C'est le cas, entre autres, de Sihème, esclave qui a fabriqué le chasse-mouches avec lequel le dey d'Alger, Hussein Pacha, a giflé le consul de France, Pierre Deval. Saber Mansouri était parmi nous, le 2 novembre dernier à Beït Al Hikma, pour présenter son dernier roman «Une femme sans écriture». Modérée par Samir Marzouki, la rencontre était une occasion de revenir sur la carrière de cet historien et universitaire. Disciple de Pierre Vidal-Naquet, helléniste et arabisant, Saber Mansouri enseigne actuellement à l'école pratique des hautes études. Il est le fondateur de la collection "Maktaba-Bibliothèque" chez Fayard en 2003, destinée à faire connaître des textes inédits de la culture arabo-musulmane. Il a également publié divers articles dans des revues spécialisées, trois essais et deux romans «Je suis né huit fois» et le dernier «Une femme sans écriture», les deux parus aux éditions du Seuil. Avec ce nouvel opus, il nous livre le destin d'héroïnes du quotidien, en Algérie et en Tunisie, depuis 1827. Une épopée de 4 générations de femmes pendant deux siècles, des « féministes primitives », comme il le note. «Une femme sans écriture» fait écho à son précédent roman «Je suis né huit fois» qu'il a publié en 2013 et qui traite de l'exil et de la Tunisie des années 1980 et 1990, sorte de renvoi à sa propre vie, lui qui est né à Nefza en 1971 et installé à Paris en 1995. On y retrouve, ainsi, son personnage Massyre, un historien exilé en France et qui, après 15 ans de silence, sollicite sa mère Mabrouka, pour raconter son histoire. Cette dernière, l'estimant ingrat, refuse, au départ, de lui livrer sa mémoire, lui disant qu'elle avait mangé son verbe.«Il se plante complètement dans son travail biographique, car ne connaissant pas vraiment sa mère», affirme l'auteur. Le roman est la correspondance entre le fils et la mère qui finit par lui offrir son histoire et celle des siennes. Elle fait naître son fils deux fois. Le récit,qui baigne dans l'histoire, dans une Algérie et une Tunisie prises dans les vicissitudes de l'invasion coloniale, la résistance, les trahisons, raconte les péripéties de Sihème, de Gamra, de Zina et de Mabrouka. Un hommage à la Mère, aux femmes que revendique Saber Mansouri : «Ces femmes ne sont pas analphabètes, elles ont toutes accompli quelque chose d'incroyable. Ce sont des femmes qui construisent, œuvrent, travaillent, peinent, créent non pas contre mais avec et/ou sans». L'on ne trouvera aucune indication vestimentaire sur elles : «Ces femmes avaient une grâce incarnée par leur génie, leur sagesse. Elles avaient autres chose à dire, à exprimer », note-t-il. C'est le cas, entre autres, de Sihème, esclave qui a fabriqué le chasse-mouches avec lequel le dey d'Alger, Hussein Pacha, a giflé le consul de France, Pierre Deval. Elle devient Lala Sihème, «femme libre et jeune épouse maîtrisant complètement son être et son destin».