Après avoir pérégriné à travers le monde et récolté des prix prestigieux en tant que danseur et chorégraphe, le voilà, Imed Jemaâ, directeur du centre chorégraphique de la Cité de la culture, il y croit dur comme fer. Un mégaprojet dont il révèle ici quelques aspects, et qui se décline en une compagnie nationale de danse contemporaine, une école de formation de danse contemporaine et le centre chorégraphique. Trois volets pour répondre à un rêve sans limites de faire de la Tunisie une mégascène nationale de danse, et reconnue à l'échelle internationale. Interview. Voulez-vous nous parler du centre chorégraphique à la Cité de la culture que vous dirigez ? Ce que nous sommes en train de faire à la Cité de la culture, c'est de mettre en place la compagnie nationale de danse contemporaine, l'école de formation en danse contemporaine et le centre chorégraphique. La danse en Tunisie est un secteur qui a été délaissé pendant trente à quarante ans si l'on compare avec le théâtre et la musique qui relèvent d'institutions nationales. Ce projet que j'ai proposé au ministre des Affaires culturelles est complet. Les trois secteurs avancent parallèlement. Le centre chorégraphique a pour mission d'encadrer les chorégraphes en leur donnant les moyens d'exercer la danse et de se perfectionner avec des chorégraphes étrangers. L'école de danse est chargée de former les danseurs. Nous sommes au stade de la pratique moyennant des masters classes avec des cours intensifs de danse classique et de danse contemporaine et des ateliers. Le mois dernier, nous avons organisé à la maison de culture «Ibn-Rachiq» trois jours avec des chorégraphes tunisiens qui sont montés sur scène pour parler de leurs expériences, de leurs créations et de leurs représentations nationales et internationales. C'est une habitude instaurée régulièrement par le centre chorégraphique que d'organiser un atelier au début du mois à l'échelle nationale et à la fin du mois un atelier de portée internationale. Au cours de cette semaine, trois invités français feront une rencontre avec les chorégraphes tunisiens et raconteront leurs expériences. Pour ce qui est du ballet national, il est prévu d'organiser, du 11 au 19 octobre, 10 jours de danse. Le dernier jour, le 19, sera organisée une audition nationale supervisée par une commission dont les membres relèveront de divers secteurs culturels. Vous n'êtes donc pas dépendants de l'ouverture de la cité de la culture, vous êtes déjà opérationnels, n'est-ce pas ? Nous sommes déjà opérationnels, effectivement. Cela étant dit, tout ce que nous sommes en train de faire depuis environ cinq mois est destiné à l'ouverture officielle de la cité de la culture, prévue le 20 mars 2018. Avec l'ouverture de la cité nous mettrons en exécution un programme qui est déjà ficelé. La vision qui anime l'ensemble de ce programme est l'apprentissage, le perfectionnement ou la professionnalisation ? Notre premier objectif c'est d'atteindre le stade du professionnalisme. Les écoles de danse existent en Tunisie. Mais au bout de trois à quatre ans de formation en tant qu'amateurs, les enfants renoncent à poursuivre les cours de danse, compte tenu du fait que les débouchés sont nuls. L'école professionnelle de danse, qui est censée les prendre en charge, n'existait pas. Ils n'ont pas où aller, comme c'est le cas pour les autres disciplines ; le théâtre ou la musique. C'est pourquoi notre objectif ultime est la professionnalisation du métier de danseur. Avez-vous prévu de collaborer avec des écoles étrangères comme l'école russe ? L'école russe est une école classique. Le ballet classique est un grand projet en soi et nécessite des budgets énormes. Cela dépasse et de très loin nos moyens. Par ailleurs, nous avons des projets de coopération pas uniquement avec la France, mais également avec la Belgique, l'Allemagne, l'Afrique en général. Au Sénégal avec Germaine Acogny avec qui nous avions eu une très belle expérience avec l'Ecole des Sables. Nous envisageons des projets ensemble prochainement. La danse est restée le parent pauvre de la culture, accusant beaucoup de retard par rapport aux autres secteurs de la culture, qu'en pensez-vous ? Aujourd'hui nous sommes en retard, mais, il y a près de vingt ans, la Tunisie était le premier pays arabe et africain qui avait obtenu le premier prix de Bagnolet que j'ai eu avec la défunte Raja Ben Ammar. Je faisais des tournées avec ma compagnie en Afrique et dans le monde arabe. C'était la seule troupe qui existait et elle est tunisienne. Nous avions eu une belle expérience avec le centre national de danse de Borj Baccouche mais qui n'a pas fait long feu. A l'époque, nous n'avions pas beaucoup de danseurs. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, il y a un important vivier. Nous aurons besoin de chorégraphes mais la matière première existe. Les danseurs professionnels, heureusement, aujourd'hui, sont en profusion en Tunisie comparativement à vingt-cinq ans en arrière. Nous espérons avec cela rattraper le retard et que la danse retrouve ses lettres de noblesse.