Fadhel Abdelkefi s'est rétracté après ses déclarations au palais du Bardo annonçant que les crédits obtenus par le gouvernement servent au paiement des salaires des fonctionnaires. Se pose de nouveau la question : comment un ministre doit-il parler même s'il est en colère ? «Un ministre, ça se tait ou ça démissionne». C'est feu Jean-Pierre Chevènement, M. Ceres du Parti socialiste français dans les années 60-70 du siècle précédent et ancien ministre de la Défense en 1991, qui l'affirmait quand la coalition internationale a décidé de libérer le Koweït envahi le 2 août 1990 par l'armée de Saddam Hussein. Et Jean-Pierre Chevènement a bien claqué la porte et du gouvernement et du Parti socialiste français quand François Mitterrand ne l'a pas écouté et a pris la décision d'envoyer les soldats français en Arabie Saoudite pour opérer sous les ordres du général Schwarzkopf et bombarder les Irakiens pour obliger les soldats de Saddam à quitter le Koweït. Quand Fadhel Abdelkefi, ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale et des Finances par intérim, s'est adressé au palais du Bardo à la députée Samia Abbou pour lui dire qu'il est prêt à démissionner sur-le-champ et qu'il n'attendait qu'un signe de Youssef Chahed pour faire ses cartons, personne ne s'attendait qu'il se rétracte quelques jours après, pour nous sortir le disque usé «mes paroles ont été sorties de leur contexte» et nous faire comprendre que nous l'avons mal compris ou pas du tout. Pour rappel, Fadhel Abdelkefi nous annonçait que les caisses de l'Etat étaient vides, qu'il savait de quoi il parlait puisqu'il recevait quotidiennement à 7h00 quand il s'installait à son bureau (à La Kasbah ou à la rue des Salines en face des vendeurs à la sauvette) le document le plus important de la Tunisie, le compte du jour des avoirs de l'Etat, que les ministres qui arrachaient les crédits auprès du FMI, de la Banque mondiale, de la BEI, de la Berd ou du Fades méritaient les éloges de la part des élus de la nation et non leurs critiques déplacées et qu'en fin ces crédits serviront à nourrir les Tunisiens, c'est-à-dire à payer aux fonctionnaires leurs salaires. Des erreurs irréparables Aujourd'hui, Fadhel Abdelkafi revient sur ses déclarations pour nous dire qu'il n'en est rien et que le FMI, la Banque mondiale ou le Fades ou la Jica nous accordent les crédits que nous leur demandons parce qu'ils savent que leur argent leur sera rendu dans les délais et que cet argent servira à financer les projets de développement contenus dans notre plan de développement économique et social (2016-2020) et non à monnayer les vacances estivales des Tunisiens où à payer les moutons de l'Aïd El Kébir. A écouter les rectifications faites par Fadhel Abdelkefi, ce n'est pas sorcier de découvrir qu'il a subi un rappel à l'ordre de la part de Youssef Chahed qui n'est pas pour le moment prêt à lui indiquer la porte de sortie et qui n'est pas aussi disposé à supporter les erreurs de communication commises par ses ministres, à intervalles réguliers, donnant l'impression qu'ils se concertent à l'avance pour que chacun d'eux produise sa bourde quotidienne ou sa petite plaisanterie déplacée. Et les Tunisiens de s'interroger : «Quand les ministres du gouvernement d'union nationale vont-ils comprendre que dire la vérité au peuple ne signifie pas lui offrir de petites phrases assassines qui font régner la confusion, la méfiance et la peur parmi la population, qui poussent les investisseurs étrangers prêts à retourner en Tunisie à réviser leurs plans et qui donnent l'opportunité aux enquêteurs du FMI pour durcir davantage leurs conditions pour que les prêts déjà conclus soient débloqués (la phrase de Abdelkafi est tombée au moment même où la délégation du FMI s'informait si le gouvernement a respecté son engagement concernant les conditions de gestion des tranches précédentes du même crédit)». Plus encore, quand Samia Abbou a réussi à faire sortir de ses gonds Fadhel Abdelkefi, le Forum d'affaires tuniso-saoudiennes se tenait à Tunis, décidait le lancement de nouveaux projets de coopération bilatérale, et le ministre saoudien du Commerce extérieur assurait au président Caïd Essebsi que le Royaume était disposé à soutenir la Tunisie financièrement et à honorer ses engagements pris lors de «Tunisia 2020». Maintenant que le mal est fait, qu'est-ce qu'il faut faire pour que Iyed Dahmani, le porte-parole du gouvernement, ne se trouve pas obligé à l'avenir de désavouer l'un de ses collègues ou rectifier ses déclarations? Beaucoup d'observateurs ont déjà répondu à cette question en soulignant la nécessité pour les ministres d'engager des coachs spécialisés en communication qui leur apprennent comment s'adresser aux médias, comment répondre aux questions des députés, y compris celles qu'ils considèrent comme déplacées, et surtout comment ne pas faire d'erreurs qu'ils ne pourront jamais réparer même s'ils quittent le gouvernement avec les honneurs.