La mise en place d'un système de ciblage des plus démunis, comme recommandé par le FMI, à travers des transferts directs est difficilement réalisable dans le contexte tunisien actuel. Selon l'Observatoire tunisien de l'économie, «du mois de décembre 2016 au mois de mars 2017, le FMI a gelé le versement de la deuxième tranche du financement prévue et a retardé la première revue économique du staff du FMI en raison de la lenteur dans l'avancée des réformes. A la suite de la mission de revue du FMI qui a finalement eu lieu du 7 au 17 avril 2017 afin d'évaluer les avancées des réformes et décider du versement ou non de la seconde et troisième tranches du financement prévu». L'Observatoire tunisien de l'économie a étudié quelques réformes phares exigées par le FMI dans ses différents rapports, telles la réforme de la caisse de compensation ou celle de la politique de change pour analyser leur pertinence. Elaboré par Jihen Chandoul, cette analyse permet de tirer plusieurs enseignements. Selon l'experte, «depuis son Indépendance, la Tunisie est passée par deux périodes de transition : la première en 1986-1987 du régime de Bourguiba à celui de Ben Ali et la seconde en 2010-2011 vers la mise en place d'un régime démocratique». Se référant à l'intervention du FMI durant la période de transition de 1986 à 2001, l'auteur de l'étude constate que «la Tunisie a sollicité un accord de confirmation avec le FMI en 1986 qui a permis d'avoir accès au financement par tranches à travers des tirages de 1986 à 1988». Sur la même lancée Le remboursement dudit prêt, capital et intérêts compris, s'est étalé sur six ans, soit entre 1987 à 1993. En 1988, notre pays a sollicité un mécanisme élargi de crédit dont le retrait et le remboursement des tranches ont concerné, selon le même mécanisme, la période 1991-2001. A cette époque, le FMI et la Banque mondiale assurent une coordination de leurs actions pour assurer l'implémentation des réformes requises. Analysant les principales recommandations du FMI et particulièrement la suppression des subventions alimentaires au profit d'un système de ciblage, Mme Chandoul a indiqué que «cette réforme a été exigée par le FMI et la Banque mondiale lors de leur intervention coordonnée durant la période de transition 1986-1988, en adoptant le même argumentaire qu'aujourd'hui». D'où l'augmentation du prix du pain et de la farine de 100% à la fin de l'année 1983 suivie par des émeutes en janvier 1984. «La réduction des subventions aux intrants et la suppression des subventions qui visent à garantir les prix à la production et les revenus des agriculteurs risquent de fragiliser d'autant plus les agriculteurs et leurs emplois et d'accroître le déficit de la balance agricole et alimentaire», prévient l'analyste. Une étude réalisée en 2012 conjointement par la Banque africaine de développement et l'Institut national de la statistique montre, d'ailleurs, que 9,2% des subventions vont aux ménages les plus démunis, 60,5% sont transférés hors ménages (restauration, cafés, touristes, commerce illégal aux frontières). Dans les différents rapports du FMI, il est fait uniquement référence à la classe des pauvres et des non-pauvres sans définir exactement qui représentent-ils, occultant ainsi la classe moyenne. Mme Chandoul pense que la mise en place d'un système de ciblage des plus démunis, comme recommandé par le FMI, à travers des transferts directs est difficilement réalisable dans le contexte tunisien actuel de façon à, effectivement, cibler les plus démunis et n'en exclure aucun. Evoquant le nouveau code d'investissement, l'auteur estime que «cette réforme du code d'investissement exigée par la Banque mondiale et le FMI conclut à la simplification et la suppression des barrières non-tarifaires (les autorisations et les incitations dans le code d'investissement, les mesures de régulation dans le code des marchés publics ou encore la loi sur les projets public-privé pour permettre aux sociétés étrangères de s'implanter aisément et accéder au marché tunisien». Et de critiquer la volonté des deux institutions financières internationales de libéraliser la politique de change et de transférer la gestion de la politique de change du public à travers la Banque centrale de Tunisie au privé à travers les banques commerciales et les «forces du marché». Les deux institutions ont coordonné leur action pour imposer des mesures structurelles qui ont pour conséquence de déstabiliser la valeur du dinar et de manière générale ont tout fait pour affaiblir la BCT.