Triste mois que ce novembre qui voit partir les plus belles icônes de Tunisie. Celles qui ont fait flamboyer son nom dans le monde des arts. Azzedine Alaïa, le plus Tunisien des grands couturiers parisiens, nous a quittés cette semaine, en toute discrétion, comme il a vécu, loin des flashes et des rumeurs Azzedine le magicien, qui a sublimé le corps des femmes en le réinventant, a conquis Paris et le monde, à petits pas tranquilles. Ce fils d'agriculteur, qui n'a jamais oublié ses racines, est « monté » à Paris après des études à l'Ecole des beaux-arts. A force de persévérance, de volonté, de travail, et de talent bien sûr, il a fait de son nom l'égal des plus grands. Il a habillé les femmes les plus élégantes du monde, la comtesse de Rotschild, sa première cliente, Arletty, Greta Garbo, Michèle Obama au grand dam des couturiers américains, Naomi Campbell qui l'appelait « papa », Jessy Norman, dont il réalisa la robe drapeau pour le défilé du bicentenaire de la Révolution française, les princesse saoudiennes qui l'appelaient « ami, oncle » et qui le suppliaient de leur faire découvrir le Paris by night, et bien sûr les plus branchées des Tunisiennes dont il signait les robes de mariée souvent sur deux générations. Ce personnage, devenu mythique, imposait au très exigeant univers de la mode son rythme et ses diktats : il défilait chez lui, dans ses ateliers, selon son propre calendrier, et à son rythme, qui n'était jamais celui des fashion weeks. Insomniaque, il travaillait tard entouré de ses chiens et de ses chats, sur un air de Om Kalthoum. On disait de lui qu'il était « le dernier grand couturier capable de réaliser du drapé et du dessin des modèles jusqu'à la coupe, l'épinglage et la couture ». Invité par tous les grands musées du monde, c'est au musée de la mode, à Paris, que lui fut offerte sa plus belle consécration en 2013, au cours d'une sublime exposition remarquablement scénographiée. Mais Azzedine Alaïa était resté le petit Tunisien aux goûts simples, qui recevait de la même manière à la table de sa cuisine journalistes, cousettes, et grands de ce monde autour d'un repas frugal et, quand on lui en apportait, de dattes farcies tunisiennes qu'il adorait. Il mettait la dernière touche à sa maison de Sidi Bou Saïd où il se promettait de venir plus souvent quand il aurait moins de travail. Ce temps, hélas, n'est pas venu