Affairé avant le démarrage de la séance spéciale concoctée par la cinémathèque tunisienne, Hichem Ben Ammar, le directeur, nous accorde du temps pour exposer le concept sur lequel s'érige l'institution chargée de préserver le patrimoine cinématographique national. Le réalisateur de son état a en outre détaillé son programme, énuméré ses objectifs, mais aussi reconnu ses limites Le programme spécial que vous présentez entretient certainement un lien avec les JCC, lequel ? Les JCC représentent un podium extraordinaire. C'est un moment où la corporation est réunie, où les journalistes sont à l'écoute et où les invités étrangers peuvent répercuter des informations qu'on leur apporte. C'est un effet d'annonce extraordinaire. Les JCC sont aussi un symbole de la souveraineté des cinémas du Sud. Que cherche à dire la cinémathèque à travers la présentation de films restaurés et numérisés ? Elle dit j'existe. Elle a un socle légal dans le cadre du Centre national du cinéma et de l'image (Cnci) qui va l'abriter et la développer. La cinémathèque est une partie intégrante du Cnci. On aurait pu Mohamed Challouf (conseiller technique de la cinémathèque, ndlr) et moi choisir les Archives nationales ou encore le Service cinéma du ministère de la Culture. Mais la logique nous a imposé d'aller vers le Cnci. Aujourd'hui, toutes proportions gardées, parce que nous sommes à l'état embryonnaire, mais nous sommes l'homologue du centre des Archives françaises du film à Bois d'Arcy et de la direction du patrimoine du CNC français. Eux, ils dénombrent leurs copies par dizaines de millions. Nous autres avons un petit patrimoine à développer. Mais dans la logique de la structure, nous sommes les vis-à-vis de ces établissements. Vous avez choisi cinq films africains, dont un tunisien, pour les présenter, quels sont les critères qui ont motivé ces choix ? C'est l'Afrique d'abord. Nous voulons démontrer que nous avons une ligne éditoriale tournée vers le Sud et vers des cinématographies qui ont du mal à se protéger. Ces films ont été numérisés dernièrement. A cet état embryonnaire où nous nous trouvons, pourtant, des personnes et des institutions nous tendent la main et nous aident inconditionnellement. Ce qui nous rassure aujourd'hui, c'est le fait d'avoir des attributions qui nous positionnent face à la Fédération Internationale des Archives du Film qui regroupe 164 cinémathèques du monde. C'est un réseau de solidarité et d'échange. Le problème qui n'a jamais été posé de manière rationnelle par les décideurs auparavant, c'est la relation établie entre conservation et diffusion. Qu'allons-nous diffuser, si nous n'avons pas accès aux films avec des droits de projection ? Le problème est juridique et éthique vis-à-vis des ayants droit. Lorsque la cinémathèque conserve des copies, elle n'aura pas le droit de les exploiter sans l'accord de ces détenteurs de droit. A présent, les ayants droit représentés par ces cinémathèques du monde pourront nous permettre d'avoir des copies de films en Tunisie. Imaginons si on devait louer pour rester dans la légalité, on n'aurait jamais les moyens de faire une programmation assidue et régulière. C'est pourquoi d'ailleurs jusqu'ici tous les projets se sont cassé le nez. Parce qu'à terme, ils débouchaient sur l'impasse de ne pas pouvoir alimenter la programmation. Maintenant, il faut le dire, il y a un pourcentage de films à détenir pour pouvoir se prévaloir du titre de cinémathèque. Vous avez signé une convention avec la Bibliothèque nationale, en quoi consiste-t-elle? C'est une convention historique parce qu'elle est très attendue. Nous rêvons de cela depuis longtemps. La garantie de disposer d'espaces pour la logistique et une maîtrise de l'humidité de l'air pour la bonne conservation des films sont désormais assurées. Nous serons hébergés par la Bibliothèque Nationale pour la conservation et par la Cité de la culture pour la diffusion. C'est une vitrine extrêmement prestigieuse. Nous avons un socle au Cnci. La cinémathèque, au centre de ce triangle, fera le lien entre les trois institutions pour créer la synergie. Quelle est votre prochaine échéance ? Nous n'avons pas de baguette magique et nous n'aurons jamais assez de moyens pour affronter tout le travail qu'il y a à faire. Le seul outil dont nous disposons aujourd'hui pour nous permettre d'aller loin est l'outil juridique. Par ailleurs, on s'est dit que dans trois ans on fera un bilan.