La saison de la récolte des céréales a officiellement démarré fin mai 2025 dans les régions du Sud et du Centre de la Tunisie, avant de s'étendre progressivement au reste du pays. Selon Mohamed Rjaibia, membre du bureau exécutif de l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (Utap), cette campagne s'annonce globalement prometteuse, malgré un léger retard dû aux conditions climatiques, notamment l'humidité persistante dans plusieurs zones de production. Les autorités ont mis en place des dispositions exceptionnelles pour assurer la réussite de cette campagne, notamment à travers l'Office des céréales, qui a effectué des visites de terrain dans 189 centres de collecte afin de s'assurer de leur bon fonctionnement. Toutefois, les dernières pluies, bien que bénéfiques, risquent d'entraîner des retards supplémentaires dans certaines régions, comme à Bizerte. L'une des principales inquiétudes demeure l'encombrement attendu au niveau des centres de collecte. Mohamed Rjaibia insiste sur la nécessité de fluidifier les opérations, soulignant que le pays ne peut se permettre de perdre le moindre quintal de production.
Le responsable de l'Utap est également revenu, sur les ondes de la Radio nationale, sur les difficultés structurelles du secteur. Le manque de semences de qualité en début de saison a contraint nombre d'agriculteurs à se rabattre sur des semences ordinaires, de qualité inférieure. Par ailleurs, les incendies ont détruit plusieurs centaines d'hectares, un coup dur pour un secteur déjà fragilisé. Malgré tout, la surface emblavée reste stable, autour d'un million d'hectares, avec une hausse encourageante dans certaines zones du Sud et du Centre. Cela reflète, selon Mohamed Rjaibia, l'attachement des agriculteurs à leurs terres et à une filière céréalière toujours considérée comme stratégique. Parmi les mesures demandées par l'Utap figure notamment la prolongation de la période de livraison des récoltes. Pour l'orge, il est proposé de repousser la date limite du 5 juillet à la fin du mois. Pour le blé dur et le blé tendre, une extension jusqu'à fin août ou septembre permettrait aux agriculteurs de mieux s'organiser et d'accéder aux semences sélectionnées pour la prochaine saison.
Mohamed Rjaibia appelle également à une meilleure gestion de l'évacuation des céréales des centres de collecte vers les zones de stockage, afin de désengorger les points de réception. L'Office des céréales a mobilisé près de 400 camions pour assurer cette opération, en complément du transport ferroviaire. Concernant les prix de rachat, fixés depuis fin mai, ceux-ci varient selon la qualité des grains, établie après analyse en laboratoire. Le syndicaliste exprime néanmoins son inquiétude face au risque d'une « double pénalisation » des agriculteurs : d'abord privés de semences de qualité, ils pourraient être à nouveau lésés à la vente si leurs produits présentent des défauts qui ne leur sont pas imputables. Sur la question du stockage, Mohamed Rjaibia rappelle que les infrastructures nécessaires (ventilation, hygiène, capacité d'absorption) ne sont pas à la portée des agriculteurs individuels ou même de petits groupements. C'est pourquoi le stockage reste, pour l'heure, sous la responsabilité de l'Etat.
Enfin, Mohamed Rjaibia insiste sur la nécessité d'augmenter la productivité plutôt que d'élargir les surfaces cultivées. Il pointe le manque de vulgarisation agricole et l'absence de transfert des résultats de la recherche scientifique vers les exploitants. Le déficit d'encadrement, de moyens logistiques et de personnel dans les services de l'agriculture nuit au rendement des cultures. Pour atteindre l'autosuffisance en blé dur, la Tunisie doit, selon lui, se doter d'une stratégie à moyen terme centrée sur la rentabilité des surfaces existantes et la résilience face aux aléas climatiques.