53.5 % des femmes concernées par l‘enquête de la violence fondée sur le genre dans l'espace public en Tunisie disent avoir subi une forme de violence dans un espace pendant les quatre dernières années. 78 % des femmes interviewées dans le cadre de la même enquête se déclarent victimes d'une forme de violence psychologique et 75 % rapportent avoir subi une violence sexuelle dans un espace public Ces résultats frappants de l'étude nationale sur «la violence fondée sur le genre dans l'espace public en Tunisie », réalisée par le Centre de recherches, d'études, de documentation et d'information sur la femme (Crédif) avec l'appui de l'Entité des Nations unies pour l‘égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU Femmes), ont été présentés, hier, par M. Slim Kallel, le coordinateur scientifique de l'étude. Mme Dalenda Larguèche, directrice générale du Crédif, a indiqué que les résultats de cette étude sont très attendus vu l'importance du sujet. « La violence à l'égard des femmes est une violation des droits de la femme qui font partie des droits de l'homme. Ce phénomène est aujourd'hui bien ancré dans les sociétés arabo-musulmanes dont la culture masculine est dominante », explique Mme Larguèche. La directrice du Crédif a souligné que la violence contre les femmes touche toutes les régions du pays et toutes les catégories sociales (femmes au foyer, intellectuelles, femmes qui travaillent...). Elle est présente dans les villes comme dans les zones rurales. Ce phénomène s'est accentué après la révolution. « Cette étude, qui se focalise sur la violence à l‘égard des femmes dans les espaces publics, est la première en Tunisie. Elle vient compléter l'étude réalisée par l'Onfp sur la violence exercée sur les femmes dans l'espace privé. Ainsi, l'objectif de cette enquête est d'apporter des données scientifiques sur ce phénomène dans ses différentes formes. Ces résultats seront utilisés dans la mise en place des mécanismes nécessaires pour garantir une participation active des femmes dans la vie publique », souligne Mme Dalenda Larguèche. Les résultats de l'étude Cette étude a comporté, d'une part, une enquête nationale avec un échantillon représentatif de 4.000 personnes âgées entre 18 et 64 ans et, d'autre part, une étude qualitative avec des entretiens individuels auprès de Tunisiennes et de Tunisiens sur l'ensemble du territoire national. Le choix de l'approche genre est bien étudié. Il permet de mettre les chercheurs sur une piste de compréhension sociale, culturelle et historique des violences faites aux femmes puisque cette approche s'intéresse aux caractéristiques socioculturelles attribuées au sexe biologique. En ce qui concerne l'espace public, l'étude s'est focalisée sur quatre types, à savoir l'espace de transit ( la rue, les moyens de transport en commun), l'espace éducatif, l'espace de loisirs et l'espace professionnel. D'après ladite étude, 78 % des femmes sont victimes de violences psychologiques ( insultes, mots déplaisants, moqueries relatives au corps ou aux vêtements...), près de 24% de ces femmes déclarent avoir été « suivi à pied, à moto ou en voiture » et d'avoir été ensuite insultées. De même 41,2 % des femmes interrogées au cours de l'enquête quantitative déclarent avoir subi une forme de violence physique dans l'espace public. Avec un taux de 33 %, « arracher quelque chose de force » est l'acte le plus fréquent de cette forme de violence. Pour ce qui est des 75 % de femmes victimes de violences sexuelles (importuner, siffler, se déshabiller devant quelqu'un, tenter de toucher...), 23 % rapportent avoir été importunées et 24.3 % l'ont été plus de dix fois. Il vient ensuite le fait d'être collée avec 22.6 %. Selon la même étude, et en ce qui concerne la prévalence des violences fondée sur le genre, 58.3 % des femmes disent avoir été confrontées à l'une des formes de violences dans l'espace professionnel. Pour ce qui est de la prévalence spécifique selon le type de violence et l'état civil, l'enquête a montré qu'il existe une différence significative selon le type de violence (sauf pour les violences physiques) et selon le statut matrimonial. De ce fait, il apparaît que ce sont les divorcées qui subissent le plus de violences physiques avec un taux de 52 %, les célibataires et les veuves arrivent en seconde position avec 45.3 %. Ce sont, également, les femmes divorcées qui sont les plus touchées par les violences psychologiques avec 85 %, viennent ensuite les jeunes filles fiancées à hauteur de 82% et les célibataires avec 80%. Ainsi, et d'après ces statistiques, 8 célibataires et fiancées sur 10 sont victimes de violences psychologiques et près de 9 sur 10 ont subi des violences sexuelles. Par ailleurs, cette étude a montré que le rapport des femmes à l'espace public est un rapport de méfiance, de conditionnement et d'incertitude. Leur présence ne signifie pas, selon la même étude, une participation active pour la réalisation de soi. Ainsi, plusieurs femmes adoptent des stratégies comportementales dans l'espace public pour ne pas être victimes de violence. 79.2% des femmes interrogées dans le cadre de l'étude essayent toujours de ne pas attirer l'attention, 86.6 % font semblant d'être occupées et sérieuses et 82.5% ne parlent pas et ne rient pas à haute voix. Recommandations Pour lutter contre la violence fondée sur le genre dans l'espace public, l'étude a montré qu'il faut agir sur deux niveaux, à savoir les représentations sociales et les pratiques quotidiennes. De ce fait, la première mesure à prendre est de mettre en œuvre une politique nationale de sécurité dans les espaces publics et ceci à travers l'installation de caméras dans divers endroits, comme les moyens de transport, pour dissuader des agresseurs potentiels et constituer des preuves en mesure d'encourager les femmes à porter plainte. La seconde mesure consisterait à organiser des formations continues sur les violences fondées sur le genre, particulièrement pour les prestataires de services (homme-femme) en contact quotidien avec les femmes ( Onfp, ministères de la Santé, de l'Education, de la Justice, de l'Intérieur, des Affaires sociales. D'autre part, l'étude a montré la nécessité d'organiser des campagnes de sensibilisation de lutte contre la violence faite aux femmes dans les espaces publics, de travailler sur l'image de la femme dans les manuels scolaire et de soutenir les espaces dédiés aux sports comme les parcours de santé et les maisons des jeunes.