La violence perdure, s'éternise et se conserve... Le fait est là : on assiste aujourd'hui à un genre de «supportérisme» exclusivement porté sur la contestation. Beaucoup de supporters associent effectivement le football à la violence et s'en font un prétexte, voire des fois une raison. Oui, le profil du supporter d'aujourd'hui est très complexe. Il a une vision assez spéciale du football. Il consacre une grande partie de sa vie à son groupe et à son club. Ses principales motivations sont l'ambiance dans les gradins, le soutien indéfectible et inconditionnel à son équipe. Cela a fini par engendrer et intégrer une notion de territoire, avec des droits et des libertés, et surtout le recours automatique à la violence. La violence dans nos stades a pris ces dernières années une ampleur telle qu'il devient plus qu'urgent de s'y pencher sérieusement et de faire face aux abus et aux débordements devenus incontrôlables. Presque à chaque match, avec enjeux ou non, on assiste à des actes de violence avec de plus en plus d'excès qui dépassent l'imaginaire. Cela ne concerne pas cependant un championnat, un pays, le phénomène touche de près ou de loin presque tous les championnats arabes. En Egypte comme en Tunisie, au Maroc, et à un degré moindre en Algérie. L'Egypte n'a pas encore oublié ses morts d'un certain 1er février 2012 où pas moins de 74 personnes ont péri et un millier d'autres ont été blessées à Port-Saïd lors du match qui apposé Al-Masry au club cairote d'Al-Ahly. Plus récents, les actes de violence, qui ne cessent d'accompagner les matches au Maroc, ont poussé un bon nombre de responsables à démissionner de la fédération. Plus encore : l'un des derbys les plus importants du championnat vient d'être désigné sur terrain neutre. Une première dans l'histoire du football marocain. En Tunisie, on vit presque au quotidien les débordements et les incidents qui en découlent. Au quotidien et pratiquement dans tous les stades. Ces actes d'absolution et de décharge commis par les supporters impliquent certainement des causes, des enjeux et des degrés de gravité très variés. La violence perdure, s'éternise et se conserve. On ne prend pas au sérieux, ou encore pas suffisamment, ce phénomène qui guette les stades et prive le bon spectateur de supporter dans la quiétude son équipe préférée. Mais ici et là, pareille singularité n'est-elle pas essentiellement la conséquence de problèmes sociaux, économiques et politiques? De chômage, de manque de moyens de loisirs et d'évasion? Le stade n'est-il pas devenu, de ce fait, la seule place où les jeunes peuvent s'exprimer et extérioriser leur désarroi? Un déficit de régulation Quand le supporter a une vision ambiguë du sport, la violence devient une vision assumée. Une confusion qui trahit une méconnaissance de l'amour du club, de la définition du sport. La nécessité d'un dialogue constructif avec ces supporters pourrait être la pierre angulaire pour faire face aux débordements de tout genre. En même temps, la mise en place d'un système d'avertissements graduels et de sanctions éducatives, mais aussi pénales, d'un cadre clair et légal, n'est plus aujourd'hui seulement souhaitée, mais surtout exigée. Les actes et les incidents de violence ne trouvent plus uniquement leur raison d'être dans les gradins, ou encore dans les alentours des stades. C'est sur le terrain qu'ils se revendiquent de plus en plus. Les joueurs, les dirigeants et les entraîneurs s'en donnent à cœur joie et sans scrupule. Ils renvoient ainsi à un rejet de la règle. Un rejet qui s'ancre dans une défiance envers l'ensemble des institutions supposées produire un lien non seulement sportif, mais également social. Toute contrainte est aujourd'hui violemment rejetée. Plus qu'un constat, c'est désormais une évidence : l'encadrement ne joue pas son rôle et le recours aux sanctions est limité, pour ne pas dire absent la plupart du temps, notamment face aux éléments perturbateurs. Débordements, insultes, dégradations font partie du quotidien des clubs et leur ôtent toute crédibilité lorsqu'il s'agit d'énoncer la règle. Cela est d'autant plus regrettable, plus désolant que le football est marqué aujourd'hui par les dépassements et les incertitudes de tout genre et que le cadre du club, dans lequel ils se déroulent, renvoie nécessairement à une règle institutionnelle dont la légitimité n'est plus acceptée. La persistance des comportements violents s'explique, de ce fait, par un déficit de régulation. L'incapacité des responsables à faire respecter les règles est liée, non seulement, au rejet de l'autorité par les clubs, leurs dirigeants et leurs joueurs, mais également au refus des instances responsables d'incarner une autorité associée à un ordre bien défini. Plus qu'une simple activité sportive qui cristallise un sentiment de fraternité autour des émotions partagées, le football est un véritable poumon économique, engendrant emplois directs et indirects pour un chiffre d'affaires de plus en plus croissant. Les clubs ont de ce fait intérêt, et avant qu'il ne soit trop tard, à faire le ménage dans leurs rangs en écartant les trublions indésirables, dont le comportement écorne l'image d'un sport qui a besoin de préserver sa crédibilité.