monuments qui ne sont en fait que les témoignages matériels des civilisations qui se sont succédé sur ces terres et qui ont concerné aussi bien les périodes préhistoriques qu' historiques depuis l'Antiquité jusqu'au Moyen-Age. Et c'est justement à partir de ce «carrefour» et de ce passage quasiment obligé entre le Nord et le Sud et le Sud d'une part et l'Est et l'Ouest de l'autre que la romanisation d'une majeure partie du territoire tunisien s'est effectuée au 1er siècle après J.-C. suite aux événements de Thala, (l'ancien Thélepte, haut-lieu de la résistance numide), à l'extrême nord de la province de Byzacène. Ce rôle stratégique sera par ailleurs confirmé quelques siècles plus tard puisque c'est également de ces hautes steppes et à partir de Sufetula que la civilisation arabo-musulmane a atteint le reste du pays, ensuite tout le Maghreb et, de là, le sud de l'Europe. Et malgré une longue période de semi-nomadisme, les Hautes Steppes ont retrouvé aujourd'hui une certaine prospérité. Ce constat n'est pas sans rappeler le témoignage oculaire de Corippus qui évoquait dans ses poèmes écrits au VIe siècle la richesse de la Byzacène à l'époque byzantine où «La population vivait dans des villages ceinturés de jardins» produisant toutes sortes de produits frais et pratiquant toutes sortes d'élevages. Le passé revisité Ce livre fait la lumière sur la richesse historique et archéologique des périodes romaine, chrétienne, vandale et, surtout, byzantine. L'auteur s'est longuement étalé sur les principaux sites qui ont établi solidement la réputation d'authentique destination touristique et archéologique en Méditerranée avec cette mémoire des mots qui perdurent au-delà des pierres. Haïdra, surnommée la «Felix Ammacdara», l'heureuse Haïdra, Kasserine, l'antique Cillium, évêché depuis le IIIe siècle qui connaîtra le siècle suivant le schisme donatiste, courant qui sera représenté à la conférence de Carthage en 411 par un évêque dénommé Donatus, Thala, anciennement appelé Thélepte, haut-lieu de résistance numide et siège du royaume berbère Massyle dont le nom demeure intimement lié à Massinissa et à sa prestigieuse descendance : Jugurtha ou Micipsa, et enfin à la plus importante cité antique des Hautes Steppes, Sbeïtla. Autrefois appelée Sufetula, elle domine du haut de ses 600 m d'altitude une riche plaine agricole très fertile. Le paysage rural semble y être resté intact malgré les siècles dans une harmonie parfaite entre la beauté du paysage et l'impressionnante majesté des vestiges du passé. Ce qui a fait de Sbeïtla, à l'instar de Dougga, un site véritablement grandiose. La ville fait partie depuis quelques années, avec Carthage, Uthina et Dougga, d'un projet présidentiel de sauvegarde des monuments et de leur mise en valeur, ainsi que de la création de structures d'accueil et d'un musée. Les arcs de triomphe, les théâtres, les monuments, les forums, les capitoles, les citadelles, les cathédrales, les églises, les chapelles, les baptistères, les temples, les thermes, les fontaines et divers vertiges témoignent avec éclat des grandes ressources d'une région riche en sites archéologiques dont la Tunisie a de quoi s'enorgueillir. * La Tunisie du Centre-Ouest, les Hautes Steppes de Fathi Béjaoui, 80 pages, éditeur AMVPPC, avril 2010