Le parcours exceptionnel de Maurice Jarre, ce musicien français parti s'exiler en Californie dans les années 60 pour graver son nom dans l'histoire du 7e art, mérite de revenir sur une rencontre avec La Presse lors du Festival de la télévision à Djerba (2006). C'était l'un des temps forts du festival où le dramaturge du son, le père de Jean-Michel Jarre, qui en leur honneur et pour les efforts qu'ils ont consentis en faveur d'une musique céleste, leur nom a été donné à la planète mineure numéro 4.422, a expliqué à un parterre de producteurs, de réalisateurs et de comédiens qui assistaient à cette rencontre que «la musique est là pour raconter ce qui ne peut pas être cinématiquement monté en images». Auteur du générique qui retentit dans la Cour d'honneur du Palais des Papes lors de chaque représentation du Festival d'Avignon, Maurice Jarre avec plus de 50 ans de musique pour le cinéma, cent cinquante longs-métrages, trois oscars, s'est forgé une notoriété à travers le monde où il est reconnu comme un pionnier dans l'utilisation d'instruments ethniques et sons électroniques dans ses bandes originales de films. Le compositeur, dont l'aventure à faire le lien entre l'image et le sentiment par la musique et le son remonte à plus de 50 ans, est devenu un mythe de la musique de films. L'année dernière peu avant sa mort, il avait reçu à Berlin un Ours d'Or d'honneur pour l'ensemble de son œuvre. Dans toute l'histoire de la Berlinale, c'était la première fois qu'un compositeur recevait une telle récompense. Un sacre bien mérité pour un artiste hors pair qui, tout au long de sa carrière, a signé des bandes originales pour les plus grands réalisateurs tels Henri Verneuil, Alfred Hitchcock, John Huston, Luchino Visconti et bien d'autres. Après avoir rappelé avec émotion ses débuts au théâtre avant d'épouser le cinéma, le célèbre compositeur français a rappelé que la musique de films, servait à maquiller les nuisances sonores, au début des années trente. Mais depuis que les bandes sonores ont commencé à avoir du succès, «un côté commercial s'est développé chez les producteurs qui ont commencé à faire plus souvent appel à des compositeurs», avait-il expliqué. C'est un peu à ce croisement des deux mentalités, artistique et commerciale, que les choses ont pu évoluer, avait ajouté M.Jarre. Evoquant, les contraintes de format qu'impose l'écriture musicale pour les films, le compositeur français avait indiqué que contrairement aux autres compositions classiques, la dramaturgie sonore des films exige de la précision, de la concision et surtout de l'humilité. «La musique a quelque chose de charnel, de sensuel et de sexuel», avait –il souligné. Faire ressentir tous ces moments et transposer le sentiment à l'écran est quelque chose d'extrêmement spirituel pour ce compositeur qui a souvent recours aux instruments ethniques dans ses œuvres. Il avouait cependant qu'il lui arrivait de travailler avec des réalisateurs qu'il ne connaissait pas et qu'il recevait parfois des scripts et assistait à des scènes de tournage avant de composer. «C'est formidable même si ça n'a rien à voir avec mes compositions», avait-il précisé. Maurice ne s'opposait pas non plus au recours à l'utilisation de la musique préexistante, pourvue «que ça marche bien». Mais, l'illustre compositeur qui ne cachait pas le fait, qu'on peut se passer de la musique dans certains films, avait rappelé que «dans la musique il y a quelque chose de formidable qu'est le silence». C'est d'ailleurs pour cela qu'il choisissait dans ses films des séquences «sans dialogues, sans musique, rien qu'avec l'image». Mais la musique ne peut sauver un mauvais film, assénait-il. «Une bonne musique marche avec un bon film. Un mauvais film ne marche pas même avec une bonne musique». Certes, «la bande originale d'un film peut tout à fait en déterminer le succès, ou du moins y contribuer, cependant les réalisateurs qui pensent qu'ils peuvent sauver le film avec une musique se leurrent» avait-il indiqué. Interpellé sur son expérience avec le feu réalisateur arabe Mustapha Al Akkad, M.Jarre avait souligné lors de cette rencontre que c'était une expérience originale. Car si pour le film Lawrence d'Arabie la musique était écrite à partir d'une vision occidentale, «pour le film Le Messager, je me suis imbriqué davantage dans la culture arabe, pour donner par suite une musique avec une vision arabe». Tout au long de cette rencontre, les participants ont pu assister à la projection de séquences des films cultes de ce compositeur, en l'occurrence Lawrence d'Arabie, La Route des Indes, Week-end à Zuycoote, Ghost et Le cercle des poètes disparus.