L'établissement comprend des zones d'ombre, où les jeunes ont pris l'habitude de se réfugier par groupes, à l'abri de tout regard, pour s'adonner à des comportements à risque, dont la consommation de l'alcool. Suffit-il aux élèves inscrits dans les collèges de franchir le seuil de l'établissement pour être à l'abri de tout danger ? Le milieu scolaire continue-t-il, réellement, à jouer le rôle de garde-fou, de tuteur institutionnel chargé de la protection, de la sécurisation et de l'éducation, dans le sens large du terme, des mineurs en âge de scolarisation ? Il est judicieux de reconnaître la démission proprement éducative du cadre enseignant qui, étant sujet à moult pressions d'ordre professionnel, social, matériel et même de gestion des classes, a choisi de miser essentiellement sur la finalisation du programme scolaire, reléguant ainsi au dernier plan l'encadrement, l'orientation, l'éducation et même la protection de cette tranche d'âge vulnérable. L'Ecole s'est délestée peu à peu de la majuscule qui reflétait sa grandeur. Violence, insécurité, marginalisation, méfiance, comportements à risque et même absorption des élèves par des groupes douteux ; autant de répercussions fâcheuses qui en découlent et qui placent l'élève au-devant du gouffre. Dans les quartiers populaires et autres, qualifiés de « chauds », les collégiens se trouvent doublement confrontés aux dangers précités. Aussi, la société civile s'active-t-elle afin de trouver des solutions pertinentes, applicables et prometteuses aux multiples problèmes qu'encourent ces jeunes dans le milieu scolaire. Collège Ibn-Khaldoun : des problèmes et des solutions A Kasserine, et plus exactement à la cité Ennour, un projet à caractère éducatif, social, culturel et sécuritaire a vu le jour, en juillet 2017. Il s'agit d'un projet concocté par le Centre de l'innovation et de l'entrepreneuriat social (Cies) à Kasserine, avec l'appui de Search Collectif Arabic et qui s'inscrit dans le cadre du processus réformateur du système sécuritaire. «Nous devons admettre notre échec en matière de sécurité dans le milieu scolaire. Ce dernier étant devenu un terrain favorable à la non-protection et à la prolifération des comportements à risque», indique M. Ridha Abbassi, membre du (Cies). Le projet consiste, en effet, à examiner de près l'environnement de l'établissement scolaire dans sa totalité afin de faire ressortir toutes les lacunes entravant la sécurité des élèves et créant un milieu favorable à la violence sous ses diverses formes. Les résultats de l'observance et de l'écoute de toutes les parties concernées et impliquées dans le milieu scolaire et dans l'environnement de l'établissement en question seront investis dans la création d'une plateforme à même de répondre aux besoins repérés. «Ce projet a été démarré en juillet 2017. Durant les mois de juillet et août, nous avons organisé cinq meetings tant au sein du Cies qu'à la Maison des associations, auxquels ont pris part les élèves, les enseignants, les parents et toutes les personnes concernées et impliquées dans cet environnement. Nous avons choisi, poursuit M. Abbassi, de focaliser l'intérêt sur le collège Ibn-Khaldoun, situé à la cité Ennour. Ce quartier populaire se caractérise par moult facteurs propices à la violence et à l'insécurité. D'autant plus qu'il se trouve dans une région frontalière, qui représente une zone de passage pour les intrus et une plaque tournante appropriée au trafic». Vulnérables à l'intérieur et en dehors du collège Les meetings ont permis aux membres de la société civile, aux parents, aux enseignants, ainsi qu'aux experts sociaux et de la sécurité nationale de mettre le doigt sur les différents hics convertissant l'environnement scolaire en un site à risque. Qu'il soit à l'intérieur de l'établissement ou à l'extérieur, l'élève ressemble à une proie facile, car il encourt divers dangers. Selon M. Abbassi, les parages du collège sont dominés par des intrus omniprésents, des jeunes déscolarisés, des délinquants et des adultes aux intérêts douteux. Faute d'une salle de permanence, filles et garçons sont contraints de passer les heures creuses à l'extérieur du collège. Des jeunes, qui endurent la précarité, la marginalisation, l'incapacité à s'intégrer dans la société, sont, de surcroît, mus par cette ferveur naturelle et innée propre aux ados, chose qui les rend aussi imprudents qu'impulsifs. Ces jeunes qui n'aspirent, pourtant, qu'à être considérés, écoutés, compris et orientés ; des attentes qui demeurent sans suites favorables. A l'intérieur de l'établissement, rien —ou presque— ne promet de créer cette synergie positive entre l'élève —le bénéficiaire du système d'enseignement— et le cadre enseignant et administratif. «Une fois à l'intérieur du collège, l'élève n'est plus sous le regard protecteur du parent. De leur côté, les enseignants se contentent de maintenir une relation purement pédagogique avec leurs disciples. Le cadre administratif, quant à lui, s'applique à l'imposition de la discipline dans le sens réglementaire du terme. Ainsi, on constate une rupture totale entre les intervenants. Le relationnel s'avère être le maillon manquant», fait remarquer notre vis-à-vis. Et d'ajouter que l'architecture même de l'établissement comprend des zones d'ombre, où les jeunes ont pris l'habitude de se réfugier par groupes, à l'abri de tout regard, pour s'adonner à des comportements à risque, dont la consommation de l'alcool. Toutes ces anomalies ont été débattues, cartes sur table, lors des rencontres organisées, suite auxquelles, les experts et les militants de la société civile ont pris une série de mesures. Une plateforme sécuritaire et sécurisante En effet, il a été procédé à l'instauration d'une cartographie cernant toutes les zones d'ombre, relative à l'environnement propre au collège Ibn-Khaldoun à la cité Ennour. «Cette cartographie serait fort utile pour les agents de la Sécurité nationale. Elle les aiderait à mieux inspecter les zones d'ombre fréquentées par les jeunes», renchérit M. Abbassi. Par ailleurs, une plateforme sera créée en vue d'apporter des solutions applicables et salutaires à tous les problèmes qui ont été cernés et qui conféraient au milieu scolaire un aspect négatif car non protecteur. Les intervenants seront chargés, en fait, de l'observance, du suivi et de l'évaluation des solutions apportées et de leur impact sur la population-cible. D'un autre côté, le Cies se penchera sur l'instauration de clubs culturels et sportifs au sein de l'établissement, et ce, afin d'absorber les jeunes et de les orienter vers des activités édifiantes. Les clubs joueront le rôle de barrière protectrice contre l'absorption des mineurs scolarisés par des personnes ou des mouvements malfaisants, voire terroristes. «Le ministre de l'Education a récemment réagi à notre initiative, en annonçant un projet national pour la lutte contre l'absorption des jeunes par des groupes terroristes. Nous aspirons, poursuit M. Abbassi, à signer une convention de partenariat avec le ministère de l'Education à cet effet. Nous envisageons désormais de documenter toutes les données et les statistiques relatives à notre projet et de décentraliser nos actions pour couvrir d'autres régions et d'autres établissements scolaires». Ce projet, dont les fonds frôlent les dix mille dinars, prendra fin en octobre 2017, après avoir mis les jalons d'une meilleure protection des mineurs dans le milieu scolaire.