Youssef Chahed aura beaucoup de difficultés à calmer la colère des femmes qui s'estiment «sous-représentées» au sein du nouveau gouvernement d'union nationale Quand Béji Caïd Essebsi, président de la République, a surpris tout le monde le 13 août dernier (sauf ses proches conseillers et à leur tête Saïda Garrache) en annonçant son initiative relative à l'égalité successorale, son appel à l'abrogation de la circulaire de 1973 relative au mariage de la Tunisienne avec un non-musulman et sa décision de désigner Bochra Belhaj H'mida à la tête de la commission des libertés et de l'égalité, beaucoup d'observateurs et d'analystes ont dit clairement et sans détour : «Si El Béji s'est réconcilié avec Hrayer Tounès, les femmes libres et responsables qui l'ont porté au palais de Carthage, les femmes qui ont imposé la parité et ont dirigé l'historique marche de la nuit du 13 août 2012, refusant fermement que la femme soit inscrite dans la Constitution comme la complémentaire de l'homme». On attendait que l'accession de la femme à un palier supérieur au niveau des postes de direction et de responsabilité occupés par Hrayer Tounès soit renforcée davantage à la faveur du remaniement ministériel opéré dernièrement par Youssef Chahed. En d'autres termes, l'attente était grande de voir des femmes compétentes, qu'elles soient indépendantes ou appartenant à certains partis politiques, intégrer le nouveau gouvernement massivement ou au moins voir leur nombre supérieur à celui que comptait le premier gouvernement Chahed. Malheureusement, il n'en fut rien et le chef du gouvernement s'est contenté de maintenir à leurs postes Neziha Lâabidi (Femme), Selma Elloumi (Tourisme) et Majdouline Cherni (Jeunesse et Sport) et a remercié Samira Meraï pour la remplacer par Slim Chaker, Hela Cheikhrouhou cède sa place à Khaled Kaddour (Energie et Mines) et Lamia Zribi est remplacée par Ridha Chalghoum au ministère des Finances. Quant aux secrétaires d'Etat, elles sont 3 sur 15. Deux nouveaux visages, Sonia Becheikh à la Santé et Sarra Rejeb au Transport, alors que Saïda Ounissi est maintenue au ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle. «Trop peu», estiment les associations féminines dont l'Association tunisienne de gouvernance et d'égalité homme-femme et Aswat Nissa. La première exprime, dans un communiqué publié samedi 9 septembre, son regret de ce qu'elle appelle «la sous-représentation de la gent féminine» et incite les représentants de la société civile à presser davantage «pour garantir légalité des chances homme-femme dans les postes de décision». La seconde s'en remet aux responsables politiques, les appelant à nommer plus de femmes dans les postes de décision. Maintenant que les dés sont jetés, on se demande que dira, aujourd'hui, Youssef Chahed aux députés, principalement aux femmes, pour justifier ses choix ? On attend également Bochra Belhadj H'mida, la présidente de la commission libertés et égalité, pour découvrir si elle va recourir à l'assistance ou à la consultation de femmes qui n'ont pas été désignées au sein de cette même commission. Et ceux qui y ont enregistré l'absence de personnalités d'appartenance islamiste voudraient bien que Bochra Belhadj H'mida remédie à cette lacune d'une manière ou d'une autre.