Les divorces ne se comptent plus en Tunisie. A peine mariés, des couples se rendent compte et quelquefois depuis le premier soir des noces qu'ils ne sont pas faits pour vivre ensemble. Selon les dernières statistiques du ministère de la Justice, l'année judiciaire 2014-2015 a enregistré 14.982 affaires de divorce, soit 41 cas par jour et 4 divorces toutes les trois heures. Ainsi, la Tunisie se positionne au premier rang des pays arabes en matière de divorce et se classe à la quatrième position à l'échelle mondiale. Pourquoi les couples se séparent-ils aussi vite ? Quelles sont les raisons de ces échecs amoureux ? Les divorces peuvent être soit par consentement mutuel des époux, à la demande du mari ou de la femme, soit à la demande de l'un des époux en raison du préjudice qu'il a subi. Les chiffres sont édifiants : le divorce à la demande de l'un des époux vient en tête avec 7.256 jugements prononcés. A la deuxième place, le divorce par consentement mutuel avec 6.241 jugements contre 5.793 en 2014. En dernier lieu, le divorce pour préjudice enregistre le plus faible taux avec 1.485 affaires (1350 en 2014). 9.166 ont été demandés par les maris contre 5.817 déclenchés par les épouses. Il en est de même du divorce pour préjudice: 848 affaires ont été portées devant les tribunaux par les maris, contre 637 par les épouses. Idem pour les divorces sollicités par l'un des partenaires: 4.641 ont été demandés par les maris contre 2.615 par les épouses. Des chiffres peu rassurants qui prouvent que de nombreux couples se lancent dans l'aventure, parfois pour de mauvaises raisons. Incompatibilité sexuelle Les causes de divorces sont complexes mais, parmi les plus courants, le sociologue Taieb Taouili cite l'incompatibilité sexuelle en raison du manque d'éducation sexuelle qui conduit à des surprises, lors de la nuit de noces notamment. L'absence d'expériences pour vivre une sexualité épanouie et pour appréhender les difficultés en la matière explique la recrudescence des séparations rapides, selon lui. Dans une interview à notre journal La Presse, le sexologue Hichem Chérif confirme cette thèse. Selon lui, 70% des cas de divorce en Tunisie résultent des problèmes sexuels. Dans ses interventions radiophoniques sur IFM, le Pr. Mansour Fekih explique que les critères ne sont pas les mêmes après et avant le mariage. La personne choisie ne correspond pas exactement à celle dont on rêve. Cela donne des mariages précipités et des couples peu solides pour affronter leur vie sexuelle. « Les couples qui discutent de leurs envies sexuelles, des variations de leur désir et de leurs vulnérabilités peuvent surmonter leurs différences», révèle le Pr. Mansour Fekih. « La communication est essentielle pour entretenir une vie sexuelle saine ». S'ajoute à cela la non-préparation psychologique et sociale à la vie commune. L'un des époux s'adapte mal à la découverte des comportements qu'il ignore chez son partenaire. Le sociologue loue l'importance accordée par les pays européens, ou ailleurs, à l'éducation à la vie conjugale dans ses différents aspects. Cela peut évidemment se traduire de différentes façons, mais prouve surtout que bien des mariages se déroulent trop tôt dans une relation, avant que les partenaires ne se connaissent vraiment bien. Conséquences dévastatrices Les réseaux sociaux sont aussi l'une des causes de séparation. Le spécialiste explique comment les époux se réfugient dans « leurs familles virtuelles ». Facebook, notamment, facilite, en cas de conflit entre les partenaires, la possibilité d'y établir d'autres relations, perçues comme « des alternatives », renchérit le spécialiste. Ce qui conduit à l'infidélité, considérée comme un coup de couteau dans le contrat qui pousse le conjoint à demander le divorce. Le mariage d'intérêt demeure aussi l'un des fléaux du divorce. Les mariages qui se contractent pour des intérêts financiers ou encore pour l'apparence physique sont aussi fragiles, souligne Taieb Taouili. Il fustige également l'interférence néfaste des familles des époux, qui peuvent déclencher ou faire empirer les conflits entre eux. Les conséquences dévastatrices ne tardent pas à surgir dans le couple, souligne le sociologue qui évoque, notamment, la violence morale et physique et les enfants tiraillés entre leurs parents ou qui assistent à des scènes de violence. Une exposition des enfants aux conflits a pour conséquence de faire des ravages sur leur équilibre psychologique notamment. Selon le psychologue Dr Imed Rekik, le nombre élevé de divorces serait dû essentiellement aux problèmes d'ordre économique et au manque de moyens financiers. Un rapport différent à l'argent et des difficultés financières peuvent avoir raison du couple. Des problèmes financiers ou de carrière peuvent provoquer le divorce. La perte d'un emploi, le chômage ou encore des dettes sont autant de raisons qui font facilement capoter une union. « Malheureusement, il est compliqué d'anticiper ce type de problèmes », conclut-il.