Par Jalel MESTIRI Et si le classico pouvait servir à la réconciliation ? Au-delà des suppositions et des pronostics, il y a la certitude qu'on peut être mieux, qu'on pourrait mériter mieux. Et c'est bien à ce sentiment que nous espérons que tous les acteurs se laissent aller, sans calcul, sans remords. Et surtout sans rancune... Il y a de ces rendez-vous, de ces épreuves qui marquent de leur empreinte le paysage sportif, qui laissent des souvenirs et qui incarnent à la fois le présent et l'avenir. Un classico, un match au sommet, témoignent de l'expression naturelle et de la passion que l'on éprouve pour le foot, pour le jeu, pour le spectacle. Autant de sentiments et de conscience dans un contexte qui n'est pas cependant des plus favorables. Enjeux ou pas, le match EST-ESS transporte dans le temps. Il est difficile à freiner. L'environnement du football actuel n'est pas cependant enchanteur. Des actes d'absolution et de décharge commis par les supporters impliquent des causes, des enjeux et des degrés de gravité très variés. Le stade est devenu de ce fait la seule place où les jeunes peuvent s'exprimer et extérioriser leur désarroi. Le fait est cependant là : quand le supporter a une vision ambiguë du sport, la violence devient une vision assumée. Une confusion qui trahit une méconnaissance de l'amour du club, de la définition du sport. On assiste aujourd'hui à un genre de «supportérisme» exclusivement orienté vers la contestation, la révocation, le doute et le manque de confiance. Beaucoup de supporters, notamment les jeunes, associent avec imprécision le football à la violence et s'en font un prétexte, voire des fois une raison, pour se battre contre les adversaires du jour. Le profil du supporter d'aujourd'hui est très complexe. Il a une vision assez spéciale du football. Il consacre une grande partie de sa vie à son groupe et à son club. Ses principales motivations sont l'ambiance dans les gradins, le soutien indéfectible et inconditionnel à son équipe. Cela a fini par engendrer et intégrer une notion de territoire, avec des droits et des libertés, et surtout le recours automatique à la violence. Dans ce contexte assez particulier, les joueurs, les entraîneurs et les responsables ont un rôle déterminant à jouer. L'ambiance générale dans le stade et tout ce qui en découle dépendent de leur mode de comportement, de leur réaction, de leur prise de position, de leur discours et de leurs gestes. On ne doit pas oublier que les bonnes volontés et les bonnes initiatives marquent les grands événements. Les rencontres EST-ESS ont de tout temps pris forme dans un modèle d'épanouissement, de plénitude et de jubilation. Là où tout se mérite plus que ça ne se revendique, le rêve devient chaque fois réalité. Une date, un rendez-vous, des matches qui ne se ratent pas et qui d'une année à l'autre ne s'oublient jamais. Dans le classico de cet après-midi qui tranchera sur le nom du nouveau champion de Tunisie, dans un duel particulièrement innovant, on sent d'ores et déjà que l'effort y compte beaucoup plus qu'ailleurs. Pour détenir cette volonté, il faut en avoir envie et savoir aller au-delà de soi-même. Une chose est sûre: les émotions dopent le mental des joueurs et les emportent vers des considérations qui transcendent et permettent l'accomplissement de soi. EST-ESS est tout sauf un match ordinaire. On ne se défausse pas. La motivation peut aller plus loin qu'on ne peut le penser. Mais qu'en est-il de l'exemplarité et de l'image que les joueurs et toutes les parties prenantes doivent donner du football tunisien ? Personne n'en est exempt. Au-delà de l'exploit, de la victoire et de la consécration, au-delà aussi des déceptions et des frustrations, c'est la vocation, le statut et l'emblème de notre football qui doivent prévaloir. Il faut montrer un autre visage. Après tout, il y a et il y aura toujours des matches porteurs de certaines assurances... Et tant pis pour la mauvaise foi et les mauvaises volontés. Et si le classico pouvait servir à la réconciliation ? Au-delà des suppositions et des pronostics, il y a la certitude qu'on peut être mieux, qu'on pourrait mériter mieux. Et c'est bien à ce sentiment que nous espérons que tous les acteurs se laissent aller, sans calcul, sans remords. Et surtout sans rancune...