On assiste aujourd'hui à un genre de «supportérisme» exclusivement orienté sur la contestation. A l'heure où les clubs deviennent de véritables multinationales qui drainent des enjeux financiers et économiques colossaux, le football s'encombre de supporters bruyants, contestataires et indépendants. Le phénomène de la violence dans nos stades a pris, ces dernières années, une ampleur telle qu'il devient plus qu'urgent de s'y pencher sérieusement et de faire face aux abus et aux débordements devenus, au fil du temps, incontrôlables. Presque à chaque match, on enregistre des actes de violence avec parfois des excès qui dépassent l'imaginaire. L'une des principales raisons qui poussent le public à avoir un comportement agressif est liée à l'inadéquation des infrastructures sportives. Beaucoup de nos stades ne disposent pas de normes pouvant assurer la sécurité des équipes et des joueurs, notamment dans les matches à haut risque. L'arbitrage est, la plupart du temps, cité comme principale cause du déclenchement de la violence lors des matches. Le refus des résultats ou les préjugés de certains fanatiques sur les décisions de l'arbitre lors des rencontres de football entraînent souvent la violence dans les stades, surtout lors des grands chocs. Mais ici et là, le hooliganisme n'est-il pas essentiellement la conséquence de problèmes sociaux, économiques et politiques? De chômage, de manque de moyens de loisirs et d'évasion? Le stade n'est-il pas devenu de ce fait la seule place où les jeunes peuvent s'exprimer et extérioriser leur désarroi? Quand le supporter a une vision ambiguë du sport, la violence devient une vision assumée. Une confusion qui trahit une méconnaissance de l'amour du club, de la définition du sport. En dépit des tentatives répétées pour éradiquer la violence, le dialogue n'est toujours pas amorcé. Le fait est cependant là: on assiste aujourd'hui à un genre de «supportérisme» exclusivement orienté sur la contestation. Beaucoup de jeunes supporters associent avec imprécision le football à la violence et s'en font un prétexte, voire des fois une raison, pour se battre contre les adversaires du jour. Le profil du supporter d'aujourd'hui est très complexe. Il a une vision assez spéciale du football. Il consacre une grande partie de sa vie à son groupe et à son club. Ses principales motivations sont l'ambiance dans les gradins, le soutien indéfectible et inconditionnel à son équipe. Cela a fini par engendrer et intégrer une notion de territoire, avec des droits et des libertés, et surtout le recours automatique à la bagarre. Ces actes d'absolution et de décharge commis par les supporters impliquent des causes, des enjeux et des degrés de gravité très variés. La violence dans nos stades perdure, s'éternise et se conserve. Aux abords et dans les stades de football, les incidents s'enchaînent d'une saison à l'autre, au point où l'on est arrivé à l'agression caractérisée des arbitres et de leurs assistants. Les autorités de tutelle et concernées doivent prendre au sérieux ce phénomène qui guette nos stades et nous prive de supporter dans la quiétude et dans la sécurité nos équipes préférées. La nécessité d'un dialogue constructif avec les supporters est la pierre angulaire pour faire face aux «pseudo-supporters» qui gangrènent le football et leurs débordements de tout genre. Il est temps de favoriser la mise en place d'un système d'avertissements graduels et de sanctions éducatives, d'un cadre clair et légal pour la liberté d'expression dans les gradins et l'inclusion des supporters dans la préparation des matches. L'exemple allemand mérite d'être étudié, ou encore inspirer les actions et les décisions à prendre. Les responsables dans ce pays ont pris le problème de façon bien particulière dès son apparition dans les années quatre-vingt. Ils y avaient établi un diagnostic très précis du «supportérisme». Un traitement adapté à chaque type d'incivilité a été appliqué, en fonction de son contexte et de sa gravité. Le modèle allemand est centré sur la prévention et le dialogue avec les supporters, la répression étant réservée aux actes de violence les plus graves. En parallèle de cette politique apaisée et efficace, le championnat allemand connaît le meilleur taux de remplissage des stades et l'une des meilleures ambiances d'Europe. Le triptyque «identification-interpellation-sanction» En France et en Angleterre, on s'est inspiré du modèle allemand uniquement sur la base de l'éradication pure et simple des éléments perturbateurs. Ici et là, les graves épisodes de violence engendrent systématiquement un durcissement de la répression envers tous les supporters sans distinction. Une politique qui pose aujourd'hui question, alors que la France, par exemple, verra affluer en juin prochain des dizaines de milliers de supporters pour l'Euro 2016. La ligne de conduite suivie par l'ensemble des acteurs chargés de la lutte contre le hooliganisme est la mise en œuvre du triptyque «identification-interpellation-sanction». Au fil des années, on s'est doté d'un arsenal répressif important, avec l'interdiction judiciaire des stades comme mesure fondatrice. Cette peine complémentaire, prononcée en plus d'une peine «classique» et qui ne nécessite pas de passage devant un juge, peut atteindre une durée de cinq ans. Il faut dire que pareille mesure administrative constitue la pratique la plus contraignante et la plus problématique. A l'origine, elle faisait figure de mesure d'exception en vue d'une interdiction judiciaire future, mais elle est aujourd'hui la norme et se suffit à elle-même. Le triptyque «identification-interpellation-sanction» peut-il être la solution adoptée pour éradiquer la violence dans nos stades? Dans un contexte particulier, les mesures et les décisions exceptionnelles sont des fois souhaitées aussi bien que les dispositions de la bonne organisation des matches et la gestion du mouvement de la foule. Il faut adopter une loi qui interdit tous les actes de violence tout en appliquant des peines sévères. L'installation des caméras à l'entrée et à l'intérieur des stades afin de surveiller les bandes de hooligans est aussi nécessaire. Il serait aussi recommandé de communiquer avec le public par l'intermédiaire des hauts parleurs placés dans les stades. Enfin, les mass medias doivent continuer à «éditer» et à propager ce qu'on peut considérer comme étant le livre vert des supporters et à travailler dans le sens de la formation, de l'éducation et de l'information du public, des joueurs, des encadreurs et des dirigeants sportifs. Pareille action ne peut que servir à sensibiliser tout l'environnement du football.