Accéder au transport en commun est un droit inaliénable de tous les citoyens, quels que soient leur âge, leur genre et leur condition sociale. Mais les rapports de genre dans les espaces publics, et particulièrement dans les transports en commun, s'expriment à travers des pratiques infériorisantes et discriminatoires à l'égard de la femme visant à lui dénier son droit d'évoluer dans les espaces publics. Afin de célébrer l'adoption de la loi organique de l'élimination de la violence faite aux femmes, le Credif a organisé dans le cadre du programme «mousawat» et en partenariat avec le Fonds des Nations unies pour la Population, une cérémonie de signature de convention avec la Transtu. Cet accord a pour objectif de lancer une campagne de sensibilisation pour lutter contre le phénomène du harcèlement sexuel dans les transports publics. Une enquête, initiée par le Credif et ONU-Femmes sur la violence basée sur le genre dans l'espace public, permet d'informer sur l'ampleur du phénomène de la violence dans les différents espaces publics. 53.5% des femmes concernées par l'enquête disent avoir subi une forme de violence dans un espace public pendant les quatre dernières années entre 2011 et 2015 et 89,1% ont été victimes de harcèlement en 2016 sur les lieux publics. Ce chiffre inclut les femmes qui travaillent et celles qui ne travaillent pas, celles qui se déplacent à l'intérieur des grandes villes ou entre les villes et celles qui ne se déplacent pas souvent. Les moyens de transport les plus couramment utilisés sont les transports publics (métro, bus et train) et les taxis collectifs. La violence subie dans les moyens de transport revêt plusieurs aspects , à savoir la violence verbale, la violence psychologique, la violence physique et la violence sexuelle. Le harcèlement sexuel et la menace de viol seront dorénavant passibles d'une peine de prison comprise entre 6 mois et 5 ans suivant la gravité de l'acte et d'une amende allant de 200 à 2000 dinars . Campagne dans les moyens de transport Consacrée à la violence basée sur le genre, la campagne de lutte contre le harcèlement sexuel dans les moyens de transport collectif a été présentée par M. Salah Belaid, Président-Directeur-Général de la Transtu, qui a annoncé le lancement d'une ligne verte au profit des femmes victimes de violence dans les moyens de transport. La société des transports a publié un bulletin comportant des articles analytiques de fond apportant un éclairage juridique et sociologique sur les aspects latents du phénomène appuyé par des chiffres et des statistiques. Ce croisement multidisciplinaire a mis en exergue la faiblesse du référentiel juridique spécifique à ce type de violence et la force des facteurs socioculturels qui freinent encore l'initiative des femmes ayant subi des violences dans les moyens de transport de déposer plainte et de jouir de leur droit à une mobilité sécurisée en tant que citoyennes à part entière. Par ailleurs des formations spécifiques devraient être envisagées au profit des agents qui assurent l'accueil des femmes victimes de violence. La directrice du Credif, Dalenda Larguèche, a déclaré que la frange de la population qui subit le plus de violences sexuelles parmi les femmes sont les jeunes filles, et ce, «qu'elles soient voilées ou pas». La directrice du Credif a aussi dénoncé le fait que «certains accusent les femmes de ne pas porter de tenue vestimentaire correcte. On essaie ainsi de rejeter le tort sur elles !». Et de renchérir: «nous allons bientôt démarrer une campagne dans le métro de Tunis. Nous ciblons notamment la ligne 5. Nous allons placer des panneaux de sensibilisation à l'intérieur des rames et à l'extérieur». Mme Larguèche a révélé, en outre, qu'une application électronique sera disponible très prochainement pour dénoncer les cas de violence. «Elle sera dédiée aux personnes qui seront témoins ou victimes d'actes de violences», a-t-elle révélé. Des mesures sont prévues par les deux parties signataires de la convention. Le PDG de la Société des Transports de Tunis a mis l'accent sur l'importance de consacrer le principe de l'égalité entre hommes et femmes dans les moyens de transport en commun et d'organiser des campagnes de sensibilisation impliquant les médias. Les agents de la Transtu doivent participer à des sessions de formation afin d'améliorer la sécurité dans les moyens de transport public, a par ailleurs souligné M. Salah Belaid. Il a par ailleurs souligné qu'il est inadmissible d'envisager la mise en circulation de moyens de transport non mixtes (bus réservés exclusivement aux femmes) comme solution de lutte contre le harcèlement sexuel, ce qui favoriserait la ségrégation dans les lieux publics. Il faut agir sur les mentalités et commencer à partir du plus jeune âge, en travaillant sur le contenu des manuels scolaires afin de les épurer des images stéréotypées et péjoratives sur la femme, a conclu le PDG de la Transtu.