Dans sa recherche de partenaires stratégiques, la Tunisie se voit confrontée à des choix économiques qui façonneraient son orientation vers la diversification des marchés. La Chine représente, à ce niveau, un partenaire très important pour l'économie tunisienne. D'autant plus que les relations entre les deux pays ne reflètent pas le grand potentiel de la coopération bilatérale Une question à laquelle s'est intéressé l'Institut arabe des chefs d'entreprise (Iace) lors de Tunis Forum 2017 sur le thème "Tunisie-Chine : un partenariat d'avenir". Cet événément a rassemblé plusieurs personnalités politiques et économiques, du secteur public et du secteur privé, de Tunisie et de Chine. Le constat est là. La Tunisie enregistre avec la Chine un déficit de 3.263 MDT, qui représente un tier du déficit commercial global, selon une étude de l'Iace. Les exportations vers la Chine sont, ainsi de l'ordre de 0,2% du total des exportations tunisiennes, contre des importations chinoises représentant 8,4% du total des importations tunisiennes. La même source indique que les importations en provenance de la Chine se concentrent à hauteur de 80% sur trois segments, à savoir les machines, les appareils et le matériel électrique (56%), les métaux et ouvrages en métaux (10%) et matières textiles et ouvrages en textile (10%). Pourtant, la Tunisie pourrait profiter encore plus de la montée de la puissance économique de la Chine, qui est devenue le premier exportateur, le premier importateur et la première puissance financière avec un trésor de 4 milliards de dollars. Devant la stagnation de l'économie européenne, le renforcement de la coopération économique avec la Chine serait une bonne alternative pour ouvrir de nouvelles perspectives à l'économie tunisienne. «Nous ne devons pas rester les mains croisées. Nous avons besoin d'une relance économique, de réduire le chômage, de créer des emplois, de réaliser des investissements. Ces investissements-là qui ne peuvent se faire sans financement. La coopération avec la Chine pourrait être une solution pour cette problématique et un partenaire de grande envergure», lance Ahmed Al Karam, coordinateur de Tunis Forum. Plateforme La Chine, présente déjà en Afrique pourrait également profiter du positionnement de la Tunisie pour faciliter encore plus son intégration dans le continent et pour lui servir de plateforme à son ancrage économique en Afrique. Ce partenariat est d'autant plus important avec le lancement de la Nouvelle Route de la Soie par la Chine, étant une opportunité historique à saisir absolument par la Tunisie, lui permettant de s'inscrire dans le cadre d'une dynamique économique hors du commun. Pour ce faire, la Chine s'est dotée d'un bras financier, à savoir la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, forte de 100 milliards de dollars. De son côté, Fadhel Abdelkefi, ministre de l'Investissement, du Développement et de la Coopération internationale, a indiqué que la Tunisie a d'énormes opportunités devant elle vu son positionnement stratégique en Afrique. «Nos échanges commerciaux se font à hauteur de 80% avec l'Europe. Mais la logique est différente avec l'Afrique. Nous somme producteurs pour l'Europe et investisseurs en Afrique. Ce sont deux différents business models. La Chine a compris que la Tunisie peut être une porte d'entrée vers l'Afrique et être une plateforme d'export dans le continent», précise-t-il. Il ajoute que la Tunisie se positionne au centre de la Méditerranée et présente un bassin d'emploi très important et une main d'œuvre compétitive, une réelle opportunité pour les Chinois. "Nous avons reçu des dizaines d'entreprises chinoises qui ont manifesté leur intérêt pour notre pays. Il est important pour nous d'avoir un partenaire important comme la Chine. Mais nous devons aussi prendre en considération nos intérêts. Il est important d'alligner nos intérêts sur ceux de nos amis chinois pour un partenariat gagnant-gagnant», affirme-t-il. Coopération financière Il n'y a pas de doute que la coopération avec la Chine ne peut qu'être bénéfique pour la Tunisie. La Chine est en route pour être la première puissance mondiale. Elle est actuellement le deuxième investisseur et aussi le premier marché émetteur au niveau mondial. Selon Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre français, la Chine est un pays leader dans plusieurs produits et un grand pays de l'innovation. Selon lui, les Chinois font de l'Afrique la perspective de la Nouvelle Route de la soie. "Dans les réunions avec les responsables européens, il y a toujours un appel à l'investissement dans les pays tiers, notamment en Afrique. A ce niveau, la Tunisie est dans une logique de médiation par son contact multiculturel et sa proximité à la fois de l'Europe et de l'Afrique. La stratégie consiste à s'inscrire dans une logique de plateforme multilatérale, facilitant l'accès à l'Afrique et au monde arabe», souligne-t-il. Pour les responsables chinois, le mot clé est l'interconnexion, c'est-à-dire l'amélioration de l'infrastructure, la promotion de l'investissement et du commerce, la coordination entre les politiques, le renforcement de la coopération financière. Des fondamentaux sur lesquels s'appuie le projet de la Nouvelle Route de la Soie, lancé en 2013. Selon Liu Minghzi, représentant de la Banque populaire de Chine, en charge de l'Afrique, l'axe principal est la coopération financière qui permet de renforcer la coopération économique tout au long de la Nouvelle Route de la Soie. Cette coopération est reflétée par les fonds alloués aux projets d'infrastructure, par le partenariat avec les institutions financières chinoises. « La promotion de la coopération financière entre la Chine et la Tunisie nous permettra de faciliter les opérations commerciales et d'investissement. La Tunisie a de grands potentiels pour élargir la coopération avec la Chine et pour attirer les IDE en provenance de la Chine », affirme-t-il D'ailleurs, pour renforcer cette coopération, trois conventions de partenariat ont été signées en marge de Tunis Forum entre opérateurs privés tunisiens et chinois, englobant une enveloppe de 1.200 milliards de dinars. La première convention entre l'Industriel and Commercial Bank of China (ICBC) et le Groupe Loukil pour la construction d'un pôle financier. La deuxième convention entre l'ICBC et l'Amen Bank pour l'instauration d'une ligne de crédit. La troisième convention entre le groupe Huwaei et la Société industrielle d'appareillage et de matériels électriques (Siame). Destination et structure des IDE chinois Asie : 68% des IDE, à travers l'implantation de nouvelles unités de production dites "Greenfields" créatrices d'emplois et source de transfert technologique. Europe : 8% des IDE, essentiellement la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Les principaux investissements se font dans les industries chimiques et mécaniques L'Amérique du Nord : 4% des IDE, surtout dans des actifs spéculatifs comme l'immobilier L'Amérique latine ; 4% des IDE, surtout dans les services bancaires, l'exploitation des ressources naturelles et l'industrie L'Afrique : 4% des IDE, soit 3,5 milliards de dinars en 2015, dont 1,4 milliard de dinars en Tunisie. Source : IACE