Haïthem Abid, le «gamin en or» de l'Espérance des années fastes, vient de se lancer dans un projet ambitieux, une expérience audacieuse en Côte d'Ivoire pour ce passionné de football et connaisseur émérite des arcanes de notre sport-roi. Après un retour fracassant sur le devant de la scène en tant que consultant puis responsable de la cellule technique des jeunes au club de Bab Souika, le brave Haïthem Abid vient d'obtenir son bon de sortie de la part de Hamdi Meddeb en vue d'embrasser une carrière de responsable technique au FC San Pedro, club réputé en Côte d'Ivoire actuellement. Nous sommes allés à la rencontre de l'ex-enfant terrible de l'Espérance pour nous apporter un éclairage concis sur cette mission qu'il espère exaltante et couronnée de succès. Haïthem Abid, du Parc B à la terre des Eléphants ! Ce n'est pas seulement une question de plan de carrière. J'ai été emballé par le projet du FC San Pedro. La Côte d'Ivoire, terre de football, pays de l'Asec Mimosa et d'Africa Sport, de Jean-Marc Guillou, Drogba et Cie, ça vous attire forcément. Maintenant, je n'ai pas débarqué à San Pedro sur un coup de tête. Non, celui qui m'a sondé, c'est mon ami Faouzi Rouissi qui veille actuellement sur les destinées de l'équipe. J'ai par la suite sondé le président Hamdi Meddeb qui m'a encouragé à tenter l'aventure, tout en m'apportant son soutien. Le Football Club de San Pedro est plus qu'un club de football. C'est une association qui œuvre pour la promotion du sport sur tout le territoire ivoirien et contribue à l'éducation humaine et sociale des sportifs. Je vous sens emballé et fortement motivé par le challenge... Et comment ! Vous savez, le président du club, Mohamed Ali Hachicha, est déterminé à hisser le club au niveau des clubs de l'élite en Côte d'Ivoire. Il a mis les bouchées doubles pour atteindre cet objectif. Il y a de quoi être fier de notre compatriote et du chemin accompli jusque-là. Pour rappel, à la fin de la saison 2015-2016, le FC San Pedro a obtenu son ticket pour militer en Ligue 1. Sauf que l'ambition ne s'arrête pas là. Le club a actuellement atteint les places d'honneur en championnat. Et l'on ne va pas tempérer nos ardeurs pour autant. On veut inscrire le nom du club sur l'échiquier continental. C'est le but à terme. Le club dispose à ce jour d'un centre de formation, une académie qui a vu le jour, un complexe sportif et bientôt un centre d'hébergement huppé qui répond aux standards internationaux. A terme, le but est de pérenniser le club au sommet du continent africain. Au-delà du discours, quelle méthode allez-vous prôner ? Imaginez une équipe composée de jeunes joueurs qui se connaissent depuis toujours, qui ont été formés ensemble, grandissent et progressent ensemble, débutent dans le football professionnel ensemble et gagnent des trophées ensemble. C'est le rêve de tout encadreur, dirigeant, technicien, supporter et mécène. Rappelez-vous que, jadis, cet exploit a été réalisé par l'Asec Mimosas. C'est devenu une référence et une légende à travers les continents. Que de spécialistes ont braqué leur projecteur sur ce géant d'Abidjan par la suite. Il faut dire que ce club est réputé pour sa formidable école de formation. C'est une institution. Nous allons essayer à notre tour de reproduire ce schéma. Tenter de semer les graines du succès et d'implanter une pépinière de talents. Nous apportons un concept simple au-delà de la rigueur et de la formation de base. La notion de plaisir avant tout. Il faut se montrer patient alors avant d'envisager un retour sur investissement... Le centre est à même d'offrir des tests de détection et un cycle de formation pour les joueurs retenus. Et, comme vous dites, il faut donner le temps au temps. Au-delà de la formation, nous devons avoir une vision. A titre d'exemple, un footballeur en herbe doit s'adonner à son sport favori sans donner de coups ! C'est une conception du football bien différente de celle que certains claironnent dans les médias, du style «le football c'est la guerre». Vous savez, il faut définir avec une grande clarté les conditions essentielles de la progression et de la promotion d'un joueur. Il faut insister aussi sur le fait que c'est un sport collectif et il est injuste de juger un joueur en dehors du contexte collectif. Bref, la joie de jouer est avant tout collective. Et cela ne veut pas dire «dilettantisme». Quand on a du plaisir à jouer, on ne sent pas sa fatigue. On n'est jamais fatigué après l'effort, parce que le plaisir compense la fatigue des muscles. Oui, on prend le problème à l'envers, quand on dit que c'est en apprenant à souffrir qu'on apprend à jouer au football ! Je pense même qu'en raisonnant ainsi on est arrivé à limiter la plupart des joueurs à ne manifester qu'un infime pourcentage de leurs possibilités. Pour qu'un joueur s'exprime pleinement il doit être libéré. Enseigner les préceptes des dispositifs tactiques est-il essentiel chez les jeunes pousses ? Non, je crois que ce qui est capital c'est que le joueur puisse s'exprimer comme il le sait. Dans n'importe quel contexte tactique il doit y parvenir. Apporter aux partenaires des soutiens et des appuis et il y arrivera. C'est une question d'intelligence du jeu, et un footballeur doit évidemment avoir cette intelligence. C'est ce que l'on va s'atteler à mettre en place. Donner libre cours à l'inspiration, atteindre à terme la maîtrise collective. Quitte à me répéter, oui, nous revendiquons bien volontiers l'épithète de partisans du jeu collectif. Parce que, de plus, cette caractéristique fondamentale de notre sport est la condition du développement et de l'épanouissement des valeurs individuelles. Une équipe, ce n'est pas l'addition de onze valeurs individuelles, mais c'est un organisme vivant qui, dans les limites définies par les lois du jeu et le dispositif tactique le plus favorable à la communication de ses éléments, implique à chaque instant la libération de l'initiative individuelle. Il ne faut pas restreindre les intelligences collectives mais favoriser l'esprit d'initiative. Vous savez, par exemple, le « béton » et ses variantes ne sont que des caricatures du jeu collectif. En clair, dans un véritable jeu collectif, il n'y a pas de contradiction entre l'individu et la collectivité, mais une synthèse dont bénéficient la collectivité et l'individu. En période de détection et de tri, l'on arrive facilement à distinguer la catégorie de ceux que l'on appelle les techniciens des autres joueurs. Les techniciens sont des joueurs qui font appel d'abord à l'intelligence et à l'habileté. Ce sont des qualités importantes, mais dans une équipe, des techniciens il en faut, mais pas trop. Il faut aussi des battants dans une équipe. Le point sur l'organigramme du FC San Pedro... Le plateau technique est constitué de Faouzi Rouissi, l'ancienne gloire du CA et de l'équipe nationale. Quand il m'a proposé de le rejoindre, le président de l'EST, Hamdi Meddeb, n'a pas hésité et m'a accordé mon bon de sortie. Je suis redevable au boss de l'EST pour tout ce qu'il m'a apporté en termes de soutien et de chance de réintégrer ma famille «sang et or». Je reviendrais un jour au Parc B et à l'EST, mon club de cœur. Pour revenir à San Pedro, il est dirigé avec doigté par notre compatriote Mohamed Ali Hachicha, connu en Tunisie pour être le patron de Soroubat. Volet administratif, le directeur exécutif est Khaled Ben Dhaou. Vous voyez que je ne serais pas dépaysé par l'aventure. A titre de rappel, le FC San Pedro devait conclure au départ un jumelage, un partenariat avec l'EST. Puis, les choses se sont accélérées et me voilà en Côte d'Ivoire. Vous savez, le club où je milite est à «forte connotation» tunisienne. Hakim Bargui a entraîné ici. Khemais Laâbidi, Tarak Ferjani, que de techniciens chevronnés ont apporté leur expérience et leur vécu à San Pedro. Sans oublier aussi Raouf Dridi, notre préparateur physique attitré. Tous les ingrédients du succès sont réunis pour passer au palier supérieur, étape par étape. Je ne vous cache pas que grâce à la manne du groupe tunisien des travaux publics et bâtiment (Soroubat), nous allons construire un complexe sportif haut de gamme. Les tenants du club viennent à cet effet d'acquérir un terrain de 16 hectares du côté d'Abidjan en vue de parachever la phase 2 du projet du club. Le CDF étant opérationnel depuis 2013, l'on s'attaquera maintenant à la construction d'un hôtel haut standing doté d'équipements modernes et d'une logistique à l'européenne. Nous marcherons sur les traces du TP Mazembe et de l'Asec en termes de formation et de promotion des jeunes. Nous mettons la barre assez haut. Nous voulons que le FC San Pedro devienne la référence en termes de formation, une vitrine et un tremplin vers l'Europe. Je souhaite enfin bonne chance aux jeunes talents en herbe de l'Espérance qui vont prochainement faire parler d'eux. Le Béninois Tijani Amane, Atoui, Moôtaz aux côtés de ceux qui ont déjà franchi un palier, à l'instar de Bilel Mejri et Talbi. Restez humbles, confiants, patients et généreux à l'entraînement. L'avenir vous appartient.