Le Louvre Abou Dhabi a été officiellement inauguré le 8 novembre en présence du président français Emmanuel Macron et du prince héritier des Emirats arabes unis, Mohammed Ibn Zayed. Il a fallu dix ans pour que ce projet pharaonique voie le jour : Le Louvre des sables né d'un accord intergouvernemental sans précédent entre la France et les Emirats arabes unis. En 2007, la France et les Emirats arabes unis signaient un accord inter gouvernemental culturel inédit. Le nom du Louvre sera prêté pour une période de trente ans au musée d'Abou Dhabi et, durant les 15 prochaines années, des expositions temporaires seront organisées avec les conservateurs français et, pendant dix ans, des œuvres prêtées par 13 musées français. Montant de la facture : 1 milliard d'euros. «Le point de départ a été donné par les Emiriens. Je rappelle effectivement que c'est un projet voulu par le gouvernement émirien pour les générations à venir et pour l'éducation de leur jeunesse», souligne le président du Louvre, Jean-Luc Martinez. Ce sont aussi les Emirats arabes unis qui choisissent Jean Nouvel, l'architecte français-star pour la construction du musée Un bâtiment dont les travaux dureront une décennie. Il coûtera 600 millions d'euros. L'œuvre est ambitieuse et innovatrice à la mesure de la volonté de ses commanditaires. 8.600 m2 d'exposition répartis dans 55 bâtiments coiffés d'un dôme. La coupole métallique perforée qui laisse passer la lumière est démesurée et pèse 7.500 t. Elle protège les galeries et leurs œuvres d'un soleil de plomb, mais offre aussi un immense espace ombragé avec d'innombrables points de vue sur la mer. Jean Nouvel a voulu une architecture très vénitienne : «Il fallait qu'il appartienne autant au désert qu'à la mer et surtout dans ces villes, il y a un énorme ciel colossal. Je me suis donc dit qu'il fallait que je joue avec ces trois éléments métaphysiques. Créer donc un symbole sous le ciel avec cette coupole et la présence d'une archéologie marine. On organise ainsi tout le quartier en-dessous avec la pénétration de l'eau. C'est une déambulation où l'on va de ruelle en placette avec une ouverture sur l'eau. C'est donc un projet très urbain dans le sens de la gentillesse de l'accueil». Des visiteurs accueillis par une exposition inaugurale de près de 600 œuvres La moitié provient de prêts de 13 musées français, dont La Belle Ferronnière, de Léonard de Vinci du Louvre ou Le Fifre, de Manet et L'Autoportrait, de Van Gogh décrochés des cimaises d'Orsay, des œuvres qui dialoguent avec celles de la collection d'Abou Dhabi avec notamment Les joueurs de Bézigue, de Caillebotte , La Vierge à l'enfant, de Bellini, un fabuleux sarcophage égyptien en parfait état et un florilège d'œuvres contemporaines du chinois Ai Weiwei, du sénégalais Omar Ba ou encore de la saoudienne Maha Mallula. La collection du Louvre Abou Dhabi, 600 œuvres à ce jour, est destinée à grandir encore. L'agence France Museum, créée pour aider les Emiratis à constituer leur collection, est dirigée par Jean-François Charnier : «Nous présentons une œuvre de Piet Mondrian, une œuvre d'abstraction très aboutie de l'arbre de l'artiste. C'est le numéro un de la collection acquis en 2009 lors de la vente Bergé/Saint-Laurent». Ce tableau a été acheté pour 21 millions d'euros, des sommets que les musées français ne peuvent atteindre. Parmi les questionnements évoqués ces dernières années, certains se sont demandés si une forme de censure ou de restriction était liée à l'acquisition d'œuvres de nus ou représentant les religions. Dans l'exposition inaugurale, on peut en tout cas voir notamment des sculptures de nus de Rodin de la collection du musée et une galerie est dédiée aux religions. On y retrouve, entre autres, des livres rares de toute beauté. Jean-François Charnier : «C'est une salle dédiée aux livres sacrés. Nous avons une Torah, une Bible, des pages de Coran et des Soutras Bouddhiques». L'avenir du Louvre Abou Dhabi L'idée est que les Emiriens deviennent autonomes et que les Français se retirent peu à peu après avoir apporté leur expertise muséale. Ainsi, les conservateurs ont tous un curateur ou curatrice adjoint des Emirats et les femmes sont majoritaires dans ce domaine. Il en est de même pour la constitution de la collection. «En tant qu'Emirienne qui a étudié l'histoire de l'art et l'archéologie, c'était difficile de choisir un métier sans travail à l'horizon. Donc voir ce musée qui permettra aux jeunes de s'exprimer dans le monde de l'art et de la culture me rend très fière», confie Najla Bouzid de l'agence France Museum. La culture et l'éducation, nouveaux fer de lance des Emirats après 50 ans de miracle économique grâce au pétrole ? A l'heure où certains détruisent le patrimoine artistique, le musée est un formidable projet. Construire un musée dans cette région est d'autant plus salutaire. Le Louvre Abou Dhabi a ouvert ses portes au public le 11 novembre.