Dans une approche foncièrement participative, le ministère de la Défense nationale se penche actuellement sur l'élaboration d'un projet de Livre blanc; il s'agit d'une stratégie nationale qui définit la politique militaire et sécuritaire et les orientations principales pour le développement des compétences opérationnelles et de renseignement du secteur de la sécurité et de la défense. Un projet qui, dans une démarche participative, sera ouvert à une large palette de contributions...! Avant-hier, le rideau est tombé sur la 2e formation exceptionnelle destinée aux rédacteurs en chef, animateurs et journalistes chroniqueurs dans divers médias nationaux, dans la période allant du 31 mai au 9 juin, à l'initiative de l'Institut national de défense (IDN), à la base militaire de Bortal Hayder à Ksar Saïd (La Manouba). Un espace académique de très haut niveau créé en 1982, ayant à son actif 34 sessions de formation dite nationales fournies aux commis de l'Etat et cadres de l'administration, tous profils confondus. Leur parcours initiatique et l'expérience qu'ils ont acquise, au fil des ans, sont pris à témoin. L'IDN, ce temple militaire du savoir, garde aujourd'hui une devise qui résume tout : «Je défends par le sabre et la plume». Le combat y est ainsi à double sens. Son directeur, le colonel-major Imed Maâzouz, a, à l'occasion de cette session, mis en avant un projet en cours d'élaboration : le Livre blanc pour la défense et la sécurité. En perspective, s'annonce une politique militaro-sécuritaire nouvelle. Six jours, en rythme intensif, au cours desquels l'armée n'a jamais été aussi ouverte, réceptive et particulièrement attentive à «l'autre son de cloche». Et les impressions, questionnements, suggestions et recommandations des hommes de médias n'ont point été subsidiaires. Le débat, passionnant et parfois passionné, si interactif qu'il a pu dissiper le flou, en levant le voile sur des vérités sacrées. Le face-à-face a, bel et bien, pris une certaine ampleur positive, dans le sens où tout ce qu'on a reçu peut servir de référence en matière de couverture médiatique. La grande muette semble, alors, sortir de son silence. A tour de rôle, les chefs d'état-major des trois armées n'ont pas manqué de brosser un tableau récapitulatif de leurs missions d'intervention, du dispositif effectif déjà mobilisé et des enjeux futurs déclarés. Avec une sérieuse orientation vers l'industrialisation militaire, par souci de faire des économies en évitant d'acheter à l'étranger ce que l'armée peut développer elle-même , en partenariat avec le secteur privé tunisien. Souveraineté nationale et intégrité de nos frontières demeurent, à jamais, une ligne rouge. A quoi s'en tient toujours l'agence des renseignements, de sécurité et de défense dont la création en 2014 vient apporter une pierre à l'édifice. Reconfiguration annoncée Et le contenu de la formation est conçu de façon que chacune des trois unités de l'armée (terre, air ou mer) donne le meilleur d'elle-même, sous la tutelle d'un ministère de Défense en passe de restructuration. Et donc une transformation militaire certaine à peine remarquée au lendemain de la révolution du 14 janvier 2011. Cette mutation est fortement dictée par la conjoncture de l'étape transitoire, où une reconfiguration des rôles et des priorités s'avère plus que nécessaire. La guerre antiterrorisme s'inscrit, en fait, à l'ordre du jour d'une armée républicaine. S'y ajoute le nouveau contexte géopolitique régional et international qui pèse de tout son poids. Pour l'armée, rien n'est laissé au hasard. De l'action sur le terrain à une communication en temps de crise, le droit à l'information militaire est de mise. Sans pour autant oublier le volet sacro-saint de la sûreté de l'Etat. L'apport médiatique sans appel Hier, au cours d'une cérémonie de remise d'attestations de fin de formation à 23 participants, le ministre de la Défense nationale M. Farhat Horchani, a fait valoir le rôle des journalistes en tant qu'acteurs de premier plan, agissant sur plusieurs fronts. Car dans la guerre contre le terrorisme, une guerre asymétrique, l'apport médiatique est de la première importance. Avoir de l'information, c'est légitime, mais l'utiliser pour la bonne cause au profit de l'intérêt supérieur du pays est aussi un devoir citoyen. Une marque de patriotisme, dit le ministre. Et si les médias s'invitent, aujourd'hui, à la réflexion sur l'enjeu sécuritaire du pays, c'est que leur impact sur l'homme de la rue reste entier. Façonner une opinion consciente prête à suivre relève de la responsabilité des médias. Une orientation qui doit se faire dans le bon sens, a-t-il ajouté. « Droit d'accès à l'information, sans violer le secret militaire, en voilà l'équation jusque-là recherchée et qu'on souhaite établir dans sa plénitude», espère le ministre. Objet de la précédente session nationale, soit la 34e à l'IDN, le Livre blanc a aussi donné du grain à moudre. Actuellement, la commission de conception travaille là-dessus, le projet étant encore en gestation. L'œuvre est telle qu'elle trace les contours de l'institution militaire, identifie sa taille réelle, prévoit son avenir et puis définit ses besoins d'aujourd'hui et de demain. Soit une politique de défense anticipative à long terme. «D'ici 2030, l'on risque de vivre d'éventuels scénarios géostratégiques dont la réalisation pourrait être fort probable», avance Mehdi Taje, géopoliticien tunisien, spécialiste des méthodologies de la prospective auprès de l'Institut tunisien des études stratégiques (présidence de la République). La mise en pratique de ce Livre blanc, souligne M. Horchani, débouchera sur un plan de communication, permettant de recadrer la couverture médiatique en matière de défense globale. Président de la 2e session, notre collègue Mokhtar Khalfaoui, chroniqueur à Shems FM, s'est étalé sur l'intérêt d'une telle formation «bénéfique dans les deux sens» qui a réuni sur la même ligne droite militaires et journalistes. Il s'y est prononcé au nom des apprenants bénéficiaires, mettant en avant les nouveaux acquis appris et l'idée cumulée sur un illustre corps peu connu.