Entre les enfants malheureux et malmenés et les jeunes filles et jeunes gens rencontrés plus tard, scolarisés, en formation, voire installés dans la vie, s'incruste le maillon sauveur du couple français. Chaque année en novembre se tient le «Mois du film documentaire». Une manifestation initiée par l'association «Images en bibliothèques» en France, et qui se déroule dans les instituts français dans le monde, mais également au sein des structures culturelles et éducatives, dans les médiathèques, les salles de cinéma et les associations, à travers plusieurs pays en même temps. L'objectif de cet événement annuel et international est de promouvoir un cinéma différent auprès d'un public large et hétéroclite et rendre visibles des films peu vus. S'agissant d'une manifestation polyvalente, les projections sont souvent accompagnées de rencontres, d'expositions, d'ateliers et de concerts. L'Institut français de Tunisie est partie prenante de cet événement. À l'occasion de la 18e édition du mois documentaire, ont été donc projetés du 20 au 24 novembre à l'auditorium de l'institut des films dont on peut citer «La cour de Babel» et «Dernières nouvelles du cosmos». Jeudi dernier, c'était au tour du documentaire «Les pépites» de Xavier de Lauzanne d'être projeté. Sorti en 2016, il dure une heure 28 minutes. Un maillon sauveur Les premières images du film sont carrément insoutenables. Elles montrent des enfants de tous âges, englués dans les ordures de la décharge à ciel ouvert de Phnom-Penh, au Cambodge. Pieds nus, munis d'un bâton ou d'un fil de fer, ils sont à la recherche d'un bouchon en plastique. Poignantes, ces premières scènes racontent l'histoire vraie de ces enfants crasseux, privés de tout, chiffonniers dès les premières années de leurs vies, qui s'acharnent avec leurs petites mains à trouver un bout de quelque chose à mettre dans le sac suspendu à leurs dos. Exposés à la violence de la rue mais aussi à la brutalité de leurs familles, ils essayent de survivre dans l'insécurité, la faim et la saleté. Arrive alors un couple de voyageurs Christian et Marie-France des Pallières, des châtelains qui ont laissé la vie de château derrière eux, pour se lancer à la découverte du monde. Voyageurs, ils sont conduits à travers un de leurs périples vers le Cambodge et y découvrent cette tragédie. Des enfants livrés à eux-mêmes qui se démènent dans la boue, les détritus et l'obscurité. Christian raconte que le premier jour voyant ce spectacle, il avait eu envie de crier. S'alternant les unes avec les autres, sans ordre, les scènes des petits enfants dans la décharge, recueillies à travers les images d'archives, celles où le couple raconte son aventure, et celles des enfants retrouvés vingt ans plus tard, tournées par les équipes du film, s'articulent sur un rythme rapide. A ce détail près, entre les enfants malheureux et malmenés et les jeunes filles et jeunes gens rencontrés plus tard, scolarisés ou en formation, voire installés dans la vie, s'incruste le maillon sauveur du couple français. Une humilité qui force le respect Acteurs de leurs propres vies, les enfants rencontrés vingt ans plus tard, vus en gros plan face à la caméra, racontent leur calvaire d'une voix entrecoupée. Les souvenirs douloureux de l'enfance, encore vivaces, étaient évoqués avec émotion et des larmes. Mêmes sortis de la misère et sauvés, ils ne pouvaient se rappeler des premières années de leur vie sans pleurer. Certains battus et brûlés à l'eau chaude par des parents violents en gardent encore les séquelles sur leurs corps. Le couple de bienfaiteurs face à cette tragédie se lance à la collecte de dons. Les petits donateurs nombreux à travers le monde apportent leurs contributions. Et commençant par recueillir 10 enfants, le couple en a sauvé plus de 10.000, deux décennies plus tard. En les arrachant à la misère, à la prostitution, à la violence, et parfois à une mort certaine, les enfants de la décharge sont devenus des jeunes et des adultes accomplis. Le couple a commencé par construire un immense centre qu'il n'a cessé depuis d'agrandir et qui comprend des écoles maternelles, des centres d'hébergement, des établissements de formation professionnelle, une infirmerie qui faisait près de 300 consultations par jour. Marie-France précise que 27 métiers y sont enseignés, de la cuisine au cinéma, en passant par la coiffure. Ces enfants ne seront pas pistonnés pour trouver du travail, précise Christian, alors il faut qu'ils soient compétents. Face à l'immensité de cette aventure humaine, le couple a fait preuve face à la caméra d'une spontanéité attachante et d'une humilité qui force le respect. L'homme et la femme racontent tour à tour, avec pudeur et sensibilité, le travail à la fois humain et colossal qu'ils ont accompli, en décrivant le parcours des enfants dont ils connaissent pour certains le prénom et la vie en détail. Les scènes finales de cette histoire vraie, qui s'érige en leçon de vie, zoomaient sur des jeunes petits ou déjà grands, heureux et insouciants, en train d'apprendre, de rire et de danser. Christian et Marie-France désireux que leur œuvre soit perpétuée après eux, pour venir en aide à d'autres enfants en détresse à travers le monde, affichaient malgré tout un sourire radieux et la douce satisfaction du travail accompli. «Pour un sourire d'enfant», c'est le nom de leur association.